C’est le génocide à Gaza qui fera perdre les présidentielles à Biden, pas Trump

samedi 9 mars 2024

Chronique stratégique du 9 mars 2024
Alors que depuis des mois, l’administration Biden se refusait à prononcer ne serait-ce que le terme de « cessez-le-feu » à propos du massacre des Palestiniens à Gaza, voici que le 3 mars à Selma (Alabama), la vice-présidente Kamala Harris a appelé à un « cessez-le-feu immédiat ». Qualifiant la situation sur place de « dévastatrice », elle a déclaré que « trop de Palestiniens innocents ont été tués » et déploré un « immense degré de souffrance ».

Ces propos inattendus de Kamala Harris, de plus prononcés la veille de sa réunion à Washington avec Benny Gantz, général israélien à la retraite et membre du cabinet de guerre de Benjamin Netanyahu, ont ensuite été confirmés lors du discours de Joe Biden sur l’état de l’Union, jeudi soir.

Un observateur attentif de la politique de Washington nous a confié qu’il voit dans la déclaration de la vice-présidente le signe d’une panique grandissante au sein du camp Biden. Plusieurs facteurs récents alimentent cette inquiétude :

1. Le vote anti-Biden lors des primaires démocrates du Michigan, le 27 février, où plus de 101 000 électeurs (soit 13,2 %) ont voté « non committed » (« non engagé », une sorte de vote blanc), en signe de protestation contre le soutien du président américain à Netanyahou. L’avertissement est sérieux, parce que pour les Démocrates, le Michigan est un État indispensable à la réélection en novembre.

2. Le choc et la colère générés par l’auto-immolation d’Aaron Bushnell, jeune soldat d’active de l’Armée de l’air américaine, devant l’ambassade d’Israël à Washington, le 25 février, qui entendait protester ainsi contre « le soutien des États-Unis au génocide ».

3. Le « massacre de la farine », qui a fait au moins 112 victimes parmi les Palestiniens, à l’arrivée de camions de livraison de nourriture à Gaza. Après avoir affirmé que ces décès étaient dus à une bousculade, les Forces de Tsahal ont dû rectifier leur communication, confirmant que de nombreux Palestiniens avaient été tués par des tirs israéliens.

4. L’annonce par le directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial de l’ONU que plus de 500 000 Palestiniens de Gaza risquent de mourir non pas de balles, mais de faim.

5. La publication d’un sondage du New York Times le week-end dernier, montrant que 73 % des électeurs de Biden en 2020 le considèrent désormais comme « trop âgé pour être efficace ».

Outre l’opposition croissante à la politique menée en Asie du Sud-Ouest, il est de plus en plus évident que le plan de Biden et de l’Otan visant à aider l’Ukraine à vaincre la Russie est un échec, tandis que l’octroi de fonds supplémentaires à Kiev est bloqué au Congrès. La consternation parmi les faucons de Washington est donc palpable. L’annonce de sa démission par Victoria Nuland, la numéro deux du Département d’État après Antony Blinken, alors qu’elle venait d’annoncer qu’il y aurait bientôt des « surprises » sur le front ukrainien, en est sans doute un indicateur.

Bref, tous ces facteurs contrarient les chances de Biden de l’emporter face à Donald Trump, pratiquement assuré d’obtenir l’investiture présidentielle du Parti républicain. Les propos de Kamala Harris à Selma constituent peut-être un ballon d’essai, en vue de tester la réaction à un changement de politique. Ils reflètent à tout le moins la volonté de calmer un environnement politique devenu très hostile pour les démocrates.

Sortir de la géopolitique mortifère

A cela s’ajoute la condamnation quasi unanime par les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, lors de la session plénière du 4 mars, à l’encontre des États-Unis et d’Israël, accusés d’avoir créé cette situation catastrophique à Gaza. L’Assemblée a été convoquée en session informelle pour examiner « l’usage du veto » au Conseil de sécurité de l’ONU ces derniers mois. L’attention et de l’opprobre se sont concentrés sur le veto des États-Unis, le 20 février, à une résolution de cessez-le-feu pour Gaza, le troisième veto de ce type des États-Unis. En introduisant la session, le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Ambassadeur de Trinité-et-Tobago, Dennis Francis, a qualifié à juste titre la situation à Gaza de « catastrophique, inadmissible et honteuse ».

De nombreux ambassadeurs se sont prononcés contre les États-Unis non seulement au nom de leur nation, mais aussi au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), du Groupe arabe, du Conseil de coopération du Golfe ou du Groupe des amis pour la défense de la Charte des Nations Unies. Le représentant de l’Algérie, qui est l’auteur de la résolution de cessez-le-feu du 20 février, a averti que si le Conseil de sécurité de l’ONU n’agissait pas immédiatement, « il ne resterait plus rien à Gaza qui vaille la peine d’être vécu ». Larguer par avion des rations alimentaires à des populations subissant une guerre génocidaire est devenue l’expression même du cynisme occidental le plus cruel.

Heureusement, les actions se multiplient de par le monde entier, pour faire cesser l’horreur. Un groupe de 200 législateurs de 13 pays, dont plusieurs pays alliés d’Israël et des États-Unis, a publié une déclaration appelant à un embargo immédiat sur les armes à destination d’Israël. Parmi les 200 législateurs, l’on trouve notamment plusieurs dizaines de députés français.

De son côté, l’Institut Schiller, avec lequel Solidarité & progrès associe ses efforts pour changer le cours de la dynamique mondiale, poursuit sa mobilisation internationale. Le 5 mars, le quotidien Global Times, a accordé une interview à Helga Zepp-LaRouche, la présidente de l’Institut Schiller, à l’occasion du lancement cette semaine des réunions annuelles du gouvernement en Chine. L’interview s’intitule « Deux sessions pour montrer une voie à suivre pour que le monde surmonte la vision erronée de la confrontation de groupe ».

« L’humanité est clairement à la croisée des chemins, explique Mme Zepp-LaRouche. Puisque la géopolitique (où tout est jeu à somme nulle avec des perdants et des gagnants) est la malédiction de l’histoire, j’espère que les deux sessions de la Chine traceront une voie pour le monde et l’aideront à comprendre comment surmonter l’idée erronée selon laquelle un pays ou un groupe de pays doit défendre ses intérêts contre un autre groupe par tous les moyens. Il est tout à fait possible pour la Chine d’établir un nouveau paradigme, où les intérêts de tous peuvent être pris en compte, c’est-à-dire un nouveau système qui permette le développement de tous ».