Venezuela : nouvelle atteinte atlantiste au droit international

vendredi 1er février 2019

Face à son échec en Syrie, le parti de la guerre cherche à allumer un nouveau foyer de conflit international ; et, n’ayant retenu aucune leçon des fiascos irakien, libyen et syrien, les défenseurs invétérés de l’ « ordre libéral démocratique » des deux côtés de l’Atlantique se sont empressés d’apporter leur soutien au président autoproclamé du Venezuela Juan Guaido, en une violation flagrante et éhontée du principe de non-ingérence défendu par le droit international.

Car les événements au Venezuela n’ont rien à voir avec la démocratie ou les droits de l’homme ; il ne s’agit pas non plus de savoir s’il faut avoir ou pas de la sympathie pour le régime chaviste.

On sait désormais que le vice-président américain Mike Pence a appelé Juan Guaido la veille de la cérémonie d’assermentation de Maduro pour lui affirmer son appui, et que c’est sous la pression d’une cabale réunissant les faucons les plus virulents que Donald Trump a accepté de soutenir Guaido si ce dernier se déclarait président. Parmi ceux-ci se trouvaient Mike Pence, le conseiller à la sécurité John Bolton, ainsi que les sénateurs Marco Rubio et Rick Scott et le député Mario Diaz-Balart, tous trois élus de Floride proches du lobby des exilés cubains très à droite et visiblement restés bloqués au début des années 1960.

Juan Guaido, dont la page Wikipedia été modifiée 37 fois quelques jours avant que les médias ne le présentent comme « le nouveau dirigeant démocratique », est un pur produit du National Endowment for Democracy (NED), une façade de la CIA fonctionnant comme le bras principal du gouvernement américain dans sa stratégie de changement de régime.

À pieds joints dans la guerre froide

La machine s’est très vite mise en branle. John Bolton a affirmé le 28 janvier que « toutes les options sont sur la table », tandis que l’on pouvait lire, griffonné sur le bloc-notes placé sous son bras, les mots « 5000 soldats en Colombie ». Pendant ce temps, la Banque d’Angleterre a décidé, à la demande de Juan Guaido, de bloquer 1,2 milliards de dollars du Trésor vénézuélien dans le but d’asphyxier le régime. Autre signe de mauvais augure, la nomination d’Elliott Abrams, un néoconservateur controversé en raison de son inculpation dans l’affaire Iran-Contra, comme envoyé spécial des États-Unis au Venezuela avec pour tâche de contribuer à « restaurer la démocratie ». Son implication alimente les craintes d’une nouvelle guerre sanglante, comme l’a exprimé sans détour le pape François.

L’UE a exigé, par la voix de sa chef de la Diplomatie, Federica Mogherini, la convocation d’élections « dans les 8 prochains jours », de même qu’Emmanuel Macron, qui s’est déclaré prêt, en cas de refus de Caracas, à « reconnaître Juan Guaido comme ‘président en charge’ du Venezuela pour enclencher un processus politique ». Le Parlement européen est même allé plus vite que la musique en votant jeudi à une large majorité un texte reconnaissant Guaido comme président par intérim.

En France, on assiste à un ralliement aussi honteux qu’opportuniste à cette nouvelle poussée de fièvre atlantiste. En témoigne l’éditorial de Patrick Saint-Paul dans Le Figaro du 28 janvier, peu avare d’une rhétorique sortie tout droit du XXe siècle : « nouvelle guerre froide », « le monde libre ne doit pas fléchir », « ce club de Pékin et Moscou »… De son côté, Christophe Castaner a perdu une occasion de se taire, saluant « le courage des Vénézuéliens qui marchent pour leur liberté », et ajoutant : « lorsqu’un pouvoir répond aux revendications de son peuple par des violences policières, c’est que vous êtes sur le chemin de la dictature ». Les 1800 blessés du mouvement des Gilets jaunes, dont les 152 blessures à la tête, les 17 personnes éborgnées et les 4 mains arrachées, ne sont sans doute pour le ministre de l’Intérieur que des scores dans un jeu vidéo…

Au Conseil de sécurité de l’ONU, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo n’a pas caché qu’à travers Caracas, les Anglo-Américains visent en réalité Beijing et Moscou. « Chaque nation [doit] choisir son camp, a-t-il lancé le 26 janvier. Plus de délai, on ne joue plus, soit vous soutenez les forces de la liberté, soit vous êtes complices de Maduro et de son chaos ». Vassily Nebenzia, l’ambassadeur russe aux Nations unies, a répondu en dénonçant une « tentative de coup d’État », tandis que son homologue chinois, Ma Zhaoxu, a souligné que « la Chine n’interfère pas dans les affaires internes des autres pays », ajoutant : « nous espérons que ceux qui accusent les autres en fassent autant ».

Le président Trump se trouve désormais au pied du mur. Soit il choisit de rester fidèle à ses engagements de campagne de ne plus fourvoyer les États-Unis dans des guerres sans fin, et de continuer dans la voie tracée tant bien que mal avec la question coréenne, les rencontres avec Poutine et le retrait des troupes de Syrie, soit il tombe dans le piège des néocons de sa propre administration et prend alors le risque d’entraîner le monde dans une situation incontrôlable.