Frappe anti-iranienne à Damas : Netanyahou exporte sa guerre

mercredi 3 avril 2024

L'ambassade d'Iran à Damas (Syrie).
L’ambassade d’Iran à Damas (Syrie).
Alors que la population israélienne se soulève contre l’échec militaire et la politique génocidaire à Gaza, manifestant par dizaines de milliers à Jérusalem, le Premier ministre Netanyahou, cherchant à échapper à son procès et aux peines de prison encourues, se lance dans une fuite en avant, au risque d’entraîner le monde dans un conflit généralisé.

Ce lundi 2 avril, une frappe israélienne a détruit une annexe de l’ambassade d’Iran à Damas, en Syrie, tuant un commandant du Corps des gardiens de la révolution et treize autres personnes. « Le général de brigade Mohammad Reza Zahedi et son adjoint, Mohammad Hadi Haji Rahimi, ont été tués dans l’attaque israélienne », rapporte la chaîne iranienne Press TV. Mardi matin, le président iranien Ebrahim Raisi a affirmé que cette attaque ne resterait pas sans réponse.

Les missiles ont été tirés depuis la partie du plateau du Golan occupée par Israël. « Notre défense aérienne a réagi aux missiles de l’agression et en a abattu certains, explique l’agence officielle syrienne SANA. Cette agression a conduit à la destruction de tout le bâtiment, ainsi qu’à la mort et à des souffrances pour tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur, et des efforts sont en cours pour récupérer les corps. » Cette attaque, réalisée au mépris de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, montre une fois de plus le peu de cas qu’Israël fait du droit international, après son pied de nez à la résolution de Conseil de Sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat (résolution aussitôt déclarée « non contraignante » par les États-Unis), l’évocation d’un « génocide » par la Cour internationale de justice et le sabotage de l’UNRWA, la principale institution des Nations unies chargée de l’aide humanitaire aux Palestiniens depuis 1949.

Dans le contexte de l’opposition croissante à la politique génocidaire d’Israël à Gaza — non seulement à l’extérieur mais de plus en plus au sein même de la population israélienne —, on peut supposer que, tel un tigre blessé devenant mangeur d’hommes, le régime de Netanyahou ne cherche, en frappant l’Iran à Damas, à étendre le conflit en y entraînant le Hezbollah et l’Iran, et à forcer une implication plus directe des États-Unis.

Des dizaines de milliers d’Israéliens demandent l’éviction de Netanyahou

La veille de l’attaque à Damas, « des dizaines de milliers » de manifestants ont défilé dans les rues de Jérusalem, selon les médias israéliens, donnant le coup d’envoi à quatre jours de manifestations et de réunions pour exiger le départ du Premier ministre Netanyahou et de son gouvernement. Selon les organisateurs de la manifestation, il y avait 100 000 participants en ce dimanche 31 mars. Quoi qu’il en soit, il s’agit de la plus grande manifestation contre le gouvernement au pouvoir depuis le 7 octobre.

Bien que la coalition ayant organisé cette mobilisation comprenne divers groupes d’obédience et d’intérêts différents, l’unité s’est créée autour d’un appel à des élections anticipées, de l’annulation des vacances parlementaires du 7 avril au 19 mai votées par le Parlement israélien (la Knesset) et de l’acceptation par le gouvernement d’un accord pour libérer les otages encore détenus à Gaza.

Le rassemblement principal s’est tenu à Jérusalem, en face de la Knesset, mais « certains manifestants ont marché vers plusieurs centres de la ville, dont la résidence du Premier ministre Benjamin Netanyahou, tandis que d’autres bloquaient l’une des entrées de la ville. La police a utilisé le ’skunk’ ou ’eau de putois’ pour les disperser », rapporte le quotidien Haaretz.

Parmi les nombreux orateurs du rassemblement de dimanche, se trouvaient le chef de l’opposition Yair Lapid, ou encore Moshe Redman, un entrepreneur israélien qui avait été au premier plan dans les manifestations massives l’an dernier contre la réforme judiciaire de Netanyahou. Lundi, l’ancien chef de Tsahal et ex-ministre de la Défense, Moshe Yaalon, et le militant du Parti travailliste Yaya Fink sont également intervenus, avant un rassemblement en soirée auquel ont pris part « l’ex-député et ancien chef adjoint de Tsahal Yaïr Golan, ainsi que des membres des familles des victimes du 7 octobre et le petit-fils de l’otage Haim Peri », comme le rapporte le Times of Israel.

Citant Moshe Redman, Haaretz écrit qu’après ces quatre jours d’action, les organisateurs de la manifestation ont l’intention de « solliciter les responsables israéliens, le président de la centrale syndicale Histadrout, les dirigeants des universités et le président de la Fédération des autorités locales d’Israël pour lancer un ultimatum au gouvernement afin qu’il fixe une date limite pour la tenue d’élections générales, sinon l’économie sera bloquée ».

Sortir du déni sur la famine à Gaza

Il faut dire qu’après six mois de bombardements incessants dans la bande de Gaza, ayant causé la mort de dizaines de milliers de civils et poussé un million et demi de réfugiés dans des camps à Rafah, où la famine menace à tout instant, la nature génocidaire de cette guerre crée un sentiment croissant de révulsion au cœur de la population israélienne, comme le reflète l’éditorial de Haaretz publié le 31 mars, sous le titre « Tu ne feras pas mourir de faim ton prochain. »  : « Le gouvernement israélien, depuis son chef jusqu’à son membre le plus subalterne, refuse d’admettre que beaucoup de ceux qui vivent à Gaza sont des civils non-combattants et qu’environ la moitié des habitants de la bande de Gaza sont des enfants, écrivent les rédacteurs. Le débat médiatique public en Israël ignore également cet élément de la situation à Gaza. »

Comme le rapporte le quotidien israélien, la quantité de nourriture qui entre actuellement à Gaza est insuffisante pour nourrir la population sur place. Selon les Nations unies, l’ensemble de la population de la bande de Gaza, soit environ 2,3 millions de personnes, souffre d’insécurité alimentaire aiguë, et environ une personne sur quatre est au bord de la famine. « Les données émergentes et les images qui sont transmises au monde entier d’enfants gazaouis affamés, certains d’entre eux se massant dans les cuisines communautaires pour obtenir une soupe chaude pour leur famille, suscitent des critiques massives de la communauté internationale à l’égard d’Israël. Le gouvernement promeut la création d’une force multinationale pour acheminer l’aide humanitaire à Gaza, dans le seul but d’affaiblir le contrôle du Hamas et de soulager la pression américaine sur ce front », accuse Haaretz.

« Cependant, l’aide humanitaire est destinée, d’abord et avant tout, à soutenir humainement la population civile de Gaza. Actuellement, Israël est la puissance occupante à Gaza ; selon le droit international, il doit répondre aux besoins de la population sous son contrôle, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées et les malades. Il ne faut pas l’oublier. »