Macron met la France en marche sur les Nouvelles Routes de la soie

jeudi 11 janvier 2018

Ce qu’a dit et fait Emmanuel Macron en Chine représente un changement stratégique potentiel pour le monde. L’immense majorité des Français n’en a absolument aucune conscience, pour la principale raison que les médias les ont habitué à voir les choses par le petit bout de la lorgnette – comme les Allemands de l’Est en leur temps, ils sont un peu paumés au milieu de la vallée des désinformés.

L’impérialisme occidental ébranlé dans ses fondements

La présidente internationale de l’Institut Schiller, notre amie Helga Zepp-LaRouche – surnommée en Chine la « Dame de la Route de la soie » – estime que le message de Macron en Chine va provoquer des ondes de choc partout dans le monde, car il représente un véritable revirement de politique. En particulier, cela met Berlin en porte-à-faux, car l’Allemagne s’est montré obstinément et stupidement réfractaire à ce grand projet « gagnant-gagnant » de la Chine, qui pourrait bouleverser la doctrine impériale de la géopolitique.

En affirmant que la France allait en effet coopérer avec la Chine dans le cadre de l’initiative de la ceinture et la route (BRI), pour mettre en œuvre de grands projets d’infrastructures à travers l’Eurasie et l’Afrique, Macron devient le premier dirigeant d’un grand pays occidental – qui plus est, membre du Conseil de sécurité de l’ONU – à rejoindre la dynamique de coopération initiée par Xi Jinping en 2013, qui rassemble aujourd’hui plus de 70 pays, pour des investissements dépassant ceux du Plan Marshall de plusieurs ordres de grandeur.

Le général de Gaulle avait dit, à propos de ceux qui l’avaient rejoint à Londres pendant l’Occupation : « J’attendais la France des cathédrales, et c’est celle des synagogues qui est venue ». De la même manière, nous pourrions dire aujourd’hui : « Nous attendions des souverainistes européens qu’ils rejoignent la Nouvelle Route de la soie, et nous avons eu des européistes d’opportunité ! »

Lors de son discours prononcé à Xi’an – berceau historique de l’ancienne Route de la soie – Macron a affirmé que l’on devait en finir avec « l’impérialisme unilatéral ». Exprimant un mea culpa sur la politique menée en Afrique et au Moyen-Orient par la France, l’Europe et l’Occident en général, il a déclaré : « nous devons tirer tous les enseignements des erreurs du passé. À chaque fois que nous avons voulu porter le vrai ou le droit contre les peuples eux-mêmes, nous nous sommes trompés et avons parfois produit des situations pires encore. Ce fut l’Irak, la Libye aujourd’hui ».

« (…) Ce multilatéralisme qui est à redéfinir implique de trouver les coopérations équilibrées à inventer pour le siècle qui s’ouvre », a-t-il continué. « Il ne saurait être une suprématie déguisée et il ne saurait être le conflit entre des suprématies concurrentes. Tout notre art, si je puis utiliser ce terme, ne sera pas là un art de la guerre mais un art de la coopération équilibrée pour assurer sur le plan géostratégique, politique et économique cette harmonie dont notre monde a besoin ».

Les Nouvelles Routes de la soie « réactivent l’imaginaire de civilisation »

« Je pense également que l’initiative des nouvelles routes de la soie peut rejoindre nos intérêts, ceux de la France et de l’Europe, si nous nous donnons vraiment les moyens d’y travailler ensemble », a affirmé le président français. « Après tout, les routes de la soie n’ont jamais été purement chinoises. (…) Je ne suis pas en train là de dire que le secret défi que je suis en train de conduire serait de vouloir transformer ces nouvelles routes de la soie chinoises en routes européennes. Je suis en train simplement de dire que de manière consubstantielle, ces routes sont toujours en partage. (…) C’est que ces routes de la soie réactivent un imaginaire de civilisation, d’échanges féconds, de richesses partagées et elles montrent à tous ceux qui pensaient que nous étions dans un monde fatigué, post-moderne, où les grandes histoires étaient interdites que ceux qui décident de vivre des grandes histoires peuvent faire rêver les autres. (…) Je souhaite aussi que les routes de la soie à venir ne se limitent pas aux questions économiques mais soient éclairées en Europe par une compréhension approfondie de la Chine ».

Pour une coopération franco-chinoise en Afrique

A propos de l’Afrique, Macron a déclaré : « La Chine y a beaucoup investi ces dernières années, sur les infrastructures, les matières premières, avec une force de frappe financière que les pays européens n’ont pas. (…) Nous devons donc là aussi mener ensemble des projets réellement utiles à la croissance du continent, financièrement soutenables, parce que l’avenir est là, parce que nous ne devons pas reproduire les erreurs du passé consistant à créer de la dépendance politique et financière, sous prétexte de développement. Demain, l’Agence Française de Développement et la China Development Bank signeront un accord qui traduit ce renouvellement des méthodes, vers lequel nous devons aller, et j’appelle de mes vœux cet engagement de la Chine en Afrique. (…) La France a l’expérience d’un impérialisme unilatéral en Afrique qui a parfois conduit au pire, et aujourd’hui, alors que ces nouvelles routes de la soie sont en train de s’ouvrir, je pense que le partenariat entre la France et la Chine peut permettre d’éviter de répéter ces erreurs ».

Le président français a conclu son discours avec ces belles phrases : « Au cœur de nos deux nations grandit l’élan qui fera du monde de demain un monde à la hauteur des défis de l’humanité. (…) Notre grand passé nous donne un goût insatiable de l’avenir et cet avenir nous attend. (…) Nous sommes la mémoire du monde, il nous appartient de décider d’en être l’avenir ».

Une contradiction à résoudre

Mais, si Macron parvient à convaincre la France et l’Europe de s’engager pleinement aux côtés de la Chine dans l’initiative les Nouvelles Routes de la soie, il sera confronté très rapidement à la nécessité de réorganiser le système financier, et de rétablir un système de banques nationales capables d’émettre du crédit public pour investir dans les infrastructures, l’industrie et les nouvelles technologies. Car aujourd’hui, les grandes banques européennes, plombées par les mauvaises créances de la crise de 2007-2008 sont incapables d’investir dans l’économie physique ; elles ne survivent que sous perfusion de la BCE. Et celle-ci, indépendante des Etats et n’ayant aucune mission d’investissement productif en faveur des nations, est incapable de jouer ce rôle.

Mardi matin, sur le plateau de RT France, Jacques Cheminade a pointé du doigt cette contradiction qu’il va falloir résoudre : « On ne peut pas être à la fois partisan de cette politique de coopération multilatérale et servir le système financier de la City et de Wall Street ».

« Il y a en France une pesanteur gaulliste », a-t-il également affirmé ; « une orientation patriotique qui transcende les partis. Et je crois que ce qui est arrivé dans ce voyage de Macron en Chine, c’est cela. Et moi, j’espère être – comme la France dans le monde – un catalyseur : la toute petite chose qui fait que la réaction chimique marche. (…) J’espère être un catalyseur qui en France réoriente la politique vers ce à quoi Emmanuel Macron a ouvert la voie en Chine ».