Crise coréenne : le train de la paix passera par la Nouvelle Route de la soie

mercredi 30 mai 2018

Par Mike Billington (Executive Intelligence Review - EIR)

Quelques jours à peine avant la publication de cet article, le sommet historique entre les présidents sud-coréen Moon Jae-in et nord-coréen Kim Jong-un a eu lieu dans la zone démilitarisée séparant les deux pays.

Cet événement, qui doit être suivi d’un autre sommet entre Kim et le président américain Donald Trump, pourrait ouvrir la voie à la fin des manipulations britanniques des « points chauds », ces zones de tension empêchant les grandes puissances mondiales, au bénéfice des seigneurs de l’empire financier (en banqueroute) de Wall Street et de Londres, de s’entendre sur une politique commune de développement.

S’il devait exister un exemple permettant de démontrer que « la paix par le développement » est non seulement le moyen le plus sûr pour surmonter des conflits coriaces, mais la seule voie possible, ce serait sûrement la situation que vit la péninsule coréenne.

En effet, la crise découlant des efforts de la Corée du Nord pour développer l’arme nucléaire a déjà été résolue une fois, puis sabotée et presque résolue une seconde fois, pour être de nouveau sabotée.

Nous sommes aujourd’hui sur le point de résoudre le problème pour une troisième fois. La principale différence ici est que pour la première de l’histoire moderne, les Etats-Unis, la Chine et la Russie (sous la direction de Donald Trump, Xi Jinping et Vladimir Poutine) sont sur le point de s’entendre, non seulement sur la question coréenne, mais aussi sur la nécessité de travailler ensemble pour résoudre tous les problèmes auxquels se trouve confrontée l’humanité, en particulier dans le contexte de l’Initiative Une Ceinture, une Route (ICR, OBOR, BRI) mise de l’avant par la Chine.

Si la Corée du Nord pouvait être convaincue que les grandes puissances souhaitent réellement mettre fin aux divisions géopolitiques entre l’Est et l’Ouest, et coopérer entre elles pour le développement dans toutes les régions du monde, ses dirigeants auraient alors toutes les raisons de croire que les Etats-Unis (et dans une moindre mesure le Royaume-Uni) ne vont pas répéter les actes criminels de destruction qu’ils ont commis en Irak, en Libye ou en Syrie.

Ils pourraient alors croire à la promesse américaine de ne pas envahir leur pays, de ne pas renverser leur gouvernement (regime change) ou de ne pas forcer d’office une réunification avec la Corée du Sud à la suite d’un accord de dénucléarisation.

Les efforts qui ont été consentis au début de 2018 en vue d’établir un dialogue entre les Corées du Nord et du Sud et d’arriver à une solution efficace à la crise (et même à la réunification), peuvent s’inspirer du modèle de l’accord conclu en 1994 entre Kim Il-sung (et son fils Kim Jong-il) et l’administration Bill Clinton, en coopération avec le gouvernement sud-coréen.

La Corée du Nord avait gelé ses travaux sur le réacteur nucléaire de Yongbyon (d’une puissance de 5 MW seulement mais capable de produire du plutonium) et deux autres réacteurs, en échange de la construction par la Corée du Sud et le Japon de deux réacteurs à eau légère d’une puissance de 1000 MW chacun.

La Corée du Nord avait ouvert la porte aux inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), tandis qu’on l’approvisionnerait en pétrole pendant la construction de ces deux réacteurs. Les discussions devaient déboucher sur un traité de paix entre les Etats-Unis et la Corée du Nord.

Ce plan a été abandonné suite à l’arrivée de George W. Bush et Dick Cheney à la Maison Blanche en 2001.

Malgré cela, le président sud-coréen Dae-jung a continué à négocier avec son homologue du Nord, et même réussi, en 2002, à faire ouvrir la zone démilitarisée ainsi que les lignes ferroviaires qui la traverse.

Un effort de la part de la Chine pour poursuivre les discussions (connues sous le nom de Pourparlers des six parties) a été sciemment saboté par les régime de Bush et d’Obama.

On ne peut que constater le fait que le rejet du développement au profit de la confrontation et des sanctions a produit l’effet escompté : la Corée du Nord a repris son programme nucléaire militaire et dispose aujourd’hui de l’arme atomique.

Ceci a permis aux régimes de Bush et d’Obama de justifier leur déploiement massif d’armes nucléaires tant sur terre qu’en mer, y compris le système THAAD de « défense antimissile » et autres systèmes de missiles dotés d’ogives nucléaires plus offensifs, et ce dans un périmètre entourant la Chine et la Russie [en comptant le bouclier déployé en Europe « contre la menace iranienne », ndlt].

La présence de forces aussi massives est reconnue par Beijing et Moscou comme bien supérieure à ce qui serait réellement nécessaire pour contrer la menace nord-coréenne, et vue comme ciblant la Chine et la Russie, altérant du même coup l’équilibre des forces dans les régions concernées.

Néanmoins, la possibilité d’arriver à la paix par un processus de développement répondant aux besoins et intérêts de toutes les parties a été démontrée par l’accord de 1994 et ce concept reste valable même si la Corée du Nord dispose aujourd’hui de l’arme nucléaire.

L’autre différence avec les tentatives antérieures est l’existence de l’Initiative Une Ceinture, une Route. L’esprit gagnant-gagnant sur lequel repose l’ICR fournit la motivation nécessaire à la conclusion d’un nouvel accord, un accord qui répondrait non seulement aux besoins de développement et de sécurité de la Corée du Nord, mais aussi à ceux des autres pays de la région.

Comme nous l’avons démontré dans d’autres parties de ce rapport, le développement des régions extrême-orientale et arctique de la Russie représente pour l’ensemble de l’humanité une « nouvelle frontière », surtout dans la mesure où le président russe Vladimir Poutine a ouvertement lancé une invitation à tous les pays à se joindre au processus.

Il est évident que l’expertise technologique du Japon et de la Corée du Sud doivent jouer un rôle significatif dans le développement de l’extrême-orient russe. Les deux pays ont fait part de leur intention à cet égard.

Ce que l’on a tendance à ignorer cependant, c’est que la force de travail hautement spécialisée en Corée du Nord pourrait, elle aussi, être un facteur important. La coopération entre le Japon, la Corée du Sud et la Russie dans cette entreprise de taille contribuerait grandement à apaiser les tensions entre ces pays, des tensions héritées des conflits passés. Si les Etats-Unis décidaient de s’intégrer au processus, en rejoignant l’ICR, la vision de Xi Jinping, une « Communauté de destin pour l’humanité », serait à notre portée.

Rason : une coopération entre la Russie et les deux Corées

En novembre 2013, le président Poutine s’est rendu à Séoul, pour rencontrer son homologue Park Geun-hye.

L’« Initiative eurasienne » de Park, qui appelait à relier les pays européens et asiatiques par des routes et voies ferroviaires pour créer le « Silk Road Express », intégrait implicitement une solution à la crise nord-coréenne, par le biais d’une liaison ferroviaire entre Busan (anciennement Pusan - Corée du Sud) et Rotterdam (passant par conséquent par la Corée du Nord), comme l’avait proposé quelques années plus tôt Lyndon LaRouche. La présidente Park avait affirmé qu’un « eldorado coréen » attendait la réunification pacifique des deux Corées.

Un accord majeur fut conclu lors du Sommet de 2013 entre Poutine et Park, en vue d’arriver à une entente tripartite entre la Russie et les deux Corées pour le développement du port de Rason (anciennement Rajin-Sonbong) en Corée du Nord, de même que de la Zone économique spéciale située à l’embouchure du fleuve Tumen, à la frontière entre la Chine, la Russie et la Corée du Nord.

La Russie reconstruisait alors la voie ferrée devant relier le Vladivostok au port de Rason, tout en dotant ce dernier d’une installation d’amarrage. (La Chine a de son côté modernisé une autoroute reliant la province de Jilin au port de Rason, et construit ses propres installations, fournissant un accès à la mer à ces provinces enclavées.)

L’accord prévoyait la création d’un consortium réunissant des grandes sociétés sud-coréennes (Hyundai Merchant Marine, Posco, une société sidérurgique publique et Korail, la société ferroviaire nationale), ainsi que des sociétés russes et nord-coréennes. Le consortium devait opérer depuis Rason.

En 2015, trois chargements de charbon russe avaient atteint le terminal ferroviaire de Rason, pour être transbordés sur des navires sud-coréens opérés par Hyundai Merchant Marine, et re-transbordés dans des wagons de Korail pour leur acheminement jusqu’aux usines de Posco.

Cela fut le premier investissement industriel en Corée du Nord, à l’exception du parc industriel de Kaesong, près de la frontière entre les deux Corées, où les sociétés sud-coréennes embauchent de la main d’œuvre nord-coréenne. Le consortium de Rason était précisément le type de structure qui aurait pu servir de fondement à une vaste coopération industrielle entre les Corées du Sud et du Nord, impliquant également la Russie et la Chine.

En fait, un consortium similaire composé de Posco et Hyundai Merchant Marine a été établi avec des sociétés chinoises à Hunchun, en Chine, une ville située tout près de la frontière nord-coréenne, à environ 50 km de Rason. On prévoyait d’étendre les installations logistiques et de distribution au fur et à mesure que Rason se développerait, une situation gagnant-gagnant pour la Russie, la Chine et les deux Corées.

En février 2015, un protocole d’entente a été signé à Moscou entre RusHydro, le plus grand producteur d’hydroélectricité de Russie et K-Water, une société publique sud-coréenne, pour collaboration sur des projets dans l’extrême-orient russe, puis éventuellement en Corée du Nord.

Le ministre russe du Développement de l’extrême-orient, Alexander Galouchka, a déclaré à l’agence de presse Yonhap que des responsables nord-coréens s’étaient mis d’accord avec leurs partenaires russes, y compris RusHydro, pour la mise en œuvre de projets tripartites avec Séoul.

En août 2015, la présidente Park a franchi un autre pas significatif en vue de faire progresser sa vision pour l’intégration de l’Eurasie, en assistant aux cérémonies du 70e anniversaire de la victoire contre le Japon à Beijing.

Des photos de Park aux côtés des présidents Xi et Poutine ont été largement reprises sur les réseaux sociaux du monde entier, provoquant la consternation d’Obama et de ses collègues, alors que celui-ci faisait campagne pour faire adopter des sanctions contre la Russie (suite au coup d’État ukrainien) et qu’il se préparait à faire la guerre à la Chine en raison des différends en mer de Chine méridionale.

Le président Obama décida, en février 2016, de mettre son plan de division en exécution : suite à un essai de missile nord-coréen (totalement prévisible en raison de la doctrine du « Pivot asiatique » adoptée par Obama et des exercices militaires mimiquant une invasion de la Corée du Nord et des opération de « décapitation » contre des personnalités nord-coréennes), il réussit à convaincre son homologue Park à renoncer à toute coopération avec la Corée du Nord. Les activités entreprises à Kaesung furent interrompues en 24 heures, causant autant de dommages à l’industrie sud-coréenne que nord-coréenne.

Le consortium de Rason n’éclata pas immédiatement, mais les livraisons en provenance de la Corée du Nord étant interdites, les conséquences n’allaient pas tarder à se faire sentir. On fit également pression sur la Corée du Sud pour qu’elle donne son accord au déploiement sur son territoire du bouclier antimissile américain THAAD, et ce malgré les hésitations de la présidente Park. Il est clair que les missiles de haute altitude n’ont rien à voir avec la nécessité de se défendre contre une hypothétique attaque nord-coréenne, mais au contraire avec le système de radar X Band associé au THAAD, qui permet de sonder l’intérieur des territoires russe et chinois.

La présidente Park fit l’objet d’une procédure de destitution et dut quitter son poste en décembre 2016, pour cause de corruption. Lors de l’élection subséquente, la population sud-coréenne vota en faveur du candidat de l’opposition, Moon Jae-in, qui prit ses fonctions en mai 2017. Celui-ci s’engagea à rétablir la « politique du rayon de soleil » (sunshine policy) initiée par le président Kim Dae-jung en 1998, en faveur d’un dialogue avec la Corée du Nord.

Après leur arrivée au pouvoir, Donald Trump et Moon Jae-in ont tous deux fait part de leur souhait d’établir des relations amicales aussi bien avec la Russie que la Chine.

C’est précisément ce type de coopération en vue du développement qui créé un environnement dans lequel la problématique nord-coréenne peut être résolue. Le président Moon Jae-in s’est rendu en septembre 2017 en Russie, pour assister au Troisième forum économique de Vladivostok. Lors d’une conférence de presse suivant la rencontre entre les deux présidents, Vladimir Poutine a déclaré :

Il est significatif qu’au cours des six premiers mois de 2017, le commerce bilatéral [entre la Russie et la Corée du Sud] a progressé de presque 50 %, pour atteindre les 10 milliards de dollars.

Plus de 600 sociétés sud-coréennes opèrent en Russie, et les investissements en provenance de Corée du Sud en Russie excèdent les 2 milliards de dollars. (…) Les entreprises sud-coréennes sont très intéressées par l’idée de faire monter d’un cran le coopération avec la Russie, ce qui a été confirmé par le Forum économique de l’Est, avec la présence d’une délégation de haut niveau regroupant presque cent dirigeants d’entreprises, représentant 50 grands groupes.

(…) Aujourd’hui, M. le Président et moi-même avons pris la décision de stimuler l’investissement conjoint et la mise en place de plateformes financières dotées d’un capital total de 1 milliards de dollars, et de créer un portefeuille de projets prometteurs, en premier lieu dans l’extrême-orient, où nous pouvons bénéficier des opportunités offertes pour les zones de développement prioritaires et le port libre de Vladivostok.

Lors de nos discussions, nos partenaires coréens ont confirmé leur intérêt pour la création d’une zone de libre-échange avec l’Union économique eurasiatique. Il a été décidé de poursuivre les consultations entre nos experts sur cette question. Nous avons également fait par de notre satisfaction à l’égard du développement réussi de notre coopération dans le secteur énergétique. Les entreprises sud-coréennes sont impliquées dans les projets Sakhaline-1 et Sakhaline-2.

Nous discutons de la possibilité d’accroître les livraisons de gaz naturel liquéfié. Quinze tankers seront construits dans des chantiers navals sud-coréens, afin de transporter le gaz produit par l’usine GNL de Yamal.

J’aimerais ajouter que la Russie souhaite toujours aller de l’avant dans la mise en œuvre de projets tripartites, avec la participation de la Corée du Nord. Nous pourrions livrer du gaz par gazoduc à la Corée et intégrer les lignes électriques à haute tension ainsi que les lignes ferroviaires russes, sud-coréennes et nord-coréennes.

La mise en œuvre de telles initiatives ne bénéficiera pas qu’à l’économie, elle permettra d’accroître la confiance et la stabilité dans la péninsule coréenne. Nous percevons les avantages qu’aurait l’implication potentielle des entreprises sud-coréennes dans la construction de projets d’infrastructure en Russie, y compris la modernisation des ports et chantiers navals de l’extrême-orient russe et le développement conjoint de la Route maritime septentrionale. M. Moon Jae-in et moi-même nous sommes mis d’accord concernant l’importance d’intensifier les relations régionales. La première rencontre du Forum russo-coréen pour la coopération interrégionale devrait avoir lieu au début de 2017.

Le président sud-coréen Moon Jae-in avec son homologue russe Vladimir Poutine.

Dans un discours au Sommet de Vladivostok, le président Moon Jae-in a appelé la Russie à se joindre à la Corée du Sud pour la mise en œuvre immédiate de « neuf ponts » entre les deux pays, pour le développement de gisements gaziers et de gazoducs, de lignes ferroviaires et de ports, de lignes haute tension, de chantiers navals, de projets coopératifs dans la main d’œuvre, de projets dans l’agriculture et la pêche, et enfin de la région arctique. De toute évidence, chacun de ces domaines représente une base pour l’intégration de la Corée du Nord dans ce processus de développement historique.

L’agence Yonhap a rapporté, après le sommet du 27 avril 2018 entre Moon et Kim, que le premier avait présenté à son homologue une proposition détaillée pour le développement de projets conjoints entre les deux pays, et pour relier la péninsule à ses deux immenses voisins situés plus au nord, c’est-à-dire la Chine et la Russie.

Des relations extrêmement tendues entre la Corée du Sud et la Chine ont fait suite au déploiement (convenu entre Obama et Park) des missiles THAAD en Corée du Sud. Moon n’a pas été en mesure de l’empêcher, bien qu’il ait fait campagne contre ce projet. Des sanctions non officielles ont été décidées par la Chine, telles qu’une limitation du tourisme chinois vers la Corée du Sud et un boycott à l’encontre de certaines des grandes entreprises sud-coréennes présentes en Chine.

La Nouvelle Route de la soie septentrionale imaginée par Poutine n’a pas été déployée en Asie du Nord-Est, malgré le fait qu’elle avait précisément pour but de résoudre la crise. Néanmoins, comme l’a souligné Poutine, la Russie et la Corée du Sud ont pris les devants avec leur propre programme, en tant que fondement pour l’intégration de la Corée du Nord dans un processus de développement gagnant-gagnant.

Les relations entre la Chine et la Corée du Sud on toutefois pris un nouveau tournant en octobre 2017, lorsque la première a décidé d’intensifier ses efforts de coopération dans la péninsule coréenne, toute en maintenant ses objections à l’égard des missiles THAAD.

Moon s’est rendu à Beijing en décembre 2017, accompagné de 300 chefs d’entreprises sud-coréennes. Après avoir rencontré son homologue Xi Jinping, Moon a déclaré :

Au cours de notre rencontre, le président Xi et moi-même nous sommes mis d’accord pour chercher activement des moyens pour établir une coopération entre l’Initiative Une Ceinture, une Route promue par la Chine et notre politique du Nouveau Nord-Nouveau Sud. Je suis confiant à l’idée qu’un lien [entre ces deux visions] conduira à la paix et à la prospérité commune dans la région, et se transformera en une vague de fond capable de piloter le développement de toute l’humanité.

Des responsables du ministère sud-coréen de la Stratégie et des Finances ont également fait une tournée dans le nord-est de la Chine fin 2017, pour étudier la progression de l’ICR et identifier les possibilités de coopération.

Le séjour fructueux de Trump au Japon, en Corée de Sud et en Chine en novembre 2017, ainsi que ses rencontres et appels téléphonique avec Poutine (en dépit du « Russiagate » en cours aux Etats-Unis), de même que la déclaration du Premier ministre japonais Abe en décembre (selon laquelle son pays cofinancerait avec la Chine des projets associés à l’ICR), ouvrent la porte à une percée significative en vue de la résolution de la problématique nord-coréenne.

La ligne dure adoptée publiquement par Trump à l’égard de la Corée du Nord, et le fait que la Russie et la Chine ont voté avec les Etats-Unis pour la mise en place de sanctions contre Pyongyang, ont sans aucun doute permis de faire pression sur Pyongyang. Il faut cependant considérer le point de vue nord-coréen. D’abord, Kim Jong-un a réitéré à maintes occasions que sa volonté de développer l’arme nucléaire ne visait qu’à dissuader les Etats-Unis de toute attaque : les tests de missiles les plus récents, a-t-il déclaré, lui donnent une capacité de représailles directement sur le territoire américain (que cela soit vrai ou non n’est pas clairement établi).

Chose plus importante encore, la collaboration entre les Etats-Unis et la Chine, ainsi que le refus de Trump de capituler face à l’hystérie du Russiagate en poursuivant ses discussions avec Poutine, conduisent Kim Jong-un à croire que tous les partenaires impliqués dans le dialogue sont sincères, et que peut-être la promesse faite par l’ancien Secrétaire d’Etat Tillerson (qu’il n’y aurait aucune invasion, aucun changement de régime et aucun réunification forcée) correspond bien à l’intention de Trump : on pourrait ainsi faire confiance aux Etats-Unis, au moins pour entamer un dialogue.

L’ouverture de pourparlers entre les Corées du Nord et du Sud, à commencer par une coopération dans le cadre des Jeux Olympiques en Corée du Sud, suivis du consentement, du moins en principe, de Trump à rencontrer Kim Jong-un, mettent les néoconservateurs dans tous leurs états. L’espoir d’arriver à une solution durable est loin d’être assuré, mais si la coopération entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie se maintient et s’étend même à d’autres domaines, il n’y aurait dans ce cas aucune raison pour que la crise nord-coréenne continue à persister. Ce conflit a toujours été un corollaire du conflit entre l’Est et l’Ouest. Si la division artificielle du monde conçue par l’Empire britannique cessait d’exister , les deux Corées seraient amenées à s’entendre au bénéfice de tous.

La carte montre les projets de liaisons ferroviaires entre la Corée du Sud, via la Corée du Nord vers la Chine et la Russie, étendant du même la Nouvelle Route de la soie de Busan (Pusan) à Rotterdam. La Russie ainsi que les Corées du Nord et du Sud souhaiteraient aussi construire des oléoducs et gazoducs le long des voies ferrées.

La « Nouvelle carte économique » du Président Moon pour la Corée du Sud a comme point de départ l’idée que « l’unification économique est la voie menant à la survie ». Même avant la tenue des récents sommets, Moon avait proposé de construire « trois ceintures économiques », qu’il a appelées :

  • la ceinture énergie-matières premières dans la mer de l’Est ;
  • la ceinture industrie-logistique et distribution-transport dans la mer de l’Ouest ;
  • et la ceinture environnement-tourisme dans la zone démilitarisée.

Ces plans prévoient clairement la coopération économique avec le Nord, à partir de projets de développement impliquant les deux Corées, la Russie et la Chine.

Ainsi, avec le soutien de l’administration Trump, une solution à la problématique coréenne peut enfin être envisagée.

Soldats protégeant la gare de Dorasan à la frontière des deux Corées. Lorsque la ligne Busan-Rotterdam entrera en opération, cette gare sera au cœur du Pont terrestre eurasiatique, affiche le panneau.