Les Frères musulmans, un instrument de domination britannique

vendredi 2 octobre 2015, par Karel Vereycken


Fondée en 1928 à Ismaïlia en Egypte par l’instituteur militant Hassan al-Banna, la Confrérie des Frères musulmans (FM), avec une activité militante dans plus de 70 pays (Soudan, Jordanie, Syrie, Palestine, Maghreb, etc.), est une des plus anciennes et plus grandes organisations islamistes sunnites du monde.

S’il serait préjudiciable de condamner en bloc l’ensemble de ses membres, force est de constater qu’un fait historique troublant demeure : tout ce dont Al-Banna rêvait en 1928, Daech et Al-Qaïda tentent de le réaliser aujourd’hui : faire régner sur terre une théocratie globale qui se fonde exclusivement sur la loi islamique (sharia) en créant un « califat islamique » englobant d’abord l’ensemble du monde arabe et ensuite le monde entier.

Histoire

Après la Révolution égyptienne de 1919, le Royaume-Uni reconnait l’indépendance de l’Égypte en 1922. Fouad Ier adopte alors le titre de « roi d’Egypte ». Et, lorsque le 19 avril 1923 on discute de la première constitution ou figurent malgré tout quelques fondements d’un État moderne, les Égyptiens, pour en montrer l’importance, affirment que « la Constitution, c’est notre Coran ».

A quoi Hassan al-Banna répond :

Non, le Coran est notre constitution ! Le Prophète Mohamed est notre leader ! Le Jihad est notre Voie, et la mort pour la gloire d’Allah est notre plus belle aspiration. (…) La nation s’élèvera par la prière et renaîtra uniquement par la charia islamique.

Hassan-al-Banna, le fondateur des Frères musulmans.
lightforlearner.wordpress.com

De son point de vue, celui que partagent aujourd’hui les sectes wahhabites d’Arabie Saoudite qui alimentent le terrorisme international, tous les États laïques doivent être démantelés, un processus aujourd’hui en cours avec la destruction de l’Irak, de la Libye et de la Syrie…

Ainsi, dès les années 1930, les FM se dotent d’une branche clandestine. A la surface, les FM sont une organisation pacifique et de bienfaisance, mais en parallèle, elle forme et équipe en armes des combattants.

Vu la corruption et l’hypocrisie du régime, les rangs des FM gonfleront rapidement. En 1944, le FM a 1500 filiales rien qu’en Égypte.

Le nombre de membres passe d’un demi-million à deux millions en 1948. Et en embrassant la cause palestinienne, les FM augmenteront encore leur influence.

Au service des Britanniques

Dans Secret Affairs : Britain’s Collusion with Radical Islam (2010), l’historien anglais Mark Curtis note que dès son arrivée au pouvoir en 1936, le roi Farouk voyait les FM comme un instrument utile pour endiguer l’influence du plus grand parti du pays, le parti nationaliste Wafd, et celui des communistes.

Alors qu’à l’origine les Britanniques tentent d’éliminer les FM, un rapport du renseignement britannique de 1942 note que le palais (du Caire) avait commencé à sponsoriser des sociétés islamiques afin d’écarter des rivaux et pour favoriser les intérêts britanniques. Le premier contact direct documenté entre des officiels britanniques et les FM date de 1941 à une époque où les Britanniques considéraient les FM comme « la menace la plus grave à l’ordre public » en Égypte.

Of course, en échange de la protection et l’argent offert, les Britanniques sollicitent quelques services. A partir de 1942, les Britanniques ont financé les FM, affirme Mark Curtis. Tout en préparant leur élimination, en cas où…

A cette fin, les Britanniques exacerberont les conflits internes entre les dirigeants et fournissent au régime une liste des membres les plus dangereux. La stratégie des Britanniques vise à « les tuer par la gentillesse ».

A Al Banna on offre le droit de lancer un journal et de publier des articles en faveur des « principes démocratiques », ce qui permet de provoquer la « désintégration » des FM, estiment les apprenti-sorciers britanniques. Les notes d’une réunion d’agents britanniques indiquent que les FM formaient une armée de saboteurs et espionnaient au profit des Nazis avec lesquels ils partagent la haine des Juifs.

Cependant, lorsqu’entre 1945 et 1948, les FM s’en prennent aux intérêts anglais dans la zone du Canal de Suez et assassinent deux premiers ministres, le chef de la police et un membre du cabinet, les Britanniques estiment que c’en est trop.

A leur demande les FM sont attaqué et ses membres jetés en prison. Le Premier ministre égyptien Mahmud Fahmi Nokrashi qui donna l’ordre de dissoudre les FM, est assassiné à son tour par un membre des FM. En 1949, Al Banna est alors exécuté par des tireurs payés par le palais, affirme un rapport du MI6.

Force est de constater que bien avant le Londonistan, les Britanniques maitrisaient déjà l’art de jouer avec le terrorisme. Si les cibles arrangeaient Londres, on donne un coup de pouce tout en regardant ailleurs. Et si, par malchance, cela se retourne contre les intérêts de l’Empire, les Britanniques ne montrent aucune pitié pour les « idiots utiles » dont ils ont joyeusement exploités les services.

Gamal Abdel Nasser

Lorsque le groupe des jeunes officiers, dont le futur président Gamal Abdel Nasser dépose le régime probritannique du Roi Farouk le 23 juillet 1952, les FM se divisent en deux. Un premier courant affirme vouloir travailler avec Nasser tout en espérant faire évoluer lentement le pays vers le fondamentalisme islamique.

Sayed Qutb (1906-1966)
alsiraat.co.uk

Le deuxième, moins patient, dirigé par le penseur radical Sayed Qutb (1909-1966), estime que l’Égypte vit dans l’âge préislamique de l’ignorance (Jahilya). Pour lui, ses dirigeants sont des faux musulmans et des oppresseurs. Ils ne méritent que la mort.

Tenu en haute estime aujourd’hui par les djihadistes de Daech et d’Al Qaïda, Sayed Qutb, véritable fondateur de « l’Islam politique » appelle alors à la lutte armée contre les régimes occidentalisés et corrompus du Proche Orient ainsi que contre tous les non-croyants occidentaux.

Lorsque Nasser veut affranchir l’Egypte de la tutelle anglo-américaine et noue des relations avec Moscou, il est la cible d’une tentative d’assassinat par un membre des FM. Alors qu’ils venaient d’obtenir l’autorisation de pouvoir opérer en Égypte, les FM sont une fois de plus déclarés hors la loi.

Cette fois-ci, Nasser, par ailleurs un musulman pieux, se fâche pour de bon. Il dissous leur mouvement, fait brûler son QG, exécute plusieurs de ses dirigeants et fait écrouer environ 15 000 de leurs membres, dont le fameux Qutb.

Le Président Anwar Sadate, qui les connaissait bien, leur donna une nouvelle chance tout en les surveillant de près et en les utilisant à son tour contre ses rivaux. Cependant, lorsque Sadat signe les accords de paix avec Israël, les FM le dénoncent pour avoir trahi l’Islam.

Omar Abdel-Rahman du Groupe islamique, qui coopère avec les FM, lance alors une fatwa (un édit religieux) contre Sadat qui conduira à son assassinat en octobre 1981.


Quand l’idée du voile faisait éclater de rire... par info24fr