Europe, il y a une alternative au monétarisme !

vendredi 30 juin 2017

Incapables de remettre en cause l’idéologie monétariste, nos dirigeants emmènent l’Europe vers le gouffre, tel les aveugles du tableau de Brueghel. A quelques jours du discours de politique générale du Premier ministre Édouard Philippe, la Cour des comptes a rappelé aux esprits la règle du jeu en vigueur, en présentant un rapport sur nos finances publiques, prévoyant un déficit public catastrophique à 3,2 % à la fin 2017, alors que la Commission européenne exige 3 % sans report de délai. En même temps, sur fond d’une bataille visant à faire de Paris la nouvelle grande place financière européenne, suite au Brexit, notre ministre de l’Économie Bruno Le Maire, est allé rassurer Wall Street. Politis rapporte les explications du ministre sur les raisons de son déplacement : Il s’agit d’« arracher des décisions aux institutions financières américaines et leur dire ‘vous êtes les bienvenues en France’ (…) Je vais leur dire ‘voilà, la France a changé, elle vous accueille, [...] n’ayez plus d’inquiétudes sur le droit du travail français, [...] n’ayez plus d’inquiétudes sur l’instabilité fiscale française’. » Tout cela dans le déni de réalité de l’état de faillite irrémédiable du système financier, la bombe à retardement de la bulle des produits dérivés financiers menaçant d’exploser à tout moment.

Libérer l’investissement public

Une conférence internationale s’est déroulée le 28 juin au Parlement européen, à Bruxelles, sur le thème « Le futur de l’UE – un nouveau modèle de coopération entre des nations européennes souveraines », réunissant des experts internationaux et des responsables politiques, à l’initiative du député européen italien Marco Zanni. Zanni a expliqué d’emblée que le but de la conférence était d’ouvrir un débat et de confronter l’idée selon laquelle l’UE serait la seule voie possible de coopération entre les pays européens. « Nous rejetons la rhétorique TINA [There Is No Alternative de Margaret Thatcher], et voulons montrer au peuple européen qu’il existe de meilleurs moyens de coopération. L’UE a été incapable de construire la prospérité, la coopération et la paix entre les pays européens. Il est donc temps de réfléchir aux alternatives. »

Le professeur Alberto Bagnai, de l’Université de Pescara, a dénoncé la propagande de terreur, relayée par les médias et certains milieux intellectuels pro-euro, prévoyant un effondrement de 40 % de l’économie italienne (autant que lors de la seconde Guerre mondiale) en cas d’ « Italexit ». A travers deux scénarios de sortie de l’euro, l’un sans changement de politique monétaire et l’autre avec un retour à une politique d’investissements publics dans l’économie réelle, le Pr Bagnai a montré que non seulement il n’y aura pas d’hyperinflation, mais que même dans le pire des cas l’économie italienne renouerait avec la croissance. « L’euro va imploser ; il est donc criminel de ne pas se prémunir contre un phénomène qui va arriver avec certitude. Les pères fondateurs de l’Europe ont construit un hôtel sans porte de sortie de secours. (…) Il y a deux certitudes sur l’UE : premièrement, elle va s’effondrer ; deuxièmement, ceux qui la dirigent ne savent pas ce qu’ils font. C’est tragique. (…) L’incompétence de nos dirigeants est en grande partie dûe aux médias, qui sont les pires ennemis de la démocratie.  » Pour conclure, Bagnai a déclaré avec passion que la sortie de l’euro est nécessaire afin de retrouver « la liberté de mettre en œuvre des politiques économiques ; une liberté qui nous aujourd’hui déniée. »

La Chine, prédateur ou partenaire ?

En fort contraste avec la prison monétaire européenne, la Chine est capable de mobiliser le capital, la main-d’œuvre, les matières premières et la connaissance. Le professeur Michèle Geraci, directeur du Programme de politique économique de la Chine, et enseignant en finance à la University Business School de Shanghai, vivant depuis 10 ans en Chine, a décrit le formidable succès économique chinois, traduit par le recul massif de la pauvreté et la multiplication par 100 du revenu par habitant en 40 ans. « Alors que l’Italie parle depuis près d’un siècle de la construction d’un pont de 2 km au-dessus du Détroit de Messine, sans le faire, à Shanghai par exemple, où je vis, ils ont construit un pont de 32 km au-dessus de la mer. » Cependant, une polémique s’est ouverte à propos de la politique de Nouvelles Routes de la soie (NRS), lancée en 2013 par le président Xi Jinping, le Pr Geraci affirmant que cela allait faire déferler en occident les produits high-tech chinois, tandis que d’autres, comme Claudio Celani, représentant de notre parti frère en Italie, Movisol, pensent que les NRS sont en train de créer un nouveau paradigme et offre aux pays européens une opportunité à saisir pour relancer leur propre développement.

Il est certain que nous ne pourrons jamais nous adresser d’égal à égal avec les Chinois si nous restons prisonniers du monétarisme actuel. Dans son discours aux Assises du produire en France, en septembre 2016, Jacques Cheminade avait déclaré : « Ah, je sais ! Vous me direz que la Chine est un danger. Je vous répondrai oui, si nous continuons à nous soumettre à la finance anglo-américaine, car alors elle jouera contre nous en nous considérant comme un ennemi sans vision. Non, au contraire, si nous exigeons d’avoir une place dans le poste de pilotage de ce nouvel ordre financier et monétaire qui se dessine, en nous engageant à coopérer avec les BRICS sur leurs grands projets. »