Optimisme, un essai d’Helen Keller

samedi 6 septembre 2014

[sommaire]

A titre d’introduction

Helen Keller, suite à l’obtention de son diplôme universitaire en 1904.

Suite à une maladie infantile qui la rend sourde, muette et aveugle à l’âge de dix-neuf mois, Helen Keller (1880-1968) était devenue une enfant sauvage. Grâce aux soins d’Ann Sullivan, elle réussit à communiquer, lire, écrire, parler et militer. Diplômée de l’université, elle devint l’un des personnages les plus célèbres des Etats-Unis, reçue aussi bien par Eisenhower que Kennedy. Mais ses engagements de femme progressiste sont aujourd’hui gommés des mémoires. Socialiste, féministe, militante, Helen Keller fut de tous les combats.

Si nous présentons ici son essai sur l’Optimisme (1903), c’est parce qu’en cette période de troubles économiques et de danger de guerre, notre pire ennemi face à la crise reste le pessimisme. Or, l’optimisme d’Helen Keller, c’est justement celui de la combattante qui surmonte les crises. C’est celui d’une humanité progressant grâce aux hommes et aux femmes qui, dans l’histoire, ont lutté, exploré l’inconnu et découvert les fondations futures d’un monde meilleur.

Helen Keller restera sourde et aveugle toute sa vie mais n’a jamais désespéré de l’humanité, car elle a su puiser en elle la force des idées qui ont forgé son identité d’être humain créateur et émancipateur de ses semblables. C’est pourquoi elle peut devenir une source d’inspiration essentielle pour nous autres que, trop souvent, la cacophonie des médias aveugle et rend sourds.

C’est peut-être là la meilleure raison pour laquelle nous vous offrons de lire cet écrit, non pas comme un cadeau à consommer, mais comme un défi à l’idée que vous vous faites de vous-mêmes.

Sébastien Drochon

Partie I : L’Optimisme intérieur

Si on pouvait choisir son environnement, si le désir d’accomplissement humain était un don naturel tous les hommes seraient, je suppose, optimistes. Certainement la plupart d’entre nous regardons le bonheur comme le juste objectif de notre entreprise sur terre. La volonté d’être heureux anime le philosophe, le prince et le ramoneur de cheminée. Peu importe qu’il soit ennuyeux, méchant, ou sage, il ressent que le bonheur est son droit incontestable.

Il est curieux d’observer quels différents idéaux de bonheur les gens chérissent et à quels endroits particuliers ils cherchent la source de bien-être de leur vie. Beaucoup cherchent dans l’accumulation de richesse, dans la fierté du pouvoir, et d’autres dans la réalisation artistique ou la littérature ; quelques-uns cherchent dans l’exploration de leur propre esprit, ou dans la recherche de la connaissance.

La plupart des gens mesurent leur bonheur en termes de plaisirs physiques et de possession matérielle. S’ils pouvaient accomplir quelque objectif visible qu’ils se sont fixés à l’horizon, quel degré de bonheur ils en retireraient ! En l’absence de ce talent ou de cette circonstance, ils seraient misérables. Si le bonheur devait être mesuré, moi qui ne peut ni voir ni entendre, j’aurais toutes les raisons de m’asseoir dans un coin les bras croisés et de pleurer. Si je suis heureuse malgré ces privations sensorielles, si mon bonheur est si profond qu’il en devient une philosophie de vie, si, en résumé, je suis optimiste, mon témoignage sur la croyance en l’optimisme vaut la peine d’être entendu. Comme les pécheurs se regroupent et témoignent de la bonté de dieux, quelqu’un d’affligé peut se lever de joie par conviction et témoigner du bonheur de la vie.

J’ai connu une fois les profondeurs où il n’y a aucun espoir, là où l’obscurité recouvre toute chose. Ensuite l’amour est venu et a délivré mon âme. J’ai connu une fois les ténèbres et l’immobilité. Maintenant je connais l’espoir et la joie. Autrefois, je me cognais et me battais contre les murs qui m’enfermaient. Maintenant je me réjouis dans ma conscience que je peux penser, agir et atteindre le paradis. Ma vie était sans passé ni futur ; le pessimiste dirait de la mort que c’est « un accomplissement que l’on doit souhaiter ardemment ». Mais un petit mot des doigts de quelqu’un d’autre est tombé dans ma main qui ne se raccrochait à rien, et mon cœur sauta dans l’extase de la vie. L’obscurité a fui la lumière de la pensée et l’amour, la joie et l’espoir surgirent dans une passion pour la fidélité à la connaissance. Est-ce que quelqu’un qui a échappé à une telle captivité, qui a senti la sensation et la gloire de la liberté peut être un pessimiste ?

Mon expérience précoce fut ainsi un bond du mal vers le bien. Si j’essayais, je ne pourrais pas identifier le moment de mon premier saut en dehors de l’obscurité ; aller de l’avant fut une habitude apprise soudainement au premier moment de la libération et de cette course vers la lumière. Au premier mot utilisé intelligemment, j’ai appris à vivre, à penser, à espérer. Les ténèbres ne peuvent pas m’enfermer à nouveau. J’ai eu un aperçu du rivage et je peux maintenant vivre grâce à l’espoir de l’atteindre.

Mon optimisme n’est donc pas une douce et déraisonnable satisfaction. Un poète a dit une fois que je devais être heureuse parce que je ne pouvais pas voir crûment la dureté et la froideur des temps présents, et que je vivais dans un beau rêve. Je vis bien dans un beau rêve, mais ce rêve est le réel, le présent : pas froid, mais chaleureux ; pas nu mais rempli de mille bienfaits. Le véritable mal que le poète a supposé être une cruelle désillusion est nécessaire à la pleine connaissance de la joie. C’est seulement par le contact avec le mal que j’ai pu apprendre à sentir par contraste la beauté de la vérité, de l’amour et du bien.

C’est une erreur de toujours contempler le bien et d’ignorer le mal, parce qu’en rendant les gens négligents on laisse entrer le désastre. Il existe un optimisme dangereux de l’ignorance et de l’indifférence. Ce n’est pas assez de dire que le 20e siècle est le meilleur âge dans l’histoire de l’humanité et de prendre refuge loin des malheurs du monde, dans des rêves éthériques de bien. Combien d’hommes bons, prospères et satisfaits ont regardé autour d’eux et n’ont vu aucun mal, que du bien, alors que des millions de leurs confrères étaient échangés et vendus comme du bétail ! Pas de doute qu’il y avait de confortables optimistes qui pensaient que Wilberforce [1] était un besogneux fanatique quand il travaillait avec force pour libérer les esclaves. Je n’ai pas confiance en l’optimisme imprudent qui s’exclame dans ce pays « hourra, nous sommes tous justes ! Voilà la plus grande nation sur terre », alors qu’il y a des griefs qui réclament si fortement réparation. C’est un faux optimisme. Un optimisme sans coût est comme une maison construite sur du sable. Un homme doit comprendre le mal et connaître la souffrance, avant qu’il puisse écrire lui-même qu’il est un optimiste et espérer que les autres croient qu’il a des raisons de garder sa foi.

Je sais ce qu’est le mal. Une fois ou deux je me suis battu avec lui et pendant un certain temps je l’ai senti froidement toucher ma vie ; je parle en connaissance de cause lorsque je dis que le mal est sans conséquence, si ce n’est une sorte de gymnastique mentale. C’est justement parce que j’ai été en contact avec lui que je suis vraiment une optimiste. Je peux dire avec conviction que l’effort demandé pour résister au mal est le plus grand bien. C’est ce qui fait de nous des hommes ou des femmes forts, patients et attentionnés. Cela nous permet de pénétrer l’essence des choses et nous enseigne que même si le monde est plein de souffrance, il est aussi plein de gens qui réussissent à la surmonter. Mon optimisme, alors, ne repose pas sur l’absence de mal mais sur une heureuse croyance en la prépondérance du bien et un effort volontaire de coopérer avec lui afin qu’il puisse prévaloir. J’essaie d’accroître la capacité que dieu m’a donnée à voir le meilleur dans chaque chose et dans chacun, et de faire de ce meilleur une partie de ma vie. Le monde est semé de bien ; mais à moins de transformer mes pensées joyeuses en pratique vivante et de labourer mon propre champ, je ne peux rien récolter de ce bien.

Ainsi mon optimisme est enraciné dans deux mondes, le mien et ce qui est autour de moi. Je demande au monde d’être bon et hop, il obéit. Je proclame que le monde est bon et les faits s’arrangent d’eux-mêmes pour prouver avec éclat que ma proclamation est vraie. Au bien j’ouvre les portes de mon être et je les ferme jalousement à ce qui est mal. Telle est la force de cette belle et ferme conviction, elle se maintient face à toutes les oppositions. Je ne suis jamais découragée par l’absence de bien. Je ne peux jamais être poussée dans le désespoir. Doute et manque de confiance sont la simple panique d’une imagination timide, que les cœurs résolus conquerront et les grands esprits transcenderont.

Lorsque mes années de collège tiraient à leur fin, je me suis retrouvée avec un cœur battant et de brillantes anticipations de ce que le futur m’avait réservé. Ma contribution à la construction de notre monde est peut être limitée ; mais le fait qu’elle implique un travail la rend précieuse. Au contraire, le désir et la volonté de travailler sont de l’optimisme en soi.

Il y a deux générations, Carlyle se jeta éperdument dans l’évangile du travail. Aux rêveurs de la révolution qui construisirent des châteaux de bonheur dans les nuages et qui, lorsque l’inévitable vent les eut déchiré en morceaux devinrent pessimistes – à ces impuissants Endymions, Alastors et Werthers ce paysan écossais [Carlyle], homme de rêve dans le dur monde réel, leur cria bien fort sa croyance dans le travail : « Ne sois plus jamais un chaos mais un monde. Produis ! Produis ! Ne serait-ce que la plus infinitésimale once de produit ! Produis-la, nom de Dieu ! C’est ce qu’il y a de mieux en toi ; que cela sorte, alors. Debout, debout ! Quoi que ta main trouve à faire, mets-y toute ta puissance. Travaille pendant qu’il fait jour car dès que la nuit tombe aucun homme ne peut travailler. »

Certains affirmèrent que Carlyle cherchait à se prémunir contre un monde dur en orientant les hommes vers la sueur et le dur labeur pour leur faire oublier leur misère. Ce n’est pas la pensée de Carlyle. « Imbéciles ! s’exclama-t-il, l’idéal est en eux ; les obstacles sont aussi en eux, misérable réalité ; vivre, penser, croire et être libre ! » Tout ce que Carlyle a dit est que le travail et la production conduisent la vie hors du chaos, font de l’individu un monde, un ordre ; et l’ordre est optimisme.

Moi aussi je peux travailler, et parce que j’aime travailler avec ma tête et mes mains je suis une optimiste malgré tout. J’avais l’habitude de penser que je serais contrariée dans mon désir de faire quelque chose d’utile. Mais j’ai réalisé que même s’il y a peu de façons par lesquelles je peux me rendre utile, le travail qui m’est ouvert est sans limite. Le plus heureux des travailleurs dans les vignes peut être un handicapé. Même si les autres peuvent le dépasser la vigne mûrit au soleil chaque année et la pleine grappe pèse dans sa main. Darwin ne pouvait travailler plus d’une demi-heure à la fois ; après de nombreuses demi-heures il accoucha des fondations d’une philosophie. J’ai très envie d’accomplir une grande et noble tâche ; mais il est de mon principal devoir ainsi que ma joie d’accomplir des humbles tâches comme si elles étaient grandes et nobles. C’est mon service de penser que je peux satisfaire les demandes qui me viennent chaque jour et me réjouir que d’autres peuvent accomplir ce dont je suis incapable. Green, l’historien [2], nous raconte que le monde est tiré de l’avant non seulement par les grands coups d’épaule de ses héros mais aussi par l’agrégat des petites poussées de chacun de ses honnêtes travailleurs ; et cette seule pensée suffit à me guider dans ce vaste monde obscur. J’aime le bien que les autres font ; leur activité me rassure – que je puisse aider ou non – que le vrai et le bien résisteront. J’ai la foi et rien de ce qui arrive ne peut perturber ma foi. Je reconnais le bénéfice des puissances suprêmes à qui nous vouons un culte. Ordre, destinée, grand esprit, nature, Dieu. Je reconnais la puissance du soleil qui fait que chaque chose puisse pousser et rester en vie. Je me suis faite une amie de cette force infinie et à tout moment je me sens heureuse, courageuse et prête pour n’importe quel fardeau que le paradis pourra m’imposer. C’est ma religion de l’optimisme.

Partie II : L’Optimisme extérieur

L’optimisme est donc un fait dans mon cœur. Même lorsque je prends du recul sur ma vie mon cœur ne rencontre aucune contradiction. Le monde extérieur justifie mon univers du bien. Pendant les années que j’ai passées au collège, mes lectures ont été une découverte du bien. Dans la littérature, la philosophie, la religion et l’histoire j’ai trouvé les puissants témoignages de ma foi.

La philosophie est l’histoire de sourds et aveugles consignée en grand. Depuis les dialogues de Socrate en passant par Platon, Berkeley et Kant, la philosophie enregistre les efforts de l’intelligence humaine pour se libérer de l’encombrant monde matériel et voler de l’avant dans un univers d’idées pures. Une personne sourde et aveugle devrait trouver une signification spéciale dans le monde idéal de Platon. Ces choses que tu vois, entends et touches ne sont pas la réalité des réalités mais des manifestations imparfaites de l’idée, du principe, du spirituel ; l’idée est la vérité, le reste est illusion.

S’il en est ainsi mes frères qui jouissent de la pleine utilisation de leurs sens ne sont conscients d’aucune réalité qui ne soit également à la portée de mon esprit. La philosophie donne à l’esprit la prérogative de voir la vérité et de nous conduire dans un royaume où moi, qui suis aveugle, je ne suis pas différente de vous qui voyez. Quand j’ai appris de Berkeley que les yeux recevaient une image inversée des choses, que notre cerveau corrige inconsciemment, j’ai commencé à soupçonner que l’œil n’est pas un instrument très fiable après tout, et je me sens comme quelqu’un qui a été replacée sur un pied d’égalité avec les autres, heureuse non pas parce que les sens leur apportent peu mais parce que dans le monde éternel de Dieu l’esprit et la spiritualité apportent tellement. On dirait que la philosophie a été écrite spécialement pour me consoler et cela est réciproque pour certains philosophes qui pensent que j’ai été spécialement conçue comme un cas expérimental pour les instruire ! Mais dans une certaine mesure ma propre expérience individuelle se joint à la déclaration de la philosophie, selon laquelle le bien est le seul monde et ce monde est un monde spirituel. C’est aussi un univers où l’ordre est tout, où toutes les logiques cassées sont raccommodées, où la distance se définit comme inexistante, où le mal, comme le dit Saint Augustin, est une illusion et que par conséquent il n’est pas.

La signification de la philosophie pour moi n’est pas seulement dans ses principes mais aussi dans l’heureux isolement de ceux qui ont contribué à son développement. Ils étaient isolés du monde même lorsque, comme Platon et Leibniz, ils évoluaient dans les cours et les salons. Aux tumultes de la vie ils étaient sourds et ils étaient aveugles face aux distractions et diversités perplexes. S’asseyant seuls mais pas dans l’obscurité ils apprirent à trouver toute chose en eux-mêmes et s’ils échouaient à les trouver, même là ils avaient encore confiance de rencontrer la vérité face à face lorsque viendrait le moment de laisser cette terre derrière eux et de participer à la sagesse de Dieu. Les grands mystiques vivaient seuls, sourds et aveugles, mais restaient avec Dieu.

Je comprends comment Spinoza eut pu trouver une joie profonde et soutenue lorsqu’il fut excommunié, pauvre, méprisé et suspecté autant par les Juifs que les Chrétiens ; non pas que l’aimable monde des hommes ne m’ait jamais traité de la sorte, mais son isolement de l’univers des joies sensuelles est d’une certaine manière proche du mien. Il aimait le bien en tant que tel. Comme beaucoup de grands esprits il acceptait sa place dans le monde et confiait son innocence à une puissance supérieure, croyant qu’elle animait ses mains et prédominait tout son être. Il faisait implicitement confiance et c’est ce que je fais. L’optimisme profond et solennel me semble devoir jaillir de cette ferme croyance en la présence de Dieu en nous ; pas un lointain, inapprochable gouverneur de l’univers, mais un dieu qui est très près de nous, qui est présent non seulement sur la terre, dans la mer et le ciel mais aussi dans les pures et nobles battements de nos cœurs : « La source et le centre de tout esprit, leur seul point de repos. »

Ainsi, de la philosophie j’ai appris que nous ne voyons que les ombres et connaissons les choses seulement en partie, et que toutes les choses changent ; mais l’esprit, l’invincible esprit, englobe toutes les vérités, embrasse l’univers tel qu’il est, convertit les ombres en réalité et fait apparaître les changements tumultueux comme de simples moments dans un silence éternel ou des traits courts dans l’infini thème de la perfection, et le mal comme « une halte sur le chemin du bien ». Bien qu’avec ma main je puisse saisir seulement une petite partie de l’univers, avec l’esprit je vois le tout et dans ma pensée je peux englober les lois bénéfiques par lesquelles il est gouverné. La confiance et la foi que ces conceptions inspirent m’enseignent dans ma vie à me fier au destin et à me protéger du spectre des doutes et des peurs. Vraiment, béni soit celui qui n’a pas vu mais qui a cru.

Tous les grands philosophes du monde ont été des amoureux de Dieu et ont cru à la bonté intérieure des hommes. Connaître l’histoire de la philosophie, c’est savoir que les plus grands penseurs de tous les temps, les prophètes des tribus et nations, ont été des optimistes.

La croissance de la philosophie est l’histoire de la vie spirituelle de l’homme. En dehors, s’étend la grande masse des événements que nous appelons Histoire. Quand je regarde cette masse, je vois qu’elle prend forme et se façonne elle-même à l’image de Dieu. L’histoire de l’homme est une marche du progrès. Entre le monde intérieur et le monde extérieur j’observe une fabuleuse correspondance, un glorieux symbolisme qui révèle l’humain et le divin communiant ensemble, la leçon de philosophie se répétant dans les faits. Dans toutes les parties qui la compose, l’histoire de l’humanité cache l’esprit du bien et donne du sens à l’ensemble.

A l’aurore de l’histoire, je vois le sauvage fuir les forces de la nature qu’il n’a pas appris à contrôler et chercher à apaiser des êtres surnaturels qui sont la création de ses craintes superstitieuses. Avec un saut d’imagination je vois le sauvage émancipé, civilisé. Il ne voue plus de culte aux cruelles divinités de l’ignorance. Par la souffrance il a appris à construire un toit au-dessus de sa tête, à défendre sa vie et sa maison, et sur son état il a érigé un temple dans lequel il voue un culte aux joyeux dieux de la lumière et de la chanson. Par la souffrance il a appris la justice ; dans la lutte avec ses compagnons il a appris la distinction entre le bien et le mal qui fait de nous des êtres moraux. Il s’est vu gratifié du génie de la Grèce.

Mais la Grèce n’était pas parfaite. Ses idéaux poétiques et religieux étaient bien plus développés que leur pratique ; par conséquent elle mourut. Que son idéal puisse survivre pour ennoblir les âges à venir. Rome aussi a laissé au monde un riche héritage. A travers les vicissitudes de l’histoire, ses lois et son gouvernement ordonné sont restés un majestueux objet de leçon à travers les âges. Mais lorsque l’austère et frugal caractère de son peuple a cessé d’être l’ossature et la vigueur de sa civilisation, Rome est tombée.

Puis les nouvelles nations du Nord sont venues et ont fondé une société plus permanente. Le fondement de la société grecque et romaine était les esclaves, acculés à la condition de réprouvés qui « labourent, meurent dans les champs et dans les ateliers comme des chevaux harnachés, tant pis pour les aveugles ». [3] Le fondement de la nouvelle société était l’homme libre qui se battait, jugeait et se prospérait. Il forgea un Etat à partir de sa tribu et développa une indépendance et une assurance de soi qu’aucune oppression ne pouvait détruire. L’histoire de la lente ascension de l’homme depuis la sauvagerie, en passant par le barbarisme et la maîtrise de la civilisation, est l’incarnation de l’esprit d’optimisme. Depuis la première heure des nouvelles nations chaque siècle a vu une Europe meilleure, jusqu’à ce que le développement du monde appelle l’Amérique.

Tolstoï a dit dernièrement que les Etats-Unis, autrefois espoir du monde, ont conclu un pacte avec le diable. Tolstoï et les autres européens ont encore beaucoup à apprendre de notre grand et libre pays avant qu’ils comprennent la lutte civique unique que les Etats-Unis sont en train de mener. Notre pays est confronté à la lourde tâche d’assimiler les étrangers qui viennent de tous les pays et de les souder en un peuple possédant un esprit national. Nous avons le droit de demander aux critiques de faire preuve de patience, jusqu’à ce que les Etats-Unis aient démontré qu’ils peuvent former un peuple à partir de toutes les nations de la terre. Les économistes de Londres sont alarmés par moins de 500 000 personnes nées à l’étranger sur une population de 6 millions, et discutent sérieusement du danger découlant d’un trop grand nombre d’étrangers. Mais qu’est-ce que leur problème en comparaison de celui de New York, qui compte presque 1 500 000 étrangers parmi ses 3 millions et demi de citoyens ? Pensez à cela ! Une personne sur trois est un étranger dans notre métropole américaine. Par ces seuls chiffres la grandeur des Etats-Unis peut être mesurée.

Il est vrai que les Etats-Unis se sont consacrés largement à la solution de problèmes matériels – labourer les champs, ouvrir les mines, irriguer les déserts, couvrir le continent de chemins de fer – mais notre pays fait ces choses d’une nouvelle façon, en éduquant son peuple, en plaçant au service du développement de chaque homme toutes les ressources du talent humain. Notre pays transmute sa richesse industrielle en éducation de ses travailleurs, afin que les personnes non qualifiées puissent trouver leur place dans la vie nationale, pour que chaque homme puisse appliquer son l’esprit et son âme au contrôle de la matière.

Ses enfants ne sont pas des bêtes de sommes et des esclaves. Notre Constitution l’a déclaré et l’esprit de nos institutions l’a confirmé. Le meilleur de ce que le pays peut enseigner, ils pourront se l’inculquer. Ils pourront apprendre qu’il n’y a pas de classe supérieure dans leur pays, ni d’inférieure, et pourront comprendre comment le monde de Dieu appartient à chacun.

Les Etats-Unis pourraient faire tout cela et être malgré tout égoïstes, même un adorateur du diable. Mais notre pays est le domicile de la charité aussi bien que du commerce. Au milieu d’un trafic rugissant côtoyant des usines bruyantes et des entrepôts montant jusqu’au ciel, on peut voir une école, une bibliothèque, un hôpital, institutions érigées par l’assistance publique représentant la richesse transformée en idées qui doivent durer à jamais. Voyez ce que les Etats-Unis ont déjà fait pour soulager les souffrances et redonner aux affligés leur place dans la société – pour donner la vue aux doigts de l’aveugle, la parole aux lèvres muettes et un esprit à la matière idiote – et dîtes-moi s’ils idolâtrent seulement le diable. Qui peut mesurer la sympathie, la compétence et l’intelligence avec lesquelles notre pays pourvoit aux besoins de tous ceux qui viennent à lui et amoindrit les vagues de pauvreté toujours déferlantes, la misère et la dégradation qui, chaque année, se ruent à ses portes depuis tous les pays ? Lorsque je réfléchis à tous ces faits je ne peux m’empêcher de penser que contrairement à Tolstoï et aux autres théoriciens, il est splendide d’être américain. Aux Etats-Unis, l’optimiste trouve beaucoup de bonnes raisons dans le présent, et de l’espoir pour le futur et cet espoir, cette confiance, peuvent s’étendre à toutes les nations de la terre.

Si nous comparons notre propre époque avec le passé, nous trouvons dans les statistiques modernes une fondation solide pour un optimisme mondial sûr et joyeux. En-dessous de la couche de doute, de mécontentement, de matérialisme qui nous entoure, une foi déterminée brille et brûle dans les meilleures âmes du monde. A entendre le pessimiste, on pourrait penser que la civilisation s’est arrêtée au moyen-âge et n’a pas avancé depuis. Il n’a pas réalisé que le progrès de l’évolution n’est pas une marche ininterrompue.

« Tantôt touchant le but, tantôt refoulé, l’indomptable monde avance avec difficulté. »

J’ai récemment lu le discours [4] d’une personne dont il serait présomptueux de défier les connaissances. J’y trouve beaucoup de preuves de progrès.

Au cours des 50 dernières années le crime a diminué. Certes, les archives d’aujourd’hui contiennent une plus longue liste de crimes. Mais nos statistiques sont plus complètes et précises que celles du passé. De plus, il y a plein d’offenses sur la liste qui n’auraient pas été vues un demi-siècle plus tôt comme des crimes. Cela montre que la conscience publique est plus sensible qu’elle ne l’a jamais été.

Notre définition des crimes est de plus en plus stricte, notre punition est plus clémente et intelligente. Le vieux sentiment de revanche a largement disparu. Ce n’est plus œil pour œil, dent pour dent. Le criminel est traité comme quelqu’un de malade. Il n’est pas enfermé pour être simplement puni mais parce qu’il est une menace pour la société. Tant qu’il est sous astreinte, il est traité humainement et de manière disciplinée pour que son esprit soit guéri de sa maladie, avant d’être rendu à la société pour qu’il puisse y accomplir sa part de travail.

Autre signe d’une conscience publique éveillée et éclairée : l’effort pour offrir à la classe ouvrière de meilleures conditions de logement. Serait-il venu à l’esprit de quiconque il y a un siècle de se demander si l’habitation du pauvre était salubre, commode ou ensoleillée ? Il ne faut pas oublier que dans « les bons vieux temps » le choléra et le typhus ont dévasté des pays entiers et que la peste voyageait sans obstruction d’une capitale à l’autre de l’Europe.

Nos classes laborieuses n’ont pas seulement de meilleurs logis et de meilleurs endroits où travailler ; les employeurs reconnaissent le droit des employés à espérer mieux que le simple salaire de subsistance. Dans l’obscurité et le bouleversement de nos conflits industriels modernes nous ne discernons que vaguement les principes qui sous-tendent la lutte. La reconnaissance du droit des hommes à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur, un esprit de conciliation comme celui dont rêvait Burke, la volonté du fort à faire des concessions au faible, la prise de conscience que les droits de l’employeur sont liés aux droits de l’employé – dans tout cela l’optimiste perçoit les signes de notre temps.

Un autre droit que l’Etat a reconnu comme appartenant à chaque homme est le droit à l’éducation. Dans la partie éclairée de l’Europe comme aux Etats-Unis, chaque ville, chaque bourg, chaque village a son école. Ce n’est plus une classe qui a accès à la connaissance ; pour les enfants du plus pauvre des travailleurs, les portes de l’école sont ouvertes. En partant des pays civilisés l’éducation universelle chasse l’hôte ennuyeux de l’illettrisme.

L’éducation s’étend pour inclure tous les hommes et s’approfondit pour enseigner toutes les vérités. Les étudiants ne sont plus simplement confinées au grec, au latin et aux mathématiques mais ils étudient aussi la science ; la science convertit les rêves du poète, la théorie du mathématicien et la fiction de l’économiste en navires, hôpitaux et instruments qui permettent à une main qualifiée d’accomplir le travail de milliers de gens. On ne demande pas à l’étudiant d’aujourd’hui s’il a appris sa grammaire. Est-il une simple machine à grammaire, un catalogue stérile de faits scientifiques, ou a-t-il acquis les qualités d’un homme à part entière ? Sa tâche suprême est de saisir les grandes questions publiques, de garder l’esprit ouvert aux nouvelles idées et aux nouvelles manières de concevoir la vérité, de restaurer les idéaux les plus fins qui ont été perdus de vue dans la lutte pour la richesse et de promouvoir la justice entres les hommes. Il apprend qu’il peut y avoir des substituts au labeur de l’homme – la puissance des chevaux, des machines et des livres ; mais « il n’y a aucun substitut au sens commun, à la patience, à l’intégrité et au courage ».

Qui peut douter de l’étendue des réalisations de l’éducation quand on considère à quoi ressemblait la condition des aveugles et des sourds il y a un siècle ? Ils faisaient alors l’objet d’une pitié superstitieuse et partageaient le sort du mendiant le plus bas. Tout le monde regardait leur cas comme sans espoir. Les aveugles eux-mêmes riaient de Haüy [5] lorsqu’il leur offrit d’apprendre à lire. Combien pitoyable est cette sensation d’emprisonnement où les hommes apprennent à n’espérer aucun bien et à traiter chaque tentative de les libérer comme les divagations d’un esprit déséquilibré ! Mais apercevoir aujourd’hui la transformation, voir comment les institutions et les établissements industriels pour les aveugles ont fleuri est magique ; voir combien de sourds ont appris non seulement à lire et à écrire mais aussi à parler ; et se rappeler que la foi et la patience du docteur Howe [6] ont porté des fruits dans les efforts qui sont faits partout pour éduquer les sourds et aveugles et les équiper pour la lutte. Et vous vous émerveillez de me voir remplie d’espoir et transportée ?

Le plus grand résultat de l’éducation est la tolérance. Il y a longtemps, les hommes se battaient et mourraient pour leur foi, mais il fallait du temps pour leur apprendre l’autre type de courage – le courage de reconnaître la foi de leurs frères et leur droit de conscience. La tolérance est le premier principe communautaire ; l’esprit est ce qui conserve le meilleur de ce que pensent les hommes. Aucune perte par les inondations et la foudre, aucune destruction de cités et de temples par les forces hostiles de la nature n’a privé l’humanité de tant de nobles vies et d’impulsions, que celles que son intolérance a détruites.

Avec étonnement et peine je me plonge par la pensée dans les âges d’intolérance et de bigoterie. Je vois Jésus, reçu avec mépris et cloué sur la croix. Je vois ses disciples chassés, torturés et brûlés. Je suis présente où les plus fins esprits qui se révoltent contre les superstitions du Moyen-âge sont accusés d’impiété et terrassés. J’aperçois les enfants d’Israël injuriés et persécutés jusqu’à la mort par ceux qui prêchent un faux christianisme ; je les vois éconduits de terre en terre, chassés de refuge en refuge, sommés à la place du criminel, exposés au fouet, moqués quand ils prononcent, sous le châtiment du martyre, une confession de leur foi qu’ils ont gardée avec une splendide constance. La même bigoterie qui oppressait les juifs s’abat comme un tigre sur les Chrétiens non conformistes menant la vie la plus pure, et anéantit les Albigeois et les paisibles Vaudois « dont les os gisent exposés au froid sur les montagnes ». Je vois les nuages s’écarter lentement et j’entends un cri de protestation contre les bigots. La main modératrice de la tolérance est posée sur l’inquisiteur et l’humaniste adresse un message de paix aux persécutés. Au lieu des cris « brûlons les hérétiques ! » les hommes scrutent l’âme humaine avec sympathie, et par ce biais entre dans leur cœur une nouvelle révérence pour ce qui n’est pas vu.

L’idée de fraternité se lève sur le monde avec une plus large signification que celle d’une étroite association de membres d’une secte ou d’une croyance ; et les penseurs d’une grande âme comme Lessing affrontent le monde pour affirmer ce qui est le plus divin : ou bien la haineuse défense, bec et ongle, de religions en conflit, ou bien le doux accord et l’assistance mutuelle. Les antiques préjudices de l’homme contre son frère vacillent et se retirent devant le rayonnement d’un sentiment plus généreux, qui ne sacrifiera pas les homme aux formes ou ne les privera pas du confort et de la force qu’ils trouvent dans leurs propres croyances. L’hérésie d’une époque devient l’orthodoxie de la suivante. La simple tolérance a cédé la place à un sentiment de fraternité entre des hommes sincères de toutes appartenances. L’optimiste se réjouit de la sympathie affectueuse entre un cœur catholique et un cœur protestant, qui trouve une expression gratifiante dans le respect universel et la chaleureuse admiration dont font preuve les bonnes âmes pour Léon XIII à travers le monde. Les célébrations du centenaire de la naissance d’Emerson et de Channing sont de beaux exemples de l’hommage rendu par des hommes de toutes croyances à la mémoire d’une âme pure.

Ainsi, dans le regard que je porte sur notre temps, je pense que je suis heureuse d’être citoyenne du monde et lorsque je regarde mon pays, je trouve qu’être Américaine c’est être optimiste. Je connais l’histoire malheureuse et injuste de ce qui a été fait aux Philippines sous notre drapeau ; mais je crois que dans les accidents de nature politique, ce qu’il y a de plus intelligent dans un peuple échoue à s’exprimer. Je lis dans les récits sur Jules César qu’au cours des guerres civiles il y avait des millions de paisibles bergers et travailleurs qui travaillaient aussi longtemps qu’ils le pouvaient et s’enfuyaient devant l’avancée d’armées conduites par un petit nombre, et qu’ensuite ils attendaient jusqu’à ce que le danger soit passé pour revenir et réparer les dégâts avec leurs mains patientes. Ainsi les gens sont patients et honnêtes, tandis que les dirigeants se fourvoient. Je me réjouis de voir dans le monde et dans ce pays un patriotisme nouveau et plus beau que celui qui cherche à prendre la vie de l’ennemi. C’est un patriotisme plus élevé que celui des champs de bataille. Il motive des milliers de gens à consacrer leur vie aux services sociaux, et chaque vie ainsi consacrée nous rapproche d’un pas du moment où les champs de maïs ne seront plus des champs de bataille. Ainsi, lorsque j’ai entendu parler du combat cruel aux Philippines, je n’ai pas désespéré parce que je savais que le cœur de notre peuple n’était pas dans ce combat, et que quelque fois la main du destructeur doit être arrêtée.

Partie III : L’Optimisme pratique

Le test de toute croyance est son effet pratique dans la vie. S’il est vrai que l’optimisme pousse le monde de l’avant et que le pessimisme le retarde, il est alors dangereux de propager une philosophie pessimiste. Quelqu’un qui croit que la peine surpasse la joie dans le monde et qui exprime cette conviction malheureuse ne fait qu’ajouter à la peine. Schopenhauer est un ennemi de la race humaine. Même s’il croyait sincèrement que nous vivons dans le plus misérable des mondes possibles, il ne devrait pas promulguer une doctrine qui prive les hommes de leur motivation à lutter contre les circonstances. Si la vie lui a donné des cendres en guise de pain, c’est à lui qu’en incombe la faute. La vie est un terrain juste et le droit prospérera si nous le défendons.

Laissez une seule fois le pessimisme saisir l’esprit et la vie est sans dessus-dessous, tout devient vanité et vexation de l’esprit. Il n’y a pas de remède pour le désordre individuel ou social, sauf dans l’oubli et l’annihilation. « Laissez-nous manger, boire et être joyeux », dit le pessimiste, « demain nous mourrons ». Si je regardais ma vie du point de vue du pessimiste, on devrait me réduire au néant. Je devrais chercher en vain la lumière qui n’atteint pas mes yeux et la musique qui ne sonne pas à mes oreilles. Je devrais mendier nuit et jour et ne jamais être satisfaite. Je devrais m’asseoir à part dans une horrible solitude, en proie à la peur et au désespoir. Mais puisque je considère qu’il est de mon devoir envers moi-même et les autres d’être heureuse, j’échappe à une misère pire que toutes les privations physiques.

Qui oserait laisser son incapacité pour l’espoir et le bien porter ombrage au courage de ceux qui portent leur fardeau comme s’il était un privilège ? L’optimiste ne peut pas reculer ni fléchir parce qu’il sait que son voisin sera entravé par son échec à rester en ligne. Il tiendra donc sa position sans peur et se rappellera le devoir du silence. A tout cœur suffit sa propre peine. Il prendra dans ses mains les pinces d’acier des circonstances et les utilisera pour briser les obstacles qui bloquent son passage. Il travaillera comme si dépendait de lui uniquement l’établissement du paradis sur terre.

Nous avons vu que les philosophes du monde – les hérauts du mot – étaient des optimistes ; tels sont également les hommes d’action et de réalisation – les faiseurs du mot. Le docteur Howe trouva sa voie jusqu’à l’âme de Laura Bridgman parce qu’il partait de la croyance qu’il pourrait l’atteindre. Les juristes anglais ont dit que les sourds et les aveugles étaient des idiots au regard de la loi. Voyez ce que fait l’optimiste. Il contredit une dure maxime légale ; il regarde au-delà de l’argile terne et impassible et voit l’âme humaine enchaînée puis, en silence, organise résolument sa libération. Ses efforts sont victorieux. Il crée l’intelligence à partir de l’idiotie et prouve à la loi que les sourds et aveugles sont des êtres responsables.

Lorsque Haüy offrit d’apprendre à l’aveugle à lire, il a rencontré un pessimisme qui se moquait de sa folie. S’il n’avait pas cru que l’âme de l’homme est plus puissante que l’ignorance qui l’entrave, s’il n’avait pas été un optimiste, il n’aurait pas fait des doigts des aveugles un nouvel instrument. Aucun pessimiste n’a jamais découvert le secret des étoiles ou navigué vers une terre inexplorée, ni ouvert un nouveau paradis à l’esprit de l’homme. Saint Bernard était si profondément optimiste qu’il croyait que deux cent cinquante hommes éclairés pouvaient illuminer l’obscurité qui domina la période des croisades ; et la lumière de sa foi éclata comme un jour nouveau sur l’Europe de l’Ouest. John Bosco, le bienfaiteur des pauvres et des solitaires des villes italiennes, était un autre optimiste, un autre prophète qui, percevant une idée divine alors qu’elle était encore au loin, la proclama à ses concitoyens. Bien qu’ils se sont moqués de cette vision et l’ont pris pour un fou, il a travaillé malgré tout patiemment, et avec ses propres mains il a entretenu un foyer pour les gamins des rues. Dans la ferveur de l’enthousiasme, il a prédit le merveilleux mouvement qui devait résulter de son travail. Même avant avoir obtenu de l’argent et un soutien, il a dressé les plans rayonnants du splendide système d’écoles et d’hôpitaux qui devait s’étendre d’un bord à l’autre de l’Italie, et il vécut pour voir l’organisation de la Société San Salvador, incarnation de sa prophétie optimiste. Quand le docteur Seguin a a fait part de sa conviction que les faibles d’esprits pourraient recevoir un enseignement, les gens ont ri à nouveau et dans leur complaisante sagesse ils ont déclaré qu’il ne valait lui-même pas mieux qu’un idiot. Mais le noble optimiste persévéra et un peu plus tard les pessimistes réfractaires ont vu que celui qu’ils avaient ridiculisé était devenu un des grands philanthropes de ce monde. Ainsi l’optimiste croit, tente et réalise. Le soleil éclaire toujours sa vie. Un jour, le merveilleux, l’inexprimable, arrive et brille sur lui et il est prêt à l’accueillir. Son âme trouve son égal et marche à un pas joyeux et cadencé vers chaque nouvelle découverte, chaque victoire fraîche sur les difficultés, chaque ajout à la connaissance humaine et au bonheur.

Nous avons appris que nos grands philosophes et nos grands hommes d’action sont optimistes. Nos hommes de lettre les plus capables ont aussi été des optimistes dans leurs livres et dans leur vie. Aucun pessimiste n’a jamais gagné une audience commensurable avec son génie, et beaucoup d’écrivains optimistes ont été lus et admirés bien au-delà de leur talent, simplement parce qu’ils écrivaient du côté brillant de la vie. Dickens, Lamb, Goldsmith, Irving, tous les biens aimés et les doux humoristes, étaient optimistes. Swift, le pessimiste, n’a jamais eu autant de lecteurs que son imposant génie aurait dû exiger et, en fait, quand il pénètre dans notre siècle et rencontre Thackeray, ce généreux optimiste peut difficilement lui faire justice. Malgré la notoriété tardive de « Rubaiyat » d’Omar Khayyam, nous pouvons établir comme règle que celui qui veut être entendu doit être un croyant, doit faire preuve d’un optimisme fondamental dans sa philosophie. Il peut fulminer, être en désaccord et se lamenter comme le font Carlyle et Ruskin à l’occasion ; mais une confiance basique dans la bonne destinée de la vie et du monde doit sous-tendre son œuvre.

Shakespeare est le prince des optimistes. Ses tragédies sont une révélation de l’ordre moral. Dans Le roi Lear et Hamlet il y a une attente de quelque chose de mieux, on est laissé à la fin d’une pièce avec l’envie de corriger l’injustice, de restaurer la société et reconstruire de plus belle un Etat. Les dernières pièces, La tempête et Cymbeline montrent un optimisme beau et placide où on se délecte des réconciliations et réunions et où on jette les bases pour le triomphe du bien externe aussi bien qu’interne.

Si Browning était moins difficile à lire, il serait sûrement le poète dominant de ce siècle. Je sens l’extase avec lequel il s’exclame : « Oh, grand sourire gigantesque de la vielle terre brune en ce matin d’automne ! » Et comment il met mon cerveau en marche quand il dit que parce qu’il y a des imperfections il doit y avoir de la perfection ; que la complétude a dû jaillir de l’incomplétude ; que l’échec est une preuve du triomphe pour la plénitude des jours ; que oui, la discorde existe, pour qu’il puisse y avoir de l’harmonie ; que la peine détruit pour que la santé puisse renouveler ; peut-être suis-je sourde et aveugle pour que d’autres de même affligés puissent voir et entendre avec un sens plus parfait ! De Browning, j’ai appris qu’il n’y a pas de bien perdu et cela me rend plus facile de m’attaquer à la vie, de manière juste ou erronée de faire de mon mieux, selon ce que je connais, et de ne pas avoir peur. Mon cœur répond fièrement à cette exhortation à payer joyeusement cette dette de souffrance, d’obscurité et de froid demandée par la vie. Prend ton fardeau, c’est un don de Dieu, supporte le noblement.

L’homme de lettre dont la voix est destinée à prévaloir doit être un optimiste, et cette voix tire souvent son message de sa propre vie. La vie de Stevenson est devenue une référence seulement dix ans après sa mort ; il a pris sa place parmi les héros, les plus braves hommes de lettres depuis Johnson et Lamb. Je me souviens d’un moment où j’étais découragée et sur le point de fléchir. Pendant plusieurs jours j’avais travaillé dur à une tâche qui me résistait. Au milieu de ma perplexité j’ai lu un essai de Stevenson qui m’a fait sentir comme si j’étais sortie au soleil plutôt que de perdre courage face à une tâche difficile. J’ai réessayé avec un courage renouvelé et réussi presque avant de m’en rendre compte. J’ai échoué de nombreuses fois depuis mais je ne me suis jamais plus sentie aussi découragée, comme je l’avais été avant que ce robuste prédicateur me donne une leçon à la « façon d’un visage souriant ».

Lisez Schopenhauer et Omar, et vous finirez par trouver le monde aussi creux qu’ils l’avaient trouvé. Lisez L’histoire d’Angleterre de Green, et le monde est peuplé de héros. Je n’ai jamais su pourquoi l’histoire de Green m’a fait frissonner avec la vigueur de la romance, jusqu’à ce que je lise sa biographie. Alors j’ai appris comment son imagination galopante transfigurait les faits durs et crus de la vie en nouveaux rêves vivants. Quand lui et sa femme étaient trop pauvres pour avoir un feu, il s’asseyait devant la cheminée éteinte et prétendait qu’elle était allumée.

« Entraînez vos pensées » disait-il. « Expulsez le lugubre et invitez le brillant à entrer. Il y a plus de sagesse à fermer les yeux que dans vos traités de philosophie. »

Chaque optimiste avance avec le progrès et l’accélère, tandis que chaque pessimiste garderait le monde à l’arrêt. La conséquence du pessimisme dans la vie des nations est la même que dans la vie des individus. Le pessimisme tue l’instinct qui pousse l’homme à lutter contre la pauvreté, l’ignorance et le crime, et assèche toutes les fontaines de joie dans le monde. Par l’imagination, je quitte le pays qui a redonné au pauvre son humanité et je visite l’Inde, le monde sous-terrain du fatalisme – où trois cent millions d’êtres humains, rarement des hommes, submergés dans l’ignorance et la misère se précipitent plus profondément dans la fosse.

Pourquoi en est-il ainsi ? Parce qu’ils ont été pendant des milliers d’années des victimes de leur philosophie, qui leur enseigne que les hommes sont comme de l’herbe ; et l’herbe se fane et il n’y a plus de verdure sur la terre. Ils s’assoient dans l’ombre et se laissent attraper par des circonstances qu’ils devraient maîtriser, jusqu’à ce qu’ils cessent d’être des hommes et qu’on les fasse danser et saluer comme des marionnettes au cours d’un spectacle. Après une petite heure, la mort vient les chercher et les conduit en hâte dans le tombeau, et d’autres marionnettes avec d’autres « désirs et passions en carton-pâte » prennent leur place, et le spectacle continue pendant des siècles.

Allez en Inde et voyez quelle sorte de civilisation on obtient lorsqu’une nation manque de foi dans le progrès et se plie aux dieux de l’obscurité. Sous l’influence du brahmanisme, le génie et l’ambition ont été supprimés. Il n’y a personne pour se lier d’amitié avec les pauvres ou pour protéger les orphelins et les veuves. Les malades restent sans soins. L’aveugle ne sait pas comment voir ni le sourd comment entendre, et on les laisse périr au bord de la route.

Cela est un péché en Inde que d’enseigner à l’aveugle et au sourd, parce que leur affliction est regardée comme une punition pour les offenses commises dans une autre vie. Si j’étais née au milieu de ces doctrines fanatiques je serais toujours restée dans le noir, ma vie aurait été un désert où aucune caravane d’idées ne passe entre mon esprit et le monde au-delà.

Les hindous croient en l’endurance, mais pas en la résistance ; ils ont donc été soumis par des étrangers. Leur histoire est une répétition de celle de Babylone. Une nation lointaine est venue à toute vitesse et sans perdre un instant, inlassablement, ils apportèrent la désolation sur cette terre et s’approprièrent toutes les ressources et les moyens humains, toutes les ressources en pain et en eau, les hommes puissants, les guerriers, les juges et les prophètes, les prudents et les anciens, et personne ne les délivra. Le malheur est vraiment l’héritage de ceux qui marchent avec tristesse et soumission à travers cette terre radieuse qui réjouit l’âme, aveugles à sa beauté et sourds à sa musique, et de ceux qui appellent le mal le bien et le bien le mal, et qui prennent l’obscurité pour la lumière et la lumière pour l’obscurité.

Est-ce que les fils de l’Ouest, nourrissant grâce à leur labeur le monde depuis les plaines du Dakota, s’inquiètent pour les Omars et les Brahmanes ? [7] Ils diraient aux Hindous : « Débarrassez-vous de votre philosophie, morte depuis 1000 ans, regardez avec des yeux neufs la réalité et la vie, délaissez-vous de vos Brahmanes et de vos faux dieux et cherchez tout de suite Vishnou le Sauveur. »

L’optimisme est la foi qui conduit à l’accomplissement. Rien ne peux être accompli sans espoir. Lorsque nos aïeux ont jeté les fondements de nos colonies américaines, qu’est-ce qui les a motivé dans leur tâche si ce n’est leur vision d’une communauté libre ? Dans le froid, sous le ciel inhospitalier, dans les grandes étendues de neige blanche où se tapissait le sauvage aux aguets, se dressait l’arc-en-ciel éblouissant de l’espoir vers lequel ils tournaient leur visage, habités d’une foi pouvant soulever des montagnes, remplir les vallées et franchir les fleuves, et porter la civilisation vers les lieux les plus reculés. Même si ces pionniers ne pouvaient pas construire selon l’idéal hébraïque qui les habitait ils ont malgré tout imparti à leur œuvre ce qui est le plus durable dans notre pays aujourd’hui. Ils ont amené dans ces lieux perdus l’esprit pensant, le livre imprimé, le désir profondément enraciné d’un gouvernement souverain et le droit commun anglais qui juge de la même façon le roi et le sujet, le droit sur lequel repose toute la structure de notre société.

Il est significatif que le fondement de notre droit soit optimiste. Dans les pays latins, la cour procède avec un biais pessimiste. Le prisonnier est tenu coupable jusqu’à ce qu’il puisse prouver qu’il est innocent. En Angleterre et aux Etats-Unis, il y a une présomption optimiste que l’accusé est innocent jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de nier sa culpabilité. Selon notre système, dit-on, beaucoup de criminels sont acquittés ; mais cela est sûrement préférable à l’idée de voir souffrir beaucoup de personnes innocentes. Le pessimiste s’écrie : « Il n’y a rien qui soit durablement bon en l’homme ! La tendance de toute chose est à la perte perpétuelle, jusqu’à ce que l’on arrive au chaos. S’il y a jamais eu une idée du bien dans les choses maléfiques, elle était impuissante, et le monde court à sa ruine. » Mais voyez, le droit des deux pays les plus sobres d’esprit sur cette terre – deux pays marqués par un esprit pratique et la soumission au droit – présume l’existence du bien dans l’homme et demande une preuve de l’existence du mal.

L’optimisme est la foi qui conduit à l’accomplissement. Les prophètes de ce monde ont eu un bon cœur, sinon leurs idéaux seraient restés dénudés sans un seul défenseur. Les critiques de Tolstoï perdent leur puissance parce qu’elles sont pessimistes. S’il avait vu clairement les fautes de l’Amérique et cru en sa capacité à les surmonter, notre peuple aurait pu se sentir stimulé par sa critique. Mais le monde tourne le dos aux prophètes sans espoir et écoute Emerson, qui prend en compte les meilleures qualités de la nation et attaque seulement les vices que personne ne peut défendre ou nier. Il écoute les hommes forts, Lincoln qui, dans des moments de doute, de trouble et de besoin ne trébuche pas. Il voit le succès de loin et avec son espoir inébranlable, gardant son espoir en dépit de tout, il inspire une nation. Dans le désespoir de la nuit il dit « tout va bien » et des milliers de gens se laissent porter en toute confiance. Lorsqu’un tel homme critique et pointe une faute le pays obéit, et ses mots pénètrent dans la pensée des hommes ; mais aux habituelles lamentations de Jérémie l’oreille devient sourde.

Nos journaux devraient se souvenir de cela. La presse est la chaire du monde moderne, et des prédicateurs qui l’occupent beaucoup de choses dépendent. Si la protestation de la presse contre les mesures injustes est utile, alors pendant quatre-vingt-dix neufs jours le mot du prédicateur devrait être source d’entrain et de réjouissance, pour que le centième jour la voix de sa critique soit cent fois plus forte. C’était la façon de Lincoln. Il connaissait le peuple ; il croyait en eux et sa foi reposait sur la justice et la sagesse de la grande majorité. Quand de sa façon brute et vive il dit « vous ne pouvez pas tromper tout le monde tout le temps », il exposa un grand principe, la doctrine de la foi dans la nature humaine.

Le prophète n’est pas sans honneur, sauf s’il est pessimiste. Les prophéties inspirées d’Isaïe ont fait beaucoup plus pour restaurer chez eux les exilés d’Israël que n’ont fait les lamentations de Jérémie pour les délivrer des mains des malfaiteurs.

Est-ce que les hommes se souviennent même le jour de Noël que le Christ est venu comme un prophète du bien ? Son optimisme joyeux est comme l’eau sur les lèvres fiévreuses et atteint sa plus haute expression dans les huit béatitudes. C’est parce que le Christ est un optimiste qu’il a dominé à travers les âges le monde occidental. Pendant dix-neuf siècles la Chrétienté a contemplé son visage radieux et senti que toutes les choses œuvrent ensemble pour le bien. Saint Paul aussi enseignait la foi qui regarde au-delà des choses les plus difficiles, dans l’horizon infini du paradis où toutes les limitations s’évanouissent à la lumière d’une compréhension parfaite. Si tu es né aveugle, cherche les trésors du noir. Ils sont plus précieux que l’or d’Ophir. Ils sont amour, bonté, vérité et espoir et leur prix est au-dessus de celui des rubis et saphirs.

Jésus prononce et Paul proclame un message de paix et de raison, une croyance dans l’idée et non pas dans les choses ; dans l’amour et non pas dans la conquête. L’optimiste est celui qui voit que l’action des hommes n’est pas dirigée par les escadrons et les armées mais par un pouvoir moral, que les conquêtes d’Alexandre et de Napoléon sont moins respectueuses que la silencieuse maîtrise du monde de Newton, Galilée et Saint Augustin. Les idées sont plus puissantes que le feu et l’épée. Sans bruit elles se propagent de terre en terre et l’humanité sort et récolte une riche moisson et remercie Dieu ; mais les réalisations du guerrier sont comme sa citée de canevas : « Aujourd’hui un camp, demain tout est attaqué et s’est évanoui, quelques fosses et des tas de paille. » C’était les paroles de Jésus il y a deux milles ans. Noël est le festival de l’optimisme.

Bien qu’il reste toujours de grands maux qui ne soient pas apaisés, l’optimiste n’y est pas aveugle et il est néanmoins plein d’espoir. Le découragement n’a pas de place dans sa croyance parce qu’il croit dans l’impérissable justesse de Dieu et la dignité de l’homme. L’histoire enregistre l’ascendance triomphante de l’homme. Chaque halte dans son progrès n’est qu’une pause précédant un puissant bond en avant. Le temps n’est pas sans joints. Si certains de nos lieux du culte sont tombés nous en avons bâtis de nouveaux sur ces sites sacrés, plus hauts et plus saints que ceux qui se sont effondrés. Si nous avons perdu certaines des qualités physiques héroïques de nos ancêtres, nous les avons remplacées par une noblesse spirituelle qui met de côté la colère et nous lie aux blessures des vaincus. Toutes les réalisations passées de l’homme sont les nôtres ; et en plus, ses rêvasseries sont devenues nos claires réalités. Ici réside notre espoir et notre foi sûre.

Alors que je me trouve sous le soleil d’un optimisme sincère et honnête, mon imagination « peint des triomphes encore plus glorieux sur le volet nuageux du futur ». De la lutte féroce et du bouleversement des systèmes et des pouvoirs en lutte je vois lentement émerger une ère spirituelle encore plus brillante – une ère dans laquelle il n’y aurait ni Angleterre, ni France, ni Allemagne, ni Amériques, ni tel ou tel peuple, mais une famille : la race humaine ; une loi : la paix ; un besoin : l’harmonie ; un moyen : le travail ; un maître d’œuvre : Dieu.

Si je devais essayer de réciter à nouveau le credo de l’optimiste, je dirais quelque chose comme ceci : « Je crois en Dieu, je crois en l’homme, je crois au pouvoir de l’esprit. Je crois qu’il est un devoir sacré de s’encourager soi-même et les autres ; de se garder de proférer toute parole malheureuse contre le monde de Dieu, parce qu’aucun homme n’a le droit de se plaindre d’un univers que Dieu a fait bon et que des milliers d’homme se sont efforcés de garder bon. Je crois que nous devons agir pour nous approcher du temps où aucun homme ne vivra à son aise à côté d’un autre qui souffre. » Tels sont les articles de ma foi, et il y en a encore un autre dont tout dépend : porter sa foi au-dessus de chaque tempête qui l’inonde et en faire un principe dans le désastre et l’affliction. L’optimisme est l’harmonie entre l’esprit de l’homme et celui de Dieu déclarant son travail comme bon.

Traduit de l’anglais par Norbert Dumas

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Vidéo : Helen Keller : l’esprit au-delà des perceptions
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[1William Wilberforce (1759-1833) : home politique britannique abolitionniste.

[2John Richard Green (1837-1883) : historien anglais.

[3Citation de Thomas Carlyle tirée de The French Revolution : A History, volume 1 (1837).

[4Discours de l’Hon. Carroll D. Wright devant la Conférence Unitarienne, 1903.

[5Valentin Haüy (1745-1822) : fondateur de la première école pour aveugles à Paris en 1784.

[6Le docteur Samuel Gridley Howe, directeur de l’Institut Perkins pour les aveugles de Boston a été le professeur de Laura Bridgman, sourde et aveugle, cinquante avant Helen Keller.

[7Membre de la caste des sacrificateurs, des prêtres, des enseignants et des hommes de loi en Inde.