De Mozart à The Voice

samedi 25 juillet 2015

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Dans notre société embourbée dans le narcissisme et la brutalité de la culture de masse, même un Mozart sur son lit de mort s’avère plus vivant, créatif et humain que toutes les stars de la musique d’aujourd’hui. (Mozart composant son Requiem, tableau de William James Grant).

Quand la finance prend notre humanité en otage

Par Cédric Gougeon

Diego Frazao Torquato joue du violon en pleurant pendant les funérailles de son professeur, l’homme qui prit soin d’enfants de Rio de Janeiro, traumatisés par la violence, en leur apprenant la musique.

Que se passe-t-il sur le continent de Platon, Shakespeare, Beethoven et Victor Hugo ? Depuis des décennies, l’héritage de notre culture humaniste se fane comme une rose sans printemps nouveau. Nous réclamons de nouveau la peine de mort, nous nous engageons sans remords dans des guerres destructrices, et dans la logique du laissez-faire économique, nous laissons mourir les migrants dans l’indifférence, torturant au passage le pays de Socrate et d’Homère.

Certains d’entre vous accuseront des « circonstances complexes et coûteuses » et d’autres rejetteront la faute sur les « tous pourris ». « La faute, cher citoyen, n’est pas dans les étoiles, mais en nous-mêmes », aurait sans doute répondu sévèrement William Shakespeare.

N’avons-nous pas notre part de responsabilité dans l’indifférence passive de nos actions quotidiennes ? Pour tous ceux qui veulent encore croire à l’avenir de l’humanité, il est grand-temps de reconnaître que notre sensibilité humaine est chaque jour mise à l’épreuve par ce que nous acceptons d’écouter, de regarder ou de lire. Si vous ne l’avez pas compris, d’autres l’ont compris pour vous.

Rebâtir une culture humaine

Le rôle d’une culture tournée vers les défis de l’humanité n’a pas échappé à tous les rescapés de la Seconde Guerre mondiale : en 1954, un groupe délégué par le directeur général de l’UNESCO vote une résolution visant à mettre en valeur le rôle de la culture classique et humaniste dans l’éducation et améliorer la vie culturelle de chaque pays concerné par l’UNESCO.

Voici quelques extraits tirés du rapport :

Au sein de chaque grande civilisation ou de chaque groupe de culture, un certain idéal humain (…), un certain trésor de textes littéraires et d’œuvres d’art, ont été longtemps reconnus comme le dépôt de la grandeur de l’homme et comme le témoignage de ses efforts vers la pleine réalisation de son humanité. Ces œuvres nous libèrent du momentané et du particulier, elles offrent un sens de l’éternité de certains problèmes fondamentaux.

D’une manière générale, l’importance qui est couramment reconnue à la culture classique repose sur la notion que, tout en appartenant à son temps, à sa société particulière, l’homme ne devient vraiment homme que s’il dispose des moyens de prendre un certain recul par rapport aux réalités et aux problèmes immédiats, recul qui apparaît nécessaire pour l’exercice du jugement et l’épanouissement de la personnalité libre. L’homme, dit-on, doit élargir son horizon autant qu’il le peut ; il doit échapper à l’hypnose du transitoire, prendre conscience de sa place dans l’ensemble de l’histoire humaine.

Une telle culture devrait (…) affiner le don d’appréciation et le sens critique, inspirer le sens des responsabilités politiques et civiques, permettre une intégration des différentes connaissances spécialisées, former la sensibilité et le jugement esthétique, rattacher chaque être humain à la communauté à laquelle il appartient, mais le rendre en même temps accueillant au message des cultures d’autres peuples.

En somme, une culture qui apporte les moyens et le désir d’imagination, « qui déborde le cadre limité et contraignant des problèmes immédiats, et par laquelle l’homme soit en mesure de conquérir la forme de sagesse dont il a besoin pour surmonter la crise de civilisation… » Voilà qu’un son de clairon mélodieux s’élève pour ranimer l’universel qui repose dans les profondeurs de notre antiquité.

Un début de miracle culturel après-guerre

Ayant reconstruit leurs villes dévastées jusqu’aux années 60, il ne manquait plus aux nations de l’Europe d’après-guerre que l’infrastructure de l’esprit. A ce titre, le Royaume-Uni avait déjà inauguré en 1946 le Public Funding for the Arts, dont les fonds seront multipliés à l’aube des années 60, et grâce auquel on subventionne massivement les orchestres, les salles de concert et les opéras.

En Allemagne, la tradition voulant que l’État prenne en charge toutes les dépenses pour soutenir la musique, chaque nouvelle salle d’opéra à Berlin-Ouest reçoit une aide de vingt deutschemark mark par place afin d’en faire bénéficier les populations les moins privilégiées, tandis que Hambourg bénéficie d’un budget tel que certaines œuvres musicales sont jouées par les meilleurs orchestres du monde, sans en faire souffrir les finances, ni le portefeuille de l’audience.

En France, le ministre de la Culture André Malraux signe un chèque en blanc à tous ceux qui disent pourvoir à la revitalisation de la grande musique et nomme le compositeur Marcel Landowski à la direction de la musique au nouveau ministère des Affaires culturelles, qui définit un plan décennal dont l’objectif sera l’accès de tous à la musique classique, et qui aboutira entre autres à la création des orchestres de Régions.

La majorité des pays européens se joignent à cet effort de reconstruction culturelle, telle une réponse collective au besoin de beauté et de rêve commun, un acte politique dont l’embryon existait déjà avant-guerre mais qui avait échoué. Toute une génération est désormais appelée à construire un meilleur vivre ensemble.

Mais cet élan populaire vers la musique classique n’a pas vu le jour sur le vieux continent. C’est au sortir de la Grande Dépression que le président des États-Unis, Franklin Roosevelt, ordonnait en 1935, sous l’influence de sa femme Eleanor, la création du Federal Music Project.

Le but : inspirer le goût de la grande musique en facilitant l’accès aux concerts et en introduisant l’enseignement pour chaque élève d’un instrument dans les salles de classe, ciblant particulièrement les enfants les plus défavorisés. Un effort considérable y est engagé à faire renaître les œuvres de Bach, Mozart et Beethoven et même les Negro Spirituals (chants d’espérance des esclaves du Sud). Malgré l’immense succès du projet, il est annulé en 1943 par les ennemis du New Deal, la clique politique au service de Wall Street et de ses intérêts.

La finance se met au diapason

Après la mort de Roosevelt, les Etats-Unis d’après-guerre prennent un tout autre chemin. La musique de Mozart ne trouvant plus de budget public digne de ce nom, la généreuse Ford Foundation et le groupe Rockefeller déposent une part de leur fortune sur la table. Seul bémol : sur les 82,5 millions de dollars qu’ils mettent à disposition des orchestres, chaque compagnie musicale se doit de lever le double du montant pour tout concert ou initiative engagée de sa part. Pour survivre, la musique classique est soudainement priée de s’adapter à une logique financière sans merci.

Cette tendance s’accentuera jusque dans les années 70, mais c’est surtout par l’Angleterre que cette pratique entre en Europe. D’après le chroniqueur musical de la BBC Norman Lebrecht, les réseaux de la haute finance anglaise offrirent à l’immense industrie américaine une infiltration sans précédent en Europe, faisant le pont depuis Wall Street jusqu’à la City de Londres.

Le 3 mars 1982, l’élite financière anglaise inaugure pour une centaine de millions de livres sterling le fameux Barbican Center, ouvrage prestigieux présenté par le centre financier de la City de Londres comme un don à la nation (École de musique et théâtre de Guildhall, Orchestre symphonique de Londres, Royal Shakespeare Company).

Libres de toutes règles ou restrictions, l’art et la culture sont alors livrés aux caprices des fonds privés. Les compagnies Lucky Strike et Phillip Morris en sont parmi les plus actifs. C’est d’ailleurs dans les bureaux de l’Imperial Tobacco à Londres que fut fondée l’une des plus grandes associations pour le mécénat des arts. Son directeur, Luke Rittner, devient rapidement le secrétaire général du Conseil des Arts, sous la tutelle du Premier ministre Margaret Thatcher.

Le krach…

Les affaires allant bon train, les grandes fortunes investissent dans l’opéra, conscients de son cachet social et des possibilités exclusives qu’il offre pour l’image des multinationales. Une pyramide de fonds propres se forme autour des salles de marché de Wall Street.

Le business de la musique classique tombe presque exclusivement entre les mains de quelques riches privilégiés lorsque le krach boursier du 19 octobre 1987 frappe soudainement l’économie mondiale. Pris au piège d’un assèchement des marchés, les artistes n’ont d’autre choix que d’embaucher des consultants pour dénicher de nouveaux sponsors.

S’ils doivent parfois jouer jusqu’à deux à trois fois plus dans l’année pour toucher un salaire décent, certains tombent dans un engrenage où le temps de réflexion entre les représentations se fait rare et cher, au détriment de l’art.

Dans l’Angleterre des années 90, les fonds de sociétés privées ont largement remplacé les budgets publics, coupés à la hache par Margaret Thatcher : seuls 20 % des sommes dédiées aux arts sont publiques.

En France, le groupe Caisse des dépôts investit 27 millions d’euros pour « raviver la vie musicale » au luxueux théâtre des Champs Élysées et France Télécom devient le grand sponsor des opéras régionaux, eux aussi victimes des coupes budgétaire de l’État.

Pour accélérer le phénomène, la Commission européenne publie un rapport en 1991 justifiant le rôle essentiel du mécénat pour l’essor de l’art, et crée dans la même veine un Comité européen pour le rapprochement de l’économie et de la culture (CEREC) afin d’encourager un mécénat culturel paneuropéen.

C’est alors que l’illusion de générosité désintéressée des fonds privés se dissimule habilement dans un paysage de démocratisation des arts et de la culture, tandis que les dirigeants politiques louent la charité des nouveaux philanthropes de l’art. C’est précisément à cette époque charnière que les metteurs en scène sont priés d’ « innover », de retravailler les grandes œuvres classiques, afin d’attirer un public plus large. On remplace systématiquement le langage métaphorique par le symbolique, on introduit le sang, le sexe et l’anachronisme dans les opéras de Verdi et Mozart.

Encore aujourd’hui, certaines grandes œuvres sont défigurées au nom du renouveau artistique. Mais comme l’avouera le directeur de Digital, ce qui importe, c’est que « la somme d’argent dépensée dans les arts ait un grand effet de retour sur investissement (sic) – nous pouvons en mesurer les affaires par des bénéfices plus que probants ».

Le prix des places dans les salles de concerts étant devenu exorbitant pour la majorité, il n’est plus pensable de savourer en direct une symphonie, d’en être ému dans sa chair : ceci étant réservé à une classe de privilégiés, la majorité est réduite à l’écouter en CD, privée de l’intimité et de l’effervescence d’une représentation vécue.

Une musique sans âme

De gauche à droite : Mark Mccormack, John de Mol, Max Hole. Les trois mousquetaires de la bestialisation de la culture.

Mark McCormack, proche de Margaret Thatcher, a repéré un parallèle intéressant entre le business des sports de masse télévisés (dont il fut le pionnier) et le monde musical. Il se fraie alors par étapes le chemin qui le mène au business de la musique et prend la direction d’IMG (International Management Group), devenant l’un des plus grands sponsors de la musique classique. « Je ne pouvais pas faire la différence entre un bon et un mauvais violoniste », a-t-il déclaré un jour.

Mais il savait comment toucher gros grâce aux prestations des stars en gonflant les prix d’entrée et en collant des logos de produits sur leurs t-shirts et chapeaux. Grâce à sa fortune, McCormack invite bien des artistes classiques à recentrer leur carrière loin des concerts et opéras ordinaires, pour les amener à jouer dans des arènes ou même lors d’événements spéciaux… comme l’ouverture de grandes compétitions sportives.

L’accès populaire à la musique de Bach, Mozart et Beethoven se trouvant en danger, certains artistes tirent la sonnette d’alarme, comme le chef de l’orchestre de Saint-Pétersbourg Mariss Jansons, qui s’exprime dans une interview en 1993 :

Partout dans le monde, les politiciens ne s’occupent pas assez de l’art. Il y a eu certes des progrès technologiques, mais l’harmonie entre les choses matérielles et spirituelles s’est étirée. La vie spirituelle du monde a été dégradée avec les guerres et la diffusion massive des stupéfiants, et les âmes des hommes se vident. Couper dans la promotion de l’art crée de grandes tragédies.

Mais à quoi ce vide s’est-il substitué ?

Culture de masse, l’humain trépasse

Aujourd’hui, l’échappatoire qu’est devenue la télévision fait cruellement de l’ombre aux visites de musées ou aux concerts de Mozart dans les quartiers. La violence et le sexe gratuit de Game of Thrones ont remplacé les pièces révolutionnaires de Shakespeare, et les grandes œuvres de l’humanité sont peu à peu confisquées aux peuples par une élite déguisée en agneau.

A part quelques initiatives généreuses, les premières places avoisinent parfois les 200 €, faisant de l’auditorium « une place utilisée par l’élite pour se convaincre qu’elle n’est pas si froide, inhumaine et conservatrice qu’elle est accusée d’être », reconnaît même un certain Jacques Attali.

Le peuple, lui, se console en écoutant de la musique digitale ou en regardant la télévision, offrant en passant de nouvelles perspectives aux multinationales du numérique.

La musique « boîte de conserve » ou « marteau piqueur » qui dure 3 minutes 30 inonde alors très vite les marchés. L’essor de cette industrie n’a plus qu’un objectif : créer des stars de toutes pièces, les faire connaître et vendre autant que possible. L’éphémère et la punch line dictent leur loi, le beau n’a qu’à bien se tenir.

La bulle éclate

« J’ai toujours pensé que plusieurs heures par semaine, les gens veulent juste se divertir. Ils veulent se vautrer dans leur fauteuil, avec une tasse de café, et savourer une bonne émission sans rien faire », affirme le néerlandais John de Mol, l’un des plus gros milliardaires de ce monde.

Son grand-père, qui possédait un orchestre à lui seul, fait partie de cette oligarchie de la culture, un œil sur l’héritage, l’autre guettant avec inquiétude le comportement du bas peuple. Lui a choisi de s’occuper des « masses ». A l’aube de l’éclatement de la bulle informatique de l’an 2000, de Mol transforme le concept de la téléréalité et en fait un phénomène de société.

Big Brother, un jeu alliant voyeurisme, élimination et obscénité, en sera le premier produit. En direct à la télévision, une très large audience de jeunes se passionne pour ces scènes où des adultes exhibent leurs pulsions les plus animales, sans limites ni complexes, qui deviennent rapidement les normes de comportement dont on discute à la récré.

Très vite, l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les États-Unis, la Suède, la Belgique et la Suisse emboîtent le pas, sauf… la France.

Mais soudain, les grands actionnaires des chaines TV commerciales paniquent. La bulle des technologies informatiques explose, entraînant Vivendi et France Télécom dans les abysses. Indexées aux sociétés de l’information et de la communication, les chaînes privées TF1 et M6 voient leurs actions en bourse chuter sans revoir la lumière du jour, jusqu’en mars 2001 où la direction de M6 contacte John de Moll. M6 achète les droits de Big Brother, donnant naissance au fameux Loft Story, et voit ses actions se stabiliser sur les marchés.

Le 11 mai 2001, le directeur de TF1 Patrick Le Lay s’enflamme à la une du journal Le Monde : « Peut-on tout montrer à la télévision ? Comme deux Français sur trois, à TF1 nous répondons non. (…) Au CSA de dire si une chaîne généraliste en clair peut diffuser à une heure où une majorité d’enfants regardent la télévision, un programme incitant des jeunes gens à former un couple temporaire par appât du gain. »

Mais à la fin de l’été 2001, TF1 a perdu 80 % de ses valeurs sur le marché et décide dans la panique de suivre le troupeau en formation. Patrick Le Lay annonce la signature en exclusivité de tous les futurs programmes de la société Endemol, dirigée par John de Mol.

La domination de l’autre, la cupidité, le narcissisme et l’élimination du « maillon faible » deviennent la règle générale sur les plateaux télévisés. Est-ce vraiment du divertissement, lorsque le but du jeu est d’être le plus manipulateur, le plus pervers pour gagner ?

Dans un contexte dominé par la crise économique et le chômage, Le maillon faible ou Kho lanta sont là pour vous rappeler que pour survivre et gagner, vous devez être impitoyable et accepter de vous soumettre à la règle du jeu.

Évidemment, cette norme façonne également les plus jeunes générations. Plongée dans une société sans vision ni rêve commun, elle est torturée par l’ennui et le vide. Il lui faut sa dose de musique de fond, de télé, de cinéma, de jeux vidéos, de sorties en ville et en boîte. « Si les Français ont le sentiment d’avoir perdu leur identité, déclare le philosophe Bernard Stiegler, ce n’est pas du tout à cause des Magrébins, ou des Africains, ni des Asiatiques qui s’installent en France, c’est parce que le marketing les a privés de leur culture. (…) C’est parce que les profs ne peuvent plus concurrencer la télé qui capte l’attention beaucoup plus efficacement que les profs. »

Certains l’ont bien compris. Père artistique de Justin Bieber et Eminem, le britannique Max Hole est directeur de UMGI (Universal Music Group International), la plus grande industrie de musique au monde, basée aux USA mais appartenant désormais entièrement au groupe français Vivendi.

En 2011, Max Hole signe l’un des plus grands contrats avec John de Mol et achète les droits de The Voice, une émission présente sur tous les continents, mettant en scène de jeunes chanteurs qui devront savoir se vendre face à un public et un jury sans merci. Créer des stars de toutes pièces ? Pourquoi pas en appelant aux pouces levés ou baissés du public ?

L’industrie musicale a maintenant réussi à s’adapter à la logique d’une télévision entièrement consacrée à l’audience de masse, non pour élever les individus, mais pour former un empire capable de façonner une nouvelle culture de l’instantané, de l’apparence, où il faut « faire semblant ». De nouveaux Ozymandias éphémères s’érigent en prophètes devant un public vidé de tout sens spirituel et historique, pour le plus grand bonheur de l’oligarchie financière.

Déjà en 1956, le philosophe Joseph Folliet soulignait le danger d’une culture de masse basée sur le culte de l’individu, soi-disant libre mais de fait constamment manipulé. Car, disait-il, pour être pleinement humaine, la culture doit être « démassifiée ».

Face à une culture de l’intimidation par l’argent et le pouvoir, nous devons nous battre pour recréer l’idéal républicain, ou chacun, à sa manière et avec sa différence, apporte sa part de beauté dans la laideur omniprésente, au risque d’être parfois méprisé, et souvent surpris. C’est le cadeau généreux à offrir pour accueillir de nouveau une culture du peuple, par le peuple et pour le peuple. Suivons les conseils du grand poète allemand Friedrich Schiller :

« La dignité de l’homme est remise entre nos mains : Gardons-là ! Nous tomberons avec elle, avec nous, elle s’élèvera ! »

Le Mozart de demain sera-t-il chinois ?

« Quand je regarde l’industrie de la musique chinoise, en dépit de son passé difficile, je vois l’avenir », a déclaré Max Hole, dirigeant d’UMGI pour l’Asie-Pacifique. « La Chine est non seulement le plus grand pays du monde, elle est aussi la plus grande expérience du monde à tester pour les nouveaux modèles d’affaires de demain. »

N’en déplaise à Max Hole, son nouveau modèle de business risque de rencontrer quelques obstacles : contrairement aux idées reçues, il n’y a aucun autre pays au monde où les grandes œuvres de la musique classique occidentale soient aussi largement admirées qu’en Chine.

Quelque 25 millions d’enfants chinois étudient le violon et 75 millions le piano, six fois le nombre d’enfants américains. Le gouvernement de Xi Jinping a engagé des sommes considérables pour construire de nouvelles salles de musique majestueuses, parmi lesquelles l’Opéra de Shanghai et le Centre national des arts de Beijing. En Chine, l’amoureux de musique classique et professeur du célèbre Scripps College, Hao Huang, parle d’une « frénésie pour la formation de la musique ».

La musique classique occidentale n’avait pas été présentée au public chinois jusqu’aux missionnaires chrétiens du XIXe siècle, mais elle a rapidement gagné en popularité dès les années 60 grâce au prestige européen de la « culture du progrès scientifique et de la modernisation ». Selon Huang, cette rigueur émancipée de la formation classique correspond aux valeurs de l’autodiscipline confucéenne. Confucius estimait que l’étude de la musique sérieuse était « un moyen indispensable pour la formation de l’esprit, et considérait même qu’elle était plus importante que les mathématiques ou l’écriture… ».

Le confucianisme et la musique classique furent sévèrement attaqués au cours de la Révolution culturelle de Mao Zedong (1966-1976). Le gouvernement communiste dépeint alors la musique européenne comme une invention bourgeoise utilisée à des fins contre-révolutionnaires.

Cependant, dans les années 80, le Parti communiste chinois commence à renouer avec Confucius, et la musique classique retrouve naturellement la grâce qui lui avait été confisquée. « Ironiquement, explique le professeur Huang, l’avenir de la musique classique occidentale est sans doute l’art vivant entre les mains (et les doigts) des musiciens de l’Est et non de l’Ouest, où la musique classique est marginalisée par l’industrie du divertissement contemporain en tant que genre ésotérique de quelques privilégiés. »

Sources :