Charlie Hebdo et les enfants du Londonistan

vendredi 9 janvier 2015

Chérif Kouachi (à droite) en 2006, avec son futur mentor, Djamel Beghal (à gauche et en médaillon)
The Telegraph

Cité par le journal britannique Daily Telegraph du 8 janvier, un indicateur travaillant sous couverture, par ailleurs familier de la mosquée de Finsbury Park à Londres, a décrit l’attaque contre Charlie Hebdo comme « l’héritage d’Abou Hamza al-Masri » (Mustafa Kamel Mustafa, de son vrai nom), le fameux prédicateur wahhabite de cette mosquée tristement célèbre.

Londres était à la fin des années 1990 le refuge par excellence du terrorisme international, à tel point que les services secrets français ont donné à la capitale britannique le surnom de « Londonistan ». Le lieu le plus symbolique en était précisément... la mosquée du Parc de Finsbury. Extradé vers les États-Unis, Hamza, inculpé l’année dernière pour actes terroristes, vient d’être condamné à perpétuité à New York.

Djamel Beghal

Dans son enquête sur Chérif Kouachi, l’un des auteurs de l’attaque contre Charlie Hebdo, Le Monde révèle que lors de son passage à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, de janvier 2005 à octobre 2006, Kouachi avait fait la connaissance de celui qui allait devenir l’un de ses maîtres à penser, le franco-algérien Djamel Beghal. Arrêté à Dubaï durant l’été 2001, il préparait alors un attentat contre l’ambassade des États-Unis à Paris, sur ordre d’un lieutenant de Ben Laden, juste avant l’attaque des tours jumelles de New York.

C’est Beghal qui aurait recruté Zacarias Moussaoui et Richard Reib. Le premier était le fameux « 20e pilote kamikaze » des attaques du 11 septembre (intercepté par la police avant de pouvoir participer à l’opération) et le second fut arrêté le 22 décembre 2001 pour avoir tenté de faire exploser le vol 63 d’American Airlines reliant Paris à Miami (en y embarquant des explosifs dissimulés dans ses chaussures).

Le prédicateur wahhabite Abou Hamza de la Mosquée de Finsbury Park, figure centrale du Londonistan.
Reuters

Or, Beghal se définit lui-même comme un disciple direct d’Abou Hamza, qu’il a fréquenté pendant plusieurs années lorsqu’il résidait à Londres à la fin des années 1990. La capitale anglaise était alors un centre majeur de recrutement djihadiste. De retour en France, Beghal se fit appeler « Abou Hamza », dont il a fait son idole. Il a déclaré avoir créé des cellules terroristes dans plusieurs pays européens, dont l’Angleterre, l’Allemagne, la France et l’Espagne. Bien que ce réseau semble avoir été démantelé après son arrestation, Beghal a recruté, pendant sa détention, tout un réseau de terroristes qui passe aujourd’hui à l’action.

Le GIA et les attentats de 1995

Beghal est membre du Takfir Wal Hijra (Anathème et Exil), branche radicale du GIA (Groupe islamique armé algérien), fidèle à Al-Qaïda et à son chef Ayman al-Zaouahiri. Fondé à la fin des années 1970 en Égypte, le mouvement « takfiriste » s’est révélé en France avec la mise à jour d’opérations de financement au djihad international, telles que l’affaire du réseau Chalabi en 1994, un trafic d’armes et de soutien logistique au GIA algérien.

En 1995, une vague d’attentats, dont celui contre la station RER de Saint-Michel, revendiqué par le GIA, fait huit morts et près de deux cents blessés en France. Le cerveau de l’opération est Rachid Ramda, un Algérien vivant lui aussi à Londres, où il est arrêté. Pendant dix ans, la Haute Cour britannique, désirant « protéger les investissements » des pétromonarchies dans le Royaume, empêchera son extradition. Ce n’est qu’en 2005, après que tous ses recours ont été épuisés, que Londres est finalement contrainte de livrer Ramda aux autorités françaises.

Belkacem

Lors de son procès à Paris, Ramda, qui clame son innocence, reconnaît avoir transféré des fonds à Boualem Bensaïd. Ce dernier est condamné avec l’un des artificiers du GIA, Smain Aït Ali Belkacem, pour avoir directement participé aux attentats.

Lors de l’interpellation de Belkacem à l’automne 1995 dans le nord de la France, les policiers découvrent chez lui une véritable panoplie d’artificier, ainsi que des armes et des munitions. L’analyse de la bande magnétique du ticket de métro retrouvé dans ses poches démontre que celui-ci a été utilisé pour la dernière fois sur la ligne C du RER le jour de l’attentat, et que son utilisateur a quitté la rame à la station Javel quelques minutes avant l’explosion de la bombe.

Beghal est lui aussi interpellé en 1995. Relâché aussitôt, il part pour l’Afghanistan et la Tchétchénie pour y récolter des fonds. Il sera condamné une première fois le 15 mai 2005, à 10 ans de prison pour avoir créé une association de malfaiteurs terroristes, mais libéré en 2009 et assigné à résidence dans un hôtel à Murat, dans le Cantal. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de recevoir Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, les futurs auteurs des attentats contre Charlie Hebdo et la supérette cacher de la Porte de Vincennes.

En 2010, la police arrête en France quatorze personnes soupçonnées de planifier une tentative d’évasion du poseur de bombes Belkacem. Parmi eux, un fois de plus, Djamel Beghal,

Notons par ailleurs que Mehdi Nemmouche, l’auteur de l’attaque contre le Musée juif de Bruxelles, affirme lui aussi que son maître à penser n’est autre que Djamel Beghal. Voilà donc l’héritage d’Abou Hamza et du Londonistan.

En 2000, les journalistes du magazine Executive Intelligence Review (EIR) avaient adressé un mémorandum à la Secrétaire d’Etat américaine de l’époque Madeleine Albright, lui demandant d’inscrire le Royaume-Uni sur la liste des pays soutenant le terrorisme. Parmi les documents présentés, un article du Daily Telegraph daté du 6 novembre 1995, intitulé « Londres abrite l’auteur des attentats de Paris », ainsi qu’un article paru dans Le Figaro du 3 novembre 1995 : « Le fog proverbial de Londres », affirmant que « la piste de Boualem Bensaïd, dirigeant du GIA, mène à Londres. La capitale britannique a servi de base logistique et financière aux terroristes ».

Hamza, MI5 et Scotland Yard

Plus récemment, en mai 2014, lors des auditions du prédicateur londonien Abou Hamza extradé vers les États-Unis, son avocat Joshua Dratel affirma que son client avait toujours agi comme « un intermédiaire » entre les autorités britanniques et les extrémistes du Londonistan.

Se basant sur la cinquantaine de pages de notes prises par Scotland Yard, détaillant les échanges de son client avec les services, Dratel déclara qu’Abou Hamza coopérait avec le MI5 (sécurité intérieure) et la police pour en finir avec les prises d’otages et réduire les tensions avec la communauté musulmane en Angleterre.

Lors de son procès au Royaume-Uni en 2006, Hamza avait déjà affirmé haut et fort qu’il était, de 1997 à 2000, en contact régulier avec le MI5 et les services spéciaux anglais. « Cet aveu extraordinaire, prédit aujourd’hui le Telegraph, nourrira les théories du complot qui disent que s’il a pu prêcher la haine pendant si longtemps, c’est parce qu’il travaillait pour la police. »

Ainsi, tant qu’il n’y avait « pas de sang versé sur le sol britannique », les autorités fermaient les yeux, surtout quand les mouvances terroristes se déchaînaient à l’étranger, là où cela arrangeait les intérêts de la City et Wall Street.

Avertissement de Jacques CHEMINADE le 23 décembre :