États-Unis : qui cherche vraiment à manipuler les élections ?

lundi 27 août 2018

À l’approche des élections de mi-mandat du 6 novembre, de très fortes suspicions d’interférence pèsent sur… les néocons anglo-américains. Ou, pour le dire plus précisément, sur ce syndicat des mauvais (futurs) perdants de la mondialisation, qui enragent de voir la Chine, les BRICS et des dizaines d’autres pays remodeler explicitement l’ordre mondial, et qui deviennent littéralement hystériques à l’idée de voir les États-Unis s’ouvrir à ce nouveau paradigme, comme on a pu le voir avec les sommets de Singapour et d’Helsinki.

Ainsi, la « saga Trump » ne tarit pas de nouveaux épisodes et rebondissements, et les médias français ne sont pas les derniers à se faire les perroquets de la presse anglo-saxonne. En même temps, des reportages ont été diffusés tout le mois d’août pour l’anniversaire du « Watergate », qui avait conduit le président Nixon à la démission. On pourrait s’étonner d’ailleurs, dans le contexte actuel des crises monétaires en Turquie, en Argentine, etc, de ne pas entendre grande chose sur le thème de l’anniversaire du 15 août 1971, jour où ce même président avait découplé l’or du dollar, mettant à la poubelle les accords de Bretton-Woods…

De toute évidence, Paul Manafort, l’ancien directeur de campagne de Trump, et Michael Cohen, son ancien avocat, ont été soumis aux techniques éprouvées du FBI pour ce qui est de faire parler des « témoins ». Techniques consistant à brandir la menace de la prison afin de pousser Manafort et Cohen à « chanter comme des canaris », pour reprendre l’expression du juge fédéral TS Ellis, c’est-à-dire à balancer tout ce qu’ils peuvent sur Donald Trump, même si cela n’a rien à voir avec une quelconque « collusion » entre la Russie et la campagne de Trump dans les élections de 2016.

Car pour le procureur spécial Robert Mueller et toute la clique qui se trouve derrière lui, peu importe que l’on sorte du cadre de l’enquête qui lui a été confiée. L’objectif est bien, à l’approche des élections du 6 novembre, de jeter un maximum de boules puantes dans le débat afin de retourner les électeurs, et d’ouvrir la voie, en cas de basculement du Congrès américain du côté des Démocrates, à une procédure de destitution contre Trump. On se garde toutefois d’expliquer au grand public qu’en cas de destitution ou de démission du président, c’est son vice-président Mike Pence qui prendra sa place, c’est-à-dire ce qui se fait de plus gratiné aux États-Unis en terme d’évangélistes illuminés va-t-en-guerre… Et nul doute alors que la relative détente amorcée par l’actuelle administration avec la Russie deviendra bel et bien du passé.

De nouvelles sanctions ont donc été annoncées par le Secrétaire américain au trésor contre la Russie, qui vont geler des centaines de millions de dollars détenus par des personnalités russes principalement aux États-Unis, mais également dans des pays tiers. Comme l’a laissé entendre Sergey Ryabkov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, cette logique de sanctions pourrait pousser la Russie à définitivement sortir du système dollar.

Pendant ce temps, les Britanniques ne perdent pas un instant pour mettre de l’huile sur le feu, et pour tenter de ramener les États-Unis dans le giron de la « Special relationship » avec la Grande-Bretagne, que Trump maltraite tellement depuis son arrivée au pouvoir. John Hunt, le ministre des Affaires étrangères, vient d’effectuer un voyage à Washington, où il a rencontré son homologue Mike Pompeo, le conseiller du président Jared Kushner et le vice-président Mike Pence, entre autres. Dans un mode résolument anti-russe, Hunt a remercié les États-Unis pour leur soutien dans l’ « affaire Skripal » (l’empoisonnement de l’ex-agent russe à Salisbury en mars dernier) et a souligné l’importance de l’alliance anglo-américaine.

De son côté, après que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont dénoncé à l’ONU l’intention du régime syrien de commettre une nouvelle attaque chimique dans le contexte de son assaut final contre les dernières poches de terroristes à Idleb, le ministère russe de la Défense a accusé samedi les services secrets britanniques de préparer une attaque chimique « sous fausse bannière ». Le général Igor Konashenkov, porte-parole du ministère, a notamment pointé du doigt l’implication du Olive Group, une firme de mercenaires liée au MI6, et impliquée entre autres dans la manipulation des « Casques blancs » (lire notre chronique :« Casques blancs : l’impérialisme brutal dans le gant de velours de l’aide humanitaire »). La tension est donc très grande.

Le résultat des élections américaines sera donc déterminant pour la direction que prendra le monde, à savoir vers la paix ou vers la guerre. Selon un récent sondage Gallup, 58 % des citoyens américains sont favorables à l’amélioration des relations avec la Russie, plutôt que de « prendre des mesures diplomatiques et économiques énergiques » contre elle. Et si les trois quarts croient que la Russie a bien interféré dans les élections de 2016, la moitié d’entre eux pense que cela n’a pas eu d’impact sur le résultat.

Lors de la rencontre à Genève jeudi dernier entre le Conseiller américain à la sécurité nationale John Bolton et son homologue Nikolai Patrushev, Bolton a essayé de convaincre Patrushev d’inclure dans le communiqué final la phrase « la Russie a interféré dans les élections américaines, mais elle le nie ». Mais lorsque Moscou a accepté à condition d’ajouter que « les États-Unis ne doivent pas s’immiscer dans les affaires des autres nations », l’équipe de Bolton a jeté l’éponge. Au jeu de l’arroseur arrosé, les néocons risquent bien de terminer vainqueur !

La situation globale est très dangereuse, avec le double danger de nouveau krach financier et d’escalade militaire ; il est donc urgent de se mobiliser et notamment de faire circuler l’appel pour un nouveau Bretton Woods lancé par l’Institut Schiller aux dirigeants américain, russe, chinois et indien.