Mer d’Azov, la provocation pour saboter la rencontre Poutine-Trump ?

mercredi 28 novembre 2018

À quelques jours de la rencontre entre le président américain et le président russe, en marge du G20 à Buenos Aires, le gouvernement ukrainien a sciemment décidé de provoquer une crise internationale. Dimanche, trois navires de guerre ukrainiens ont franchi la frontière russe dans la mer Noire, au niveau du détroit de Kertch, et ont pénétré les eaux territoriales russes en mer d’Azov, obligeant les garde-côtes russes à intervenir. Des combats ont eu lieu, faisant trois blessés parmi les marins ukrainiens, et les trois navires ont été confisqués. La Fédération de Russie a immédiatement lancé une procédure de poursuite pénale contre l’Ukraine pour violation de ses frontières.

D’après le ministre russe des Affaires étrangères Sergey Lavrov, cette provocation a été directement commanditée par le gouvernement à Kiev : « Ils ont dû calculer les bénéfices qu’ils pouvaient en tirer, sachant que les États-Unis et l’Europe allaient sans doute soutenir aveuglément les instigateurs », a déclaré Lavrov.

Loi martiale

Dimanche soir, peu de temps après l’incident, le président Porochenko a convoqué le Conseil de Défense et de Sécurité nationale, dirigé par Oleksandr Turchynov, afin de demander à la Rada, le Parlement ukrainien, d’instaurer la loi martiale pendant 60 jours. Contrairement à ce que de nombreux médias ont prétendu, la Rada n’a pas immédiatement approuvé la demande ; la session parlementaire est rapidement devenue chaotique, forçant sa fermeture. Face à cela, Porochenko a décidé d’instaurer la loi martiale par décret, la rendant effective sur une partie du territoire ukrainien à compter du 28 novembre au matin.

Lavrov a immédiatement mis en garde : « Si la loi martiale est déclarée, les nationalistes radicaux penseront alors qu’on leur donne carte blanche. Nous appelons fermement les soutiens occidentaux de Kiev à calmer ceux qui cherchent à profiter de l’hystérie militaire et à marquer des points politiques à l’approche des élections devant avoir lieu bientôt en Ukraine ». En effet, les groupes néo-nazis ukrainiens, ce « mal nécessaire » dont s’était servi l’administration Obama afin de réaliser le coup d’État de Maïdan de 2014, attendent la moindre occasion pour sortir du bois (lire la chronique du 7 mai 2018 : Cachez-moi ces néo-nazis que je ne saurais voir !)

Un nouveau groupe d’opposition au Parlement, le « Programme de l’opposition pour la vie », a publié une déclaration dénonçant l’initiative en mer d’Azov pour avoir mis en danger les marins ukrainiens et appelant à la démission du président. Dans ce texte, le nouveau groupe exprime aussi sa crainte qu’en instaurant la loi martiale, « le président Porochenko ne cherche, en réalité, qu’à annuler les prochaines élections présidentielles [de mars 2019] qu’il s’attend à perdre, et à usurper le pouvoir. La loi martiale permettra au régime actuel de se débarrasser des personnes non désirables, de fermer certains médias et de restreindre la liberté d’expression, ainsi que les droits des citoyens ukrainiens. Le régime actuel est en faillite. Il n’a pas le droit de mettre en danger l’existence de la nation pour satisfaire sa soif de pouvoir et cacher son incapacité à résoudre pacifiquement le conflit armé dans l’est du pays ».

Le président du groupe, Yuri Boiko, a appelé le gouvernement à ouvrir des négociations avec la Russie : « Il ne sera possible de parvenir à la paix que par des pourparlers directs entre nous et la Russie », a-t-il dit, des négociations dans lesquelles les institutions de l’UE doivent jouer le rôle de médiatrices .

À l’ONU, où le Conseil de sécurité a rejeté la demande de la Russie pour une réunion sur la violation par l’Ukraine de ses eaux territoriales, l’ambassadeur russe Dmitry Polyanskiy a pointé du doigt la fuite en avant d’un régime aux abois : « à l’approche des élections, l’équipe de Maïdan a besoin d’une escalade, voire d’une guerre », a déclaré le diplomate, ajoutant que, sans cela, ils ne seront pas en mesure de faire face à la situation sociale et de se faire réélire. « Une nouvelle dose de ’fièvre anti-russe’ est nécessaire pour que les Ukrainiens, qui n’ont cessé de s’appauvrir au cours des cinq dernières années, croient une fois de plus que c’est la Russie qui est responsable de tous leurs malheurs, et non leur gouvernement et leurs marionnettistes occidentaux ».

Les va-t-en-guerre anglo-américains à la manœuvre

Comme nous l’avons toujours dit, c’est la faillite irrémédiable du système financier de Wall Street et de la City de Londres qui induit une logique de guerre, l’oligarchie financière préférant toujours cette option à une quelconque remise en cause de l’ordre établi. C’est la raison pour laquelle les quelques efforts réalisés par l’administration Trump pour normaliser ses relations avec la Russie, et même avec la Chine, ont suscité une telle hystérie parmi les élites britanniques et américaines, ainsi que dans les médias inféodés aux pouvoirs financiers, entraînant un redoublement de propagande et de paranoïa anti-russe et anti-chinoise – au point que le nouveau chef d’État-major britannique, Mark Carleton-Smith, a récemment osé affirmer que la Russie représentait une menace plus grande pour la Grande-Bretagne que Daesh ou Al Qaïda...

Les Russes sont très conscients de la lutte interne qui se livre actuellement aux États-Unis entre les va-t-en-guerre et les partisans d’une détente internationale. Sergey Lavrov n’a pas hésité à faire le rapprochement entre la provocation en mer d’Azov et la rencontre Trump-Poutine prévue le week-end prochain à Buenos Aires : « Nous ne pouvons pas garantir que les forces politiques américaines cherchant à casser la présidence de Trump ne s’aventureront pas dans de nouvelles provocations, a-t-il déclaré dimanche soir, lors de son interview avec la chaîne de télévision Rossiya-1. (…) Quand le président d’une grande nation est prêt à parler avec le président d’une autre grande nation, je pense qu’il est de notre devoir de ne négliger aucun effort en vue de faciliter de tels contacts, a-t-il dit. D’autant plus que certains progrès ont été réalisés dans le rétablissement des canaux de dialogue, y compris entre les conseils de sécurité russe et américain ».