La petite leçon de gaullisme du Président mexicain

vendredi 11 janvier 2019, par Karel Vereycken

Le président mexicain Lopez Obrador s’inspire de son prédécesseur Benito Juarez.

Depuis le scrutin vénézuélien de mai 2018, le Mexique doit affronter une pression grandissante de la part du « groupe de Lima », treize nations d’Amérique Centrale et du Sud, plus le Canada, qui veulent l’obliger à signer une résolution condamnant le régime de Caracas. Le 7 janvier, lors d’une conférence de presse, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a tenu à clarifier sa position.

Suite à une question posée par un des journalistes présents, il lança :

Qui d’entre vous, ici, a une copie de la Constitution mexicaine ? Il va falloir m’aider, là ! Trouvez-moi l’article 89, paragraphe 10, qui définit les pouvoirs du président de la République mexicaine…

Celui qui l’avait interrogé sur sa politique à l’égard du Venezuela commence alors à lire le paragraphe en question et trouve rapidement le passage stipulant qu’au Mexique, « la tête de la branche exécutive s’en tiendra aux principes statutaires suivants : l’auto-détermination des peuples. » « Vous voyez, c’est bien là ! » s’écrit alors Obrador, en lui coupant la parole.

Le journaliste : « Vient ensuite le prochain principe, la non-intervention. »
Obrador : « Moins vite, moins vite ! Répétez cela. »

Ce véritable exercice pédagogique se poursuivit avec la lecture des principes « d’une solution pacifique des différends » et de « l’interdiction de tout recours à la menace ou à la force dans les relations internationales ».

C’est donc bien là, répète alors Obrador.

La non-intervention et l’autodétermination des peuples sont des principes constitutionnels. On a tendance à l’oublier car il y a des époques où l’on s’est pas conformé à cette politique.

Obrador en profita pour expliquer à la presse qu’il s’agissait non seulement d’une règle constitutionnelle mais d’un principe fondamental en politique, exprimé avant lui par le courageux président mexicain Benito Juarez (1806-1872). [1]

Le 17 juillet 1861, dans une situation financière particulièrement tendue à cause de la guerre civile, Juarez décide de suspendre la partie illégitime de la dette extérieure, provoquant les protestations de la France, de l’Espagne et du Royaume-Uni. Ce moratoire entraînera l’invasion française, autrichienne, anglaise et espagnole. Après avoir libéré le Mexique de l’occupation anglo-française, Juarez déclare :

La paix, c’est le respect des droits des autres.

Le président reprend alors la parole :

Ainsi, d’après moi, la meilleure politique étrangère, c’est une bonne politique domestique. (…) On a tellement de choses à faire ici, au Mexique. Si l’on en finit avec la corruption, s’il y a des emplois, du progrès et de la prospérité au Mexique, alors on sera respecté dans le monde entier.

Nous n’allons pas nous mêler des questions vénézuéliennes, de même que nous n’allons pas nous impliquer dans des disputes de politique intérieure étasunienne, a-t-il poursuivi.

Nous ne pouvons pas mettre notre nez dans la vie domestique d’un autre pays car nous ne souhaitons pas que quiconque, ou qu’un gouvernement étranger, s’ingère dans des affaires qui ne concernent que les Mexicains.

Et il conclut :

Je suis très heureux car nous allons revenir à la tradition de politique étrangère qui nous a toujours accordé une place particulière dans le monde.

Ainsi, à l’heure où les invectives entre la France et l’Italie tendent à se multiplier, c’est du Mexique que nous arrive cette petite leçon de gaullisme et de décence commune.


[1Nous recommandons vivement la lecture de l’excellente biographie écrite par Maurice Ezran, Benito Juarez, héros national mexicain, publiée chez l’Harmattan en 2003.