Avec Macron, la France jouera-t-elle dans la cour des grands ?

lundi 10 juillet 2017, par Christine Bierre

Macron ravi et tendu avant son tête-à-tête avec Poutine, Macron de connivence avec Xi-Jinping, Macron invitant Trump au défilé du 14 juillet... C’était à Paris et au G20 de Hambourg.

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Qui l’aurait cru il y a juste quelques semaines ? Il faut le reconnaître, le domaine où l’on attendait le moins un changement salutaire de la part d’Emmanuel Macron était la politique étrangère, notamment envers la Russie.

Disons plutôt, à notre décharge, qu’au cours de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était savamment glissé dans le costume d’un Obama à la française, acceptant de rencontrer l’ancien président américain, quand Marine Le Pen faisait, elle, son pèlerinage à Moscou, et déclarant la guerre aux médias et aux « hackers » russes, au moment même où Obama tentait de gâcher l’élection de Donald Trump, accusant les Russes d’avoir hacké les sites du Parti démocrate pour faire gagner son rival.

Soit ! Au nom de l’intérêt de notre pays, nous accueillons ces changements favorablement et sans dogmatisme, mais nous continuerons à porter le glaive contre sa politique économique qui sera fatale à notre pays.

Depuis son élection, Emmanuel Macron a effectivement clarifié sa position sur quelques dossiers épineux. Le 20 juin, dans un entretien avec huit grands quotidiens européens, il donnait un véritable coup de pied dans la fourmilière néoconservatrice émargeant au Quai d’Orsay : « Le vrai aggiornamento que j’ai fait sur [la Syrie], c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime ! »

Et il a enfoncé le clou en soutenant la stabilité de la Syrie :

Je ne veux pas d’un Etat failli. Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néo-conservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions ? Des Etats faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie.

Enfin, il a affirmé sa volonté de renforcer sa collaboration avec la Russie dans la lutte contre le terrorisme. « Je respecte Vladimir Poutine », a-t-il dit dans ce même entretien aux quotidiens européens. « Nous avons avec lui un échange de vues constructif, [malgré] des désaccords réels, en particulier sur l’Ukraine. »

C’était la position déjà annoncée le 29 mai, lors de la réception organisée pour Vladimir Poutine au Grand Trianon de Versailles. Cette rencontre a été suivie de deux autres entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays : Jean-Yves Le Drian s’est rendu à Moscou, le 21 juin, où il a promis de rétablir un « nouvel esprit de confiance », et Serguei Lavrov était à Paris, le 6 juillet, pour de nouveaux pourparlers sur la Syrie, l’Ukraine et d’autres points chauds dans le monde.

Le 29 juin, dans un entretien au journal Le Monde, Jean-Yves Le Drian parlait même d’une « fenêtre d’opportunité » qui s’était ouverte pour la France par rapport à la Russie, car les Russes ne tiennent pas à s’enliser dans le conflit syrien. Et au G20, les deux chefs d’Etat se sont dits satisfaits des progrès accomplis dans leur relation depuis le 29 mai, Macron affirmant même, devant un Poutine détendu, pouvoir « passer à une nouvelle phase puisque nous avons vu l’un et l’autre que nous faisions ce que nous disions ».

En quelques semaines donc, Emmanuel Macron a rapproché notre pays de trois des grands Etats-continents de la planète, notamment de la Chine et de la Russie où se joue aujourd’hui le futur de l’humanité.

Saura-t-il le hisser pour autant à un niveau plus élevé, comme Charles de Gaulle en son temps ? Malheureusement, ceci ne dépend pas des pas de deux ou de trois diplomatiques, ni du seul « pragmatisme » de notre nouveau président, mais du courage dont il devra témoigner pour libérer notre pays du garrot auquel les banquiers de la City et de Wall Street nous soumettent en contrôlant notre dette publique, et du corset budgétaire que nous impose Bruxelles.