Après la République démocratique du Congo, la Centrafrique au bord du chaos

lundi 10 juillet 2017, par Sébastien Périmony

Déjà en décembre 2013, dans une tribune publiée dans Le Monde sur la situation en Centrafrique, l’archevêque Mgr Nzapalainga et l’imam Kobine Layama de Bangui alertaient l’opinion :

Plus de deux millions de personnes, soit près de la moitié de la population du pays, ont désespérément besoin d’aide. A l’heure où nous écrivons, près de 40 000 personnes sont entassées dans l’enceinte de l’aéroport de Bangui, la capitale, sans abri ni toilettes. Des centaines de personnes ont été tuées, certaines d’entre elles sont des patients qu’on a fait sortir de force des hôpitaux pour les exécuter.

Qu’en est-il aujourd’hui en Afrique ?

Avant tout, il est utile de rappeler qu’au moment où nous écrivons ces lignes, de macabres affaires autour du génocide rwandais refont surface dans nos médias, avec le dépôt d’une plainte contre « la banque d’un monde qui change » (BNP Paribas) par l’association anti-corruption Sherpa et le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) pour « complicité de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ». BNP Paribas aurait « participé au financement de l’achat de 80 tonnes d’armes, ayant servi à la perpétration du génocide », alors « que la banque ne pouvait douter des intentions génocidaires des autorités du pays pour qui elle a autorisé le transfert », selon ces même associations.

Or depuis ces évènements, le génocide en RDC, n’a jamais cessé ! Des centaines de milliers de femmes et de filles y ont été violées et mutilées par les armées et milices de tous pays et de tous bords.

Avec au final un seul objectif : enrichir les actionnaires de grandes multinationales s’accaparant les richesses minières exceptionnelles que recèlent les sous-sol de la RDC (diamant, or, étain, gaz, pétrole, uranium et coltan – précieux pour nos smartphones). [1]

Va-t-on encore devoir être spectateurs des pires atrocités que l’homme puisse commettre pour le seul bénéfice de quelques oligarques ?

La Centrafrique

Mines d’or, de diamants, de mercure, de fer ; culture de café, de tabac, de coton ; forêts riches en essence précieuse, voilà à quoi se résume la Centrafrique pour de nombreux Occidentaux.

Un rapport de Global Witness avait d’ailleurs dévoilé que des entreprises forestières elles-mêmes reconnaissaient avoir versé des sommes importantes aux rebelles de la Séléka en 2013, année où a commencé le conflit, pour acheter leur sécurité et pouvoir continuer à travailler. Un bois qui est ensuite exporté vers l’Union européenne. Les grandes concessions industrielles bénéficient de la présence de la Minusca (Mission des Nations unies pour la stabilisation de la Centrafrique) et de ce qui reste des forces de l’ordre centrafricaines.

En effet malgré l’opération Sangaris conduite en République centrafricaine par l’armée française du 5 décembre 2013 au 31 octobre 2016 (7e intervention militaire française depuis l’indépendance du pays en 1960 !), la situation n’a que très peu évolué.

Selon toutes les informations qui viennent de la Centrafrique, des groupes politico-militaires composé de l’ex mouvement Séléka (Musulmans venus de l’Est et du Nord) mais aussi des groupes d’autodéfense Balaka (Chrétiens) ont tous repris les armes.

Comme le rapporte le journal Le Monde dans un article du 19 juin, « ces groupes se font et se défont, nouent et dénouent des alliances à géométrie variable suivant des lignes communautaires, politiques ou religieuses, avec en filigrane, le contrôle des ressources du pays (or, diamant, cheptel, etc.) »

La Centrafrique est devenue depuis 2013 un État failli avec un gouvernement fantôme, dans lequel les intérêts économiques et donc géopolitiques sont devenus les maîtres du jeu. J’écrivais déjà en 2014 qu’« il est temps d’agir, car aujourd’hui la Centrafrique est dans une situation de chaos pré-génocidaire, comme le Rwanda au début des années 1990. » [2]

La situation s’est empirée et l’horloge tourne, où est le maître ?

Solution : le co-développement

Une étude récente publiée aux États-Unis analyse comment développer une nouvelle approche vis-à-vis du continent en faisant le bilan extrêmement négatif des soixante dernières années d’aide au développement. Même si cette étude ne concerne que l’engagement américain en Afrique, ses conclusions sont tout à fait applicables à la France.

Depuis les années 1940, les USA ont fourni à l’Afrique plus de 215 milliards de dollars d’aide au développement (économique et militaire). Résultat : la plupart des pays vivent toujours au « cœur des ténèbres ».

Dans certains pays l’aide au développement apportée par la « communauté internationale » peut atteindre jusqu’à la moitié du produit intérieur brut. Le problème est que cette dépendance à l’assistance internationale n’a fait que faire stagner les économies des dits pays, abaisser l’indice de développement humain (IDH) [3], réduire leur stabilité et augmenter leur corruption !

Sans rentrer ici dans les détails de cette analyse, nous voyons raisonnablement que cette politique d’aide au développement n’a été qu’un échec organisé, un choix de la défaite, une géopolitique du non développement et du pillage des ressources du continent.

Cependant, avec la dynamique de co-développement mise en place par la Chine dans le cadre des Nouvelles routes de la Soie, l’Occident commence à s’éveiller...

Il se dit que s’il ne veut pas tout perdre et maintenir une présence durable en Afrique, ses politiques doivent changer. Ne reste qu’à se battre pour que ce questionnement occidental se traduise en réel en changement de paradigme : celui d’échanges gagnant-gagnant et non plus gagnant-perdant.

La porte de sortie du chaos : le projet Transaqua

Le 13 décembre, la compagnie Powerchina, la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), dont fait partie la Centrafrique, et les autorités nigérianes ont signé un protocole d’accord pour faire une étude de faisabilité au sujet d’un projet suivant très exactement les spécifications du projet Transaqua, défendu depuis les années 1980 par notre mouvement politique Solidarité et Progrès.

Élaboré dans les années 1970 par une compagnie italienne, Bonifica, le projet Transaqua a deux objectifs principaux : la remise en eau du lac Tchad à partir des eaux du fleuve Congo et le développement d’infrastructures de transport, d’énergie et agricoles pour toute l’Afrique centrale.

Ainsi, selon la déclaration de la CBLT, Powerchina étudiera la faisabilité des étapes initiales d’un projet d’infrastructures créant un corridor de développement reliant l’Afrique de l’ouest à l’Afrique centrale, avec le transfert potentiel de 50 milliards de m3 d’eau annuels vers le lac Tchad, via une série de canaux et de barrages construits en RDC, en République du Congo et en République centrafricaine.

Au-delà des 15 à 25 000 millions de kWh d’électricité hydraulique générés, l’irrigation d’une étendue de 50 000 à 70 000 km² pour la culture et l’élevage mettrait la région sur la voie de l’éradication de l’extrême pauvreté, terreau véritable des extrémismes et des guerres.


[1Voir notamment le documentaire de Frank Poulsen, Blood in the mobile ( « Du sang dans vos portables »). Comme des dizaines de millions d’utilisateurs dans le monde, le cinéaste Frank Poulsen possède un mobile Nokia. Or, il a entendu dire que le commerce du coltan, un métal rare qui entre dans la composition des téléphones portables et que les fabricants achètent à prix d’or, est au cœur de la guerre en RDC, l’un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale avec plus de 5 millions de morts...

[3L’indice de développement humain (IDH) est un indice statistique composite, créé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain des pays du monde.