Flexibilisation : l’exemple allemand qui n’en est pas un

mercredi 26 juillet 2017, par Christine Bierre

Au moment où les ordonnances de M. Macron, qui conduiront à une véritable érosion du code du travail, sont en voie d’être adoptées, l’article publié par Marianne sur la dramatique paupérisation de la force de travail en Allemagne est particulièrement à propos. Car les réformes Harz IV qui en sont responsables sont l’une des sources d’inspiration de notre président.

C’est pour donner un gage de « crédibilité » à cette Allemagne là, qui n’a pas hésité à créer chez elle « le meilleur secteur à bas salaires », comme l’avait déclaré l’ancien chancelier Gerhard Schroder à Davos, et à une Europe sous influence des lobbies financiers, qu’Emmanuel Macron a décidé lui aussi de tailler dans le vif.

Les députés LREM dénonceront-ils à leur tour les Français qui « pleurent » contre un minijob à 409 euros ? Ci-dessous un résumé de l’article de Thomas Schnee pour Marianne.

L’Allemagne, le pays où les pauvres se cachent

Allemagne : le taux de chômage baisse, mais la précarité explose.

Le représentant allemand de l’ONG Oxfam, spécialisé dans la lutte contre la pauvreté, réclamait récemment, en marge du G20 de Hambourg, que les dirigeants des principaux pays tiennent compte de la terrible montée des inégalités dans le monde. Cela concerne notamment l’Allemagne, qui, selon Schnee, cultive les inégalités record, en étant à la fois la « locomotive économique de l’Europe, mais aussi le pays qui possède l’un des plus gros secteurs d’emplois à bas salaires du continent. Outre Rhin, 22,5% des actifs gagnent moins de 10,50 € de l’heure contre seulement 8,8 % pour la France. »

Pour Ulrich Schneider, secrétaire général de la Fédération allemande des organisations caritatives, cité par l’auteur : « L’Allemagne a atteint un nouveau record depuis la réunification, avec un taux de pauvreté de 15,7 %, soit 12,9 millions de personnes ».

Une situation dont même le FMI se serait inquiété dans son dernier rapport annuel ! Début juillet, c’est la Fondation syndicale Hans Bôckler, qui rapportait que « le nombre de travailleurs pauvres, c’est à dire gagnant moins de 60 % du revenu médian, est passé d’environ 2 millions de salariés en 2004 à 4 millions en 2014 (9,7 % de la population active !) ».

Et suite aux réformes Harz IV initiées par l’ancien chancelier Schröder :

l’Allemagne compte près de 6,6 millions de mini-jobbers, et 4,4 millions de bénéficiaires de l’allocation Harts IV (409 euros par mois auxquels s’ajoute l’aide au logement).

« L’Allemagne comptait à l’époque plus de 5 millions de chômeurs », rappelle Thomas Schnee, ce qui amena Gerhard Schroder à « flexibiliser fortement le marché de l’emploi afin de rendre ‘le chômage moins intéressant que le travail. »

Conséquence :

ces réformes ont engendré les minijobs, développé l’intérim et fait exploser les ‘Werksverträge’, des contrats de sous-traitance proches des contrats de chantier. La fusion de l’allocation chômage longue durée et de l’aide sociale (loi Hartz IV) a accéléré la paupérisation. Nul ne peut toucher en effet cette allocation s’il dispose de plus de 9750 euros d’économies. Au delà, il faut vivre sur ses avoirs personnels, ce qui explique que 70% des chômeurs allemands (contre 45 % pour la moyenne des pays de l’Union européenne) vivent sous le seul de pauvreté. » Et, au delà de l’horizon 2016, selon la Fondation Bertelsmann, ce sont « 20 % des nouveaux retraités qui seront pauvres.

Le pire cependant pour Thomas Schnee « est que les dirigeants du pays ainsi qu’une majorité d’électeurs ne semblent pas même percevoir cette réalité affolante ».

Et l’auteur de citer Christophe Butterwegge, ancien candidat Die Linke à la présidentielle, expliquant le pourquoi de cette indifférence : « La pauvreté à Cologne, [contrairement à celle de Calcutta], se dissimule bien. On se cache parce que l’on a encore plus honte d’être pauvre quand on vit dans une société riche et peu solidaire. (...) Heinrich Heine n’a pas écrit pour rien que l’Allemagne est le pays de l’obéissance. Ici, on ne se révolte pas. Et la société allemande a tendance à estimer que celui qui est pauvre n’a pas mérité autre chose, parce qu’il a dû commettre des erreurs, parce qu’il ne sait pas gérer son argent, parce qu’il a bu sa paye, parce que c’est un parasite social, etc. »

Pour conclure, Schnee nous révèle que même les partis politiques refusent de défendre cette population. L’asservissement au monde de l’argent est tel qu’Angela Merkel a réussi à retarder la publication du rapport sur la pauvreté du gouvernement allemand d’un an et demi, sous prétexte que de nombreux passages pouvaient avoir des conséquences négatives sur la croissance !

Elle a bataillé ferme pour que des paragraphes comme celui-ci soient éliminés du rapport : « Les partis qui veulent gagner le plus de voix tiennent moins compte des intérêts des personnes à bas revenus, à cause de leur faible participation politique... »