Grèce : l’UE fait payer la dette aux morts

lundi 28 janvier 2019

La semaine dernière, la Chine a annulé une partie de la dette du Cameroun, s’élevant à 68 millions d’euros (sur un total de 4,5 milliards), lors de la rencontre entre le président camerounais Paul Biya et le représentant spécial de Xi Jinping, Yang Jiechi.

Les donneurs de leçons, passés maîtres pour accuser la Chine de dresser le « piège de la dette » aux pays africains, peuvent avaler leur chapeau.

D’autant plus que l’on apprend au même moment que la dette publique grecque a continué d’augmenter au cours de l’année dernière, malgré – ou plutôt « grâce » à – la politique d’austérité budgétaire imposée à la Grèce par l’UE depuis 2011, précisément dans le but de réduire sa dette.

D’après les chiffres publiés par l’Autorité statistique hellénique (l’Insee grec), la dette souveraine grecque atteignait 335 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre de 2018, suite à une augmentation de 21,5 milliards en un an, et de 11,6 milliards dans le seul second trimestre de 2018. Cette augmentation est due au déboursement de la dernière tranche du 3e mémorandum de 15 milliards d’euros enclenché par le Mécanisme de stabilité européen.

La dette représente désormais 182,2 % du PIB du pays, soit le plus haut taux de l’UE. Avant les programmes de « sauvetage » européens, ce taux n’était que de 100 %. Bravo les artistes !

Cependant, la politique de saccage social induite par les « conditionnalités » du prétendu plan de sauvetage a causé une véritable hémorragie démographique dans le pays. D’après Giorgos Rachiotis, professeur épidémiologiste de l’Université de Thessalie, la population grecque a diminué de 355 000 personnes dans la période 2008-2017. Cette réduction est provoquée par la baisse du taux de natalité, les jeunes n’ayant plus les moyens d’élever des enfants, et par l’émigration de nombreux jeunes Grecs qui partent à l’étranger chercher du travail et une vie meilleure.

« La crise économique, couplée à l’intégration de la Grèce dans le mécanisme de prêt du mémorandum, a expliqué Giorgos Rachiotis à l’agence de presse macédonienne d’Athènes, perturbe l’équilibre entre les morts et les naissances », ce qui plonge le pays dans « une catastrophe économique et sociale colossale ». Ainsi, des chercheurs du Centre national de recherche sociale estiment que la Grèce perdra 770 000 de ses habitants dans les prochaines années, en admettant que le taux de natalité actuel reste stable.

« Personne n’a jamais réussi à faire payer une dette à un mort ! » avait lancé le président Nestor Kirchner à la tribune de l’ONU, en 2003, avant d’imposer aux créanciers de l’Argentine l’annulation de 70 % de la dette publique.

En réalité, jamais aucune politique d’austérité n’a permis de réduire une dette. Le FMI avait lui-même admis en 2016 qu’aucune « réforme structurelle » (dans ce milieu, on n’utilise pas ce vilain mot d’ « austérité ») ne permettrait à la Grèce de se libérer du fardeau de la dette… ce qui ne l’empêcha pas, par la suite, de continuer à prêcher le serrage de ceinture.

En Grèce, le quotidien grec To Ethnos (« La Nation ») a de nouveau lancé un cri d’alarme sur le fait que le TAIPED, le fonds chargé de privatiser les biens publics grecs, « s’intéresse à nouveau à tous les monuments, de la Tour blanche de Thessalonique au temple de Knossos, en Crète ». En juin dernier, « plus de 10.000 sites archéologiques, forêts et musées ont été confiés au TAIPED ». Ce fonds, rappelons-le, a été imposé et mis en place par les institutions créancières du pays, dans le cadre du plan de sauvetage de la Grèce imposant la mise à l’encan de tous les actifs publics.

Cette politique est criminelle ; elle doit être jugée comme telle et être immédiatement stoppée. La part illégitime ou odieuse de la dette doit être purement et simplement effacée, dans la tradition biblique du jubilé, comme l’avait rappelé Jacques Cheminade pendant sa campagne présidentielle de 2017.

Et si « réforme structurelle » il doit y avoir, celle-ci doit avant tout s’appliquer au système financier et monétaire transatlantique, de manière à tarir à la source la spéculation financière et autres pratiques financières qui ont répandu partout la lèpre d’un endettement usurier destructeur du tissu social et économique.