Les bilans des banques européennes sont surgonflés... de pertes

mercredi 3 juillet 2013

Les pertes potentielles des banques de la zone euro dépassent largement les capacités du futur fonds de résolution européen MES, a déclaré le journaliste financier Wolfgang Münchau le 24 juin dans le Financial Times de Londres. Elles détiennent pour 1000 à 2600 milliards d’euros d’obligations toxiques sans valeur, ce qui donne aux « maigres » 500 milliards d’euros du Mécanisme européen de stabilité (MES) un air de ridicule.

Münchau estime le bilan des banques de la zone euro, « avec une marge d’erreur équivalente à la totalité du PIB de l’Italie » (1600 milliards), à quelque 26 700 milliards d’euros. Cela donne une idée de l’ampleur du problème. Les systèmes bancaires irlandais, grec, espagnol, portugais ou slovène portent des pertes pouvant atteindre 10 à 15 % de leur bilan, et les systèmes bancaires allemand et d’autres pays (la France ?) ont caché leurs pertes dans des montages comptables faisant appel à des obligations étrangères.

Quoi qu’il en soit, même avec des pertes moyennes dissimulées totalisant 5% du bilan de toutes les banques de la zone euro, il suffit d’ajouter les contenus en actifs toxiques des structures de défaisance existantes (bad banks), qui se montent elles aussi à 5 % du bilan total, pour arriver à 10 % de 26 700 milliards, soit 2600 milliards d’euros.

Ce n’est pas tout. Une chose qu’oublie de mentionner Münchau, ce sont les produits dérivés contractés par les banques, totalisant quelque 700 000 milliards de dollars selon la Banque des règlements internationaux (BRI), à laquelle les banques déclarent, sur une base volontaire, leurs engagement dans ce domaine. Le montant réel est très probablement le double, selon plusieurs sources, soit 1 400 000 milliards de dollars. (Comme en informatique, il faudrait probablement introduire de nouvelles unités de mesure, comme des téradollars ou des téraeuros (TE) par exemple !)

Or, puisque les produits dérivés ne sont pas des actifs mais des paris sur l’évolution des prix des actifs sur lesquels il portent, et ne figurent donc pas au bilan des banques, des pertes encourues sur ces gigantesques paris peuvent survenir à tout moment et « balayer » une grande partie des actifs affichés au bilan.

Il y a deux semaines par exemple, un effondrement du prix du baril de pétrole à 93 dollars a causé, selon des experts consultés, des pertes de 1000 milliards de dollars en seulement 48 heures pour les détenteurs (surtout les banques) de contrats dérivés sur le pétrole. Celles-ci les achètent uniquement pour spéculer et n’ont pas du tout l’intention de prendre livraison de la marchandise.

Ainsi, les pauvres 60 milliards d’euros que le MES entend mettre à la disposition des banques en détresse (sur un total de 500 milliards) ne pèsent pas bien lourd dans la balance. Quant aux futures procédures de résolution, les autorités européennes ont bien pris soin d’exclure les contrats dérivés détenus par les partenaires de jeu d’une banque en faillite, afin de permettre à l’orgie spéculative de se poursuivre, tout en incluant une partie des dépôts des épargnants dans les sommes pouvant être utilisées pour rembourser les pertes sur les produits dérivés.