Défense

Pour une armée républicaine et modernisée, colonne vertébrale de la Nation

jeudi 9 mars 2017

Ce texte est extrait du programme présenté par Jacques Cheminade à l’élection présidentielle de 2017. Notre gouvernement ne se dotant pas des moyens à la mesure des défis de notre époque, il reste plus que jamais d’actualité.

Le prochain président de la République sera confronté à des défis majeurs pour assurer la défense de notre pays. D’abord, jouer le rôle de médiateur de paix entre un bloc atlantique en déclin, mais prêt à provoquer une nouvelle guerre mondiale pour assurer sa primauté, et un groupe de pays émergents qui, au nom du progrès, aspirent à participer à la conduite des affaires du monde. Assurer ensuite à nos forces armées, aujourd’hui au bord de l’épuisement, des équipements nouveaux et en quantité suffisante, ainsi que la modernisation de notre force de dissuasion, sans laquelle notre pays ne pourrait conserver son siège au sein du Conseil de sécurité de l’ONU et agir en faveur de la paix.

Faire face à ces défis implique, comme je le dis dès le début de mon projet présidentiel, d’assainir les banques de toutes leurs créances douteuses, héritées de la crise de 2007-2008. Puis de réorienter l’argent, grâce au crédit productif public, vers la triade productive : découverte scientifique, applications industrielles et équipement de l’homme et de la nature. Faute d’adopter ces politiques, il sera impossible de générer les surplus nécessaires au développement d’une défense moderne et puissante.

De l’avis général des experts, l’armée française est l’une des plus performantes, compte tenu de sa taille moyenne et de son budget moyen. Mais bien que complète – capable d’intervenir dans tous les milieux (terre, mer, air, cyber et espace) et d’assurer ses missions depuis le territoire national jusqu’aux théâtres extérieurs – elle est un modèle réduit, au point d’avoir gagné le surnom d’« armée bonsaï ».

Aujourd’hui déployée aux quatre coins du monde, sur le front de la lutte contre le terrorisme en Afrique et au Moyen-Orient ou sur d’autres fronts, elle est arrivée au bout de ses possibilités.

Par voie de presse, l’état-major a fait connaître cet état d’épuisement. Des tenues de combat aux hélicoptères, il manquerait dix-sept milliards d’euros pour soutenir nos trente mille soldats engagés, depuis l’outre-mer jusqu’en Syrie. En missiles conventionnels, le stock pourrait passer en dessous des trois cents missiles de la force de dissuasion, et dans la marine, 40 % des navires ont plus de trente ans. Selon la Cour des comptes, pour frapper au rythme demandé par les opérations militaires au Moyen-Orient, nos six Mirages 2000 déployés en Jordanie ont dû consommer le potentiel de vingt-neuf avions d’entraînement. La disette est telle que sans les soixante-cinq millions d’euros d’aide logistique américaine, Barkhane, l’opération phare de l’armée française au Sahel, serait paralysée.

I. Une armée recentrée sur la dissuasion nationale

Bien que la modernisation continue de nos armées fasse partie de mes priorités, mes positions en matière d’« opérations extérieures » (opex) permettront à notre pays de réduire les dépenses sur ces volets.

En effet, ennemi résolu de toutes les formes d’empire et de colonialisme, je me suis opposé dès le début à la transformation de notre armée en une force militaire de projection dans le monde, orientée contre tous ceux qui ne font pas partie du Club atlantique et qui pourraient être soupçonnés de devenir « nos » ennemis.

C’est la raison pour laquelle je suis pour la sortie de l’OTAN, qui a toujours été le bras armé de l’oligarchie financière incarnée par la City de Londres et Wall Street. Je veux, au contraire, recentrer tous nos efforts sur la défense du territoire national, de ses dépendances au niveau international et des pays avec qui nous aurons signé des accords de coopération et de sécurité. Je n’exclus pas, évidemment, telle ou telle action réellement humanitaire, dûment approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU et par notre parlement.

EN BREF
Quitter l’OTAN.
Recentrer tous nos efforts sur la défense du territoire national, de ses dépendances au niveau international et des pays avec qui nous aurons signé des accords de coopération et de sécurité.

II. Mettre à jour nos équipements conventionnels

Il n’en reste pas moins qu’en raison des multiples défis auxquels nous sommes confrontés, nos armées conventionnelles devront avoir les meilleurs équipements. La restriction de nos engagements au strict essentiel devrait nous permettre d’avoir les équipements nécessaires pour réaliser nos objectifs. Parmi les urgences citées par l’état-major : des patrouilleurs pour surveiller les côtes, des avions ravitailleurs et de transport permettant d’agir dans la profondeur et des véhicules blindés pour remplacer les actuels, dont le vieillissement est accéléré par nos opérations extérieures.

Au cours de nos interventions en Afghanistan et au Mali, l’équipement de nos soldats s’est avéré trop souvent insuffisant. Une évaluation des conditions d’intervention dans un territoire déterminé doit être systématiquement entreprise pour prévoir de doter les effectifs engagés des moyens nécessaires.

EN BREF
Parmi les urgences : des patrouilleurs pour surveiller les côtes, des avions ravitailleurs et de transport permettant d’agir dans la profondeur et des véhicules blindés.

Moderniser notre force de dissuasion

Cependant, le plus gros défi pour notre prochain président sera de moderniser notre force de dissuasion nucléaire, qui, au-delà de rendre notre pays inattaquable, lui confère, en raison de ses effets dissuasifs, mais aussi des capacités scientifiques, techniques et industrielles qui y sont associées, le statut de grande puissance.

Notons que depuis la fin de la Guerre froide, notre pays a déjà réduit sa force de dissuasion de quatre composantes à deux. A partir de 1997, ont été démantelés les missiles nucléaires à courte portée, Hadès, ainsi que les missiles nucléaires intercontinentaux basés sur le plateau d’Albion. Nous avons aussi abandonné nos essais nucléaires. Il ne nous reste aujourd’hui que la composante aérienne et sous-marine.

Le climat de défiance international conduit à une nouvelle course aux armements. Une oligarchie financière incapable d’assurer la production des ressources nécessaires à l’avenir de l’humanité, envisage le recours à la guerre pour conserver son pouvoir. Le développement par les Américains de systèmes de défense anti-missiles (THAAD) et de systèmes d’armes conventionnelles ultra-précis et rapides (PGM), visant à détruire la capacité de riposte des grandes puissances à une première frappe nucléaire, a conduit depuis à l’élaboration de contre-mesures. Entre autres, l’hyper-vélocité permettant aux missiles balistiques d’échapper aux boucliers anti-missiles, des drones dotés de lasers capables de faire face à l’hyper-vélocité des missiles, la mobilité de lanceurs de missiles intercontinentaux basés à terre, et surtout, la cyber-guerre, devenue l’arme des David des temps modernes contre les Goliath.

Ne pas moderniser conduirait à détruire cet outil d’une très grande cohérence et d’un très haut niveau scientifique et technologique. Le danger est d’autant plus grand que c’est autour de notre force de dissuasion et de ses nombreuses retombées dans l’économie civile qu’on retrouve nos meilleurs cerveaux, ingénieurs et techniciens.

A l’horizon de 2020-2030, deux composantes doivent donc être modernisées : 

  1. La composante aérienne. La Force aérienne stratégique est constituée de deux escadrons équipés de 54 missiles ASMPA (air-sol moyenne portée améliorée) portant des têtes nucléaires (300 kt, portée 500 km, vitesse estimée Mach 3).
  2. La composante sous-marine. La Force océanique stratégique est constituée de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), dont un en permanence en mer, porteurs de missiles M51 (100 kt, portée 9000 km, vitesse Mach 15), sur lesquels repose notre capacité de livrer une deuxième frappe à un attaquant éventuel.

La période d’élaboration des SNLE de troisième génération et du missile M51.3 qui les équipera va de 2014 à 2019. Ils permettront d’améliorer la portée et une meilleure pénétration des défenses anti-missiles.

Quant au missile ASMPA, une rénovation à mi-vie a commencé dès 2014 pour aboutir vers 2022. Simultanément ont été engagées les premières réflexions sur son successeur à l’horizon 2035, l’ASN4G à tête thermonucléaire, avec des progrès très importants en matière d’hyper-vélocité et de furtivité. Deux projets de type statoréacteurs sont aujourd’hui étudiés par MBDA et l’ONERA : Camosis (qui doublerait la vitesse) et Prométhée (qui pourrait la tripler, voire la quadrupler). Fin 2014, un rapport d’information de l’Assemblée nationale faisait état, outre la furtivité, de possibles vitesses hypersoniques de l’ordre de Mach 7 ou 8 (soit entre 8600 et 9800 km/h), qui rendraient l’ASN4G quasiment impossible à intercepter. A titre de comparaison, les Russes et les Chinois testent déjà leurs propres missiles hypersoniques, qui pourraient atteindre 12 000 km/h pour certains.

Or, actuellement, environ trois milliards d’euros sont affectés à la force de frappe, soit près de 10 % des 31,4 milliards d’euros du budget militaire annuel. Citant des sources de la Direction générale de l’armement, lors d’un colloque de la FRS en juin 2015, le sénateur Jacques Gautier déclarait que l’effort devra être porté, pour la seule force de dissuasion, à six milliards par an. Ce chiffre est désormais officiel. Il a été confirmé lors de la dernière Université d’été de la Défense, le 6 septembre, par le délégué général pour l’armement, Laurent Collet-Billon. Pour le général Henri Bentégeat (ancien chef d’état-major), qui en parlait lors d’un colloque de l’association Démocraties, si l’on n’augmente pas le budget global, « une grande partie des forces conventionnelles ne pourra être renouvelée, ce qui veut dire renoncer à un certain nombre d’ambitions en tant que membre du Conseil de sécurité des Nations unies ». Tout se tient, en effet.

EN BREF
D’ici 2035, doter nos Forces aériennes stratégiques du nouveau missile ASN4G (furtivité et vitesse hypersonique).
Développement du SNLE de troisième génération doté d’un nouveau missile M51.3.

IV. Ne pas faire d’économies sacrifiant l’accès aux technologies du futur

Face à cette montée des coûts, certains proposent d’éliminer la composante aérienne, le principe de la permanence en mer, ou encore le programme de simulations du Laser Mégajoule (LMJ).

Ces approches sont cependant de nature à démanteler la cohérence de notre outil de dissuasion.

  1. Se priver de la composante aéroportée de la force de dissuasion reviendrait à éliminer la possibilité d’« ultime avertissement ». A partir de 1998, face à la prolifération des armes nucléaires parmi certaines puissances régionales, la France a remplacé le concept de dissuasion nucléaire « anti-cités » par la doctrine du « fort au faible » ou du « fort au fou » vis-à-vis de ces puissances « secondaires », tout en conservant la doctrine du « faible au fort » vis-à-vis des « grands » du nucléaire. Un « ultime avertissement » serait ainsi donné à une puissance régionale portant atteinte à nos intérêts vitaux. Si elle persistait, les missiles de croisière supersoniques de la force de dissuasion aéroportée pourraient alors viser tous ses centres de pouvoir, économiques, politiques et militaires ;
  2. Selon les experts, il n’y aurait pas beaucoup d’économies à faire à court terme dans l’abandon de la « permanence à la mer ».
  3. Seul un ralentissement du programme de simulation de tirs nucléaires (six cent cinquante millions d’euros en 2012) mené par la Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA/DAM) grâce au supercalculateur Tera 100, au Laser Mégajoule (LMJ) et à la radiographie Airix (Epure), permettrait d’importantes économies.

Outre que c’est la seule façon d’être sûrs du fonctionnement de nos armes nucléaires depuis qu’on a abandonné les essais, c’est un poste qui pourrait être source de richesse pour l’économie civile. Le président de la région Aquitaine, où se trouve cet équipement, prévoit que le LMJ sera ouvert à la communauté scientifique dans un premier temps, puis, peut-être, aux industriels, dans le cadre du passage de la fission à la fusion.

Rappelons qu’en tant qu’EPIC (Etablissement public à caractère industriel et commercial), le CEA/DAM développe des technologies, avant de confier la production à un industriel. Il représente 4700 emplois directs au sein de ses cinq centres et génère, par le biais de contrats à l’industrie et aux entreprises, près de 10 000 emplois indirects ! C’est donc notre participation à l’emploi des technologies du futur qui se trouve en jeu.

V. Le militaire doit représenter 2,5 à 3 % de notre PIB

Ces sommes peuvent paraître énormes. C’est ne pas tenir compte, comme le souligne le général de Villiers (Les Echos, 21/12/2016), qu’« un euro investi dans la défense représente deux euros de retombées pour l’économie nationale, avec des effets de leviers extrêmement puissants en matière de recherche et de développement, d’aménagement du territoire, d’emploi, d’exportations et, enfin, de compétitivité ». Et de rappeler également que « la recherche technologique duale profite directement au secteur industriel français, dans son ensemble ». D’autres sources militaires estiment que les effets des retombées « mécaniques » sont encore plus importants et que lorsque les choix technologiques sont faits en fonction de leurs possibles retombées, les effets de levier ont été, historiquement, spectaculaires.

Moderniser notre force de dissuasion, sans que ce soit au détriment du niveau de vie de nos soldats ou des forces conventionnelles, n’est possible qu’en arrêtant la baisse historique de nos dépenses militaires (en diminution de 20 % depuis 25 ans) et en portant leur part dans notre produit intérieur brut (PIB) de 1,8 % actuellement à 2,5 % voire 3 % (chiffre encore inférieur à ceux des Etats-Unis ou de la Russie).

En outre, la mise sur pied d’une cyber-armée (3200 personnes) doit se poursuivre, sous le commandement du Cybercom, en intégrant ses trois missions : renseignement, protection des réseaux et lutte informatique offensive. Je mettrai un accent particulier sur cette initiative, en dépassant si nécessaire le milliard d’investissement prévu entre 2014 et 2019.

Nous devons aussi mettre à l’étude la possibilité d’un deuxième porte-avions et d’un cinquième SNLE.

Notre effort global, qui, de source militaire compétente, serait de 25 à 30 milliards sur cinq à six ans, doit se faire par une augmentation continue, afin de profiter au fur et à mesure de ses effets de retombées.

EN BREF
Outre la modernisation de notre force de dissuasion, mettre un accent particulier sur le développement de notre cyber-armée, en dépassant si nécessaire le milliard d’investissement prévu entre 2014 et 2019.

VI. Rétablir le lien Armée-Nation : instruction sur la défense nationale et défense opérationnelle du territoire

Notre objectif est d’éviter, dans le contexte général défini ci-dessus, la « ghettoïsation » d’une collectivité militaire repliée sur ses professionnels. Pour être la colonne vertébrale de la nation, l’armée doit impliquer les citoyens.

Je propose deux initiatives :

  1. pendant les cours d’histoire et d’instruction civique organisés à l’école, dispenser une instruction spécifique relative au rôle que joue la défense dans notre pays ;
  2. rétablir une conscription adaptée au défi de l’avenir. L’objectif est d’offrir à nos jeunes (filles et garçons) une période de pleine mixité sociale et d’encadrement pluridisciplinaire, cohérent, intelligent et souple, à un moment de leur vie où l’intégration sociale dans un projet est nécessaire pour former la nation.

Sur une durée de six mois, les jeunes conscrits devraient recevoir une formation militaire élémentaire d’un mois. Ils seraient ensuite affectés, selon leur choix, soit à un service civique (hôpitaux, aide au tiers-monde, participation aux grands chantiers, etc.), qui ne doit en aucun cas être un substitut à l’emploi des jeunes, soit à un service dans les régiments de défense opérationnelle du territoire (DOT) avec, dans les deux cas, deux ou trois périodes de rappel pendant la vie, suivant le modèle suisse.

Le militaire doit être totalement réinséré dans le civil et la société civile animer et respecter son fil de l’épée militaire.

EN BREF
Dispenser une instruction spécifique relative au rôle que joue la défense dans notre pays.
Rétablir une conscription d’une durée de six mois, avec une formation militaire élémentaire d’un mois, et le reste, au choix, dans un service civique ou dans les régiments de défense opérationnelle du territoire (DOT).

VII. La France à l’avant-garde du désarmement nucléaire

Rappelons que, comme l’a voulu le général de Gaulle, notre force de « frappe » doit rester au niveau de la « stricte suffisance ». Pas question pour la France de tenter de faire de la surenchère. Non seulement notre économie ne le permettrait pas, mais il n’est pas dans ma philosophie de maintenir cette épée de Damoclès sur la tête de mes concitoyens et de la population mondiale.

L’atome devait être, pour ses découvreurs, l’énergie abondante permettant de mettre fin à la pauvreté et non une menace sans fin. Certains pouvoirs l’ont confisqué pour obliger la planète à se soumettre à leur Empire ; pour d’autres, comme c’est mon cas, il s’agit du moyen d’assurer notre défense contre la volonté de puissance de ces intérêts impériaux.

Ainsi, tout en relançant la modernisation de notre force de dissuasion, je m’engage à poursuivre les efforts auprès de toutes les puissances nucléaires pour amorcer un désarmement généralisé.

EN BREF
Une force de « frappe » au niveau de la {« stricte suffisance »}, tout en m’engageant à poursuivre les efforts auprès de toutes les puissances nucléaires pour amorcer un désarmement généralisé.