Sortir du piège de la dette : la Grèce nous donne l’exemple

samedi 7 février 2015

Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble et son homologue grec Yanis Varoufakis (à droite).
AP

Face aux dernières tentatives d’intimidation de la Banque centrale européenne (BCE) contre la Grèce, visant maintenir à tout prix en vie un système financier transatlantique gangrené par la spéculation et devenu anti-économique, il est utile de montrer de manière succincte pourquoi la situation grecque est l’occasion rêvée pour remettre le système à plat.

Tout d’abord, comment l’a mentionné Jacques Cheminade dans une déclaration du 31 janvier :

La dette grecque, en son état actuel, ne pourra jamais être remboursée, même au détriment de la population et de l’économie grecques ». « Il doit être reconnu, ajoute Cheminade, que c’est toute la dette publique et privée des pays européens et du système transatlantique qui pose problème, et pas seulement celle de la Grèce ».

Ce constat est celui qui a été présenté le 13 janvier par le Premier ministre grec Alexis Tsipras, dans une lettre ouverte au peuple allemand intitulée « La vérité sur la Grèce que certains ont voulu vous cacher », publiée par le quotidien Handelsblatt. Tsipras résume le problème de son pays de la manière suivante :

En 2010, l’État grec a cessé d’être en mesure de servir sa dette. Malheureusement, les dirigeants européens ont décidé de faire croire que ce problème pourrait être surmonté par l’octroi du plus grand prêt jamais consenti à un état [110 milliards d’euros sur 3 ans], sous condition que certaines mesures budgétaires seraient appliquées, alors que celles ci, manifestement, ne pouvaient que diminuer le revenu national destiné au remboursement des nouveaux et anciens prêts. Un problème de faillite a été donc traité comme s’il s’agissait d’un problème de liquidité. En d’autres termes, l’attitude adoptée était celle du mauvais banquier qui, au lieu d’admettre que le prêt accordé à la société en faillite a ’’sauté’’, lui accorde des prêts supplémentaires, prétextant que les anciennes dettes restent servies et prolonge ainsi la faillite à perpétuité.

La Grèce n’est bien évidemment pas la seule à se trouver dans cette situation. D’autres pays comme l’Espagne et le Portugal croulent sous le poids de la dette, sans parler de l’Italie ou la France où les coupes budgétaires se succèdent comme les saisons depuis plusieurs décennies.

Mais il en va de même pour la grande majorité des grandes institutions bancaires transatlantiques privées, qui ne survivent que grâce aux mesures de renflouement et d’assouplissement quantitatif (planche à billets) mises en œuvre par la Réserve fédérale américaine et la BCE.

C’est ce qui a amené Jacques Cheminade à soutenir la proposition grecque pour une Conférence internationale sur la dette :

C’est pourquoi notre gouvernement doit soutenir la convocation d’une Conférence européenne sur la dette, proposée par le gouvernement grec et, au-delà, d’une Conférence sur la dette de l’ensemble du système transatlantique dollar/euro. La solution adoptée par la Conférence de Londres du 27 février 1953, en faveur d’une République fédérale allemande alors asphyxiée comme la Grèce l’est aujourd’hui, doit inspirer l’attitude du gouvernement français : réduction de la part illégitime et non remboursable de la dette grecque, de l’ordre de 60 %, moratoire de 5 ans sur le reste et limitation du paiement annuel à 5 % de ses revenus d’exportation.

Le chemin de la reprise

L’autre point important concerne les mesures à prendre pour sortir la Grèce et l’Europe de la dépression. Dans un entretien du 20 janvier avec le quotidien français La Tribune, le nouveau ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a exposé pourquoi il faut un grand programme d’investissement au niveau européen :

Le problème de l’investissement en Grèce ne peut pas concerner seulement la Grèce. Syriza s’est engagée à maintenir un budget équilibré, nous ne pouvons donc pas attendre de l’Etat grec qu’il résolve ce problème. Il faut donc un plan ambitieux au niveau européen. (…)

L’Europe dispose (...) d’un instrument pour investir, la Banque européenne d’Investissement (BEI) qui est aujourd’hui trop pusillanime dans ses actions, non seulement parce qu’elle craint pour sa notation, mais parce que ses investissements doivent être cofinancés [par les investisseurs privés].

Il faut donc libérer la capacité d’action de la BEI pour entamer une vraie « nouvelle donne » (New Deal) pour l’Europe et injecter 6 à 7 % du PIB de la zone euro dans l’économie. Et si Mario Draghi veut racheter de la dette publique, il serait plus utile qu’il rachète sur le marché secondaire des obligations de la BEI. Ce sera bien plus utile que d’acheter de la dette allemande. Les taux de cette dernière seraient ainsi maintenus bas et nous pourrons financer une nouvelle vague d’investissement dont l’Europe - et pas seulement la Grèce - a besoin.

C’est ce qu’a développé Jacques Cheminade dans sa déclaration du 31 janvier, insistant sur la nécessité d’une rupture avec la pratique économique des dernières décennies et pour une grande politique d’investissement public dans l’infrastructure :

Le fardeau de cette dette se trouvant ainsi éliminé, un accord européen et international doit être mis en place, en vue d’émettre massivement du crédit public pour équiper l’homme et la nature, chaque Etat-nation y apportant sa part en fonction d’une estimation raisonnable des ressources humaines et matérielles qu’il se trouvera en mesure d’apporter. Ce sont les ressources engendrées par les crédits d’équipement qui permettront alors de rembourser les créances. Le crédit doit être public et à long terme, en faveur des peuples et des générations futures, et non à court terme, en faveur des spéculations financières.

La dynamique amorcée par les BRICS à l’échelle internationale, tout comme la ronde de négociations entamée ici même en Europe par la Grèce, nous montrent par conséquent la voie à suivre pour une transition rapide et efficace vers un nouvel ordre économique juste et capable de garantir la croissance. A nous de ne pas rater cette occasion.