Derrière le mirage de l’éternel présent : la menace d’une troisième guerre mondiale

lundi 7 août 2017

En 1914, Jean Jaurès avait mis en garde, quelques jours avant son assassinat, contre la menace que représentait le capitalisme financier débridé, qui porte en lui la guerre « comme la nuée porte l’orage ».

Aujourd’hui, les signes s’accumulent de l’imminence d’un « tsunami financier » ; cette réalité, qui jusqu’à récemment ne faisait que se murmurer dans les couloirs du pouvoir financier et se cantonnait à la seule presse spécialisée, parvient progressivement dans les oreilles du public, depuis l’éditorial de Jacques Attali, « la prochaine crise financière », paru le 24 juillet dans L’Express, et l’article de Libération du 4 août, intitulé « Shadow banking – marchés à l’ombre », entre autres.

L’obstination à ne pas résoudre ce problème par une véritable mise en banqueroute organisée, passant par une loi de séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires, ne peut que conduire à la guerre.

C’est de ce point de vue qu’il faut considérer l’attitude belligérante du Congrès américain. Jacques Cheminade a affirmé le 5 août dans un tweet que « le FBI et l’Empire Anglo-américain veulent chasser ou mettre Trump sous tutelle pour mener leur guerre géopolitique contre les BRICS ». Le réalisateur Oliver Stone, repris par Sputnik, a déclaré : « la semaine dernière, le Congrès a approuvé les sanctions contre la Russie. (…) C’est un vote stupide qui continue à augmenter la tension, rappelant août 1914. (…) Le Sénat et la Chambre ne considèrent pas la possibilité que le renseignement américain puisse se tromper afin de continuer cet ersatz de guerre contre la Russie. Ils [les parlementaires] ne pensent pas par eux-mêmes ».

La chasse aux sorcières continue contre tous ceux tentant de favoriser le dialogue avec la Russie. Le député républicain Dana Rohrabacher, président du comité de la Chambre sur l’Europe et l’Eurasie, l’un des cinq élus du Congrès à avoir voté contre les sanctions, et qui a brandi jeudi dernier le mémo des vétérans du Renseignement américain (VIPS) réfutant le Russiagate, est de plus en plus la cible des va-t-en-guerre. Le Los Angeles Times a publié le 4 août un article disant qu’il n’est plus acceptable que Rohrabacher défende une relation amicale avec la Russie, « en raison des enquêtes sur les tentatives d’ingérence de la Russie dans les élections de 2016. » Le quotidien va même jusqu’à proférer des menaces à peine voilées : « Il ne semble pas que Rohrabacher soit sous investigation du FBI ou des comités de la Chambre et du Sénat pour ce qui s’est passé. Pas encore ». S’en suit une énumération de tous les faits, depuis 2012, suggérant que le député républicain est un agent russe.

John Pilger : le Congrès américain a été lobotomisé

Le journaliste-réalisateur australien, connu pour son opposition aux guerres d’agression impérialistes, a publié une tribune le 5 août sur son blog, reprise ensuite sur Truthdig, sous le titre « Les signes d’une guerre nucléaire avec la Russie. » Pilger y fait référence à la nouvelle de Nevil Shute On the beach (1957), sur le monde post IIIe guerre mondiale, qu’il a terminé de lire « au moment où le Congrès américain votait une loi de guerre économique contre la Russie, la seconde puissance nucléaire mondiale. Rien ne justifiait ce vote malsain, si ce n’est une perspective de pillage. Leur seul but semble être la guerre – une guerre réelle. Une provocation aussi extrême ne peut rien suggérer d’autre. C’est comme si ils en mourraient d’envie... (…) Un coup [d’Etat] est en cours contre l’homme qui occupe la Maison-Blanche. Non pas parce que c’est un être odieux, mais parce qu’il ne veut pas de guerre contre la Russie. Cet éclair de lucidité, ou peut-être de simple pragmatisme, est un véritable blasphème pour les gardiens de la sécurité nationale qui veillent sur un système basé sur la guerre, le contrôle social, l’armement, les menaces et le capitalisme extrême. Martin Luther King les appelait ’les plus grands fournisseurs de violence du monde d’aujourd’hui’ ».

John Pilger identifie les causes de cette attitude folle du Congrès américain dans le processus de lobotomie, qui touche la population dans son ensemble, ayant altéré le sens-même de l’histoire, remplacée progressivement par ce que Time Magazine appelle « un éternel présent » ; il cite notamment Harold Pinter décrivait cela comme « une manipulation du pouvoir à l’échelle mondiale, tout en se travestissant en la force du bien universel ; une hypnotisation brillante, même très spirituelle, très réussie, créant l’illusion que rien n’est jamais réellement arrivé. (…) Même au moment où des événements se déroulent, il ne se passe rien. Cela ne compte pas. Cela n’a pas d’intérêt. »

Il est donc temps de balayer l’illusion, amplifiée par la quiétude et la chaleur estivales, d’un monde où rien ne se passe à l’extérieur du bocal local. Des choses graves sont en cours ; les solutions existent, attendant que des éclaireurs courageux s’en saisissent et les brandissent sur la place publique.