Trump sort les États-Unis du Traité FNI : une situation « perdant-perdant »

mercredi 6 février 2019

Les États-Unis ont finalement mis leur menace à exécution en annonçant le 1er février leur sortie du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), signé en 1987 par Reagan et Gorbatchev, sous prétexte que la Russie en violait les dispositions.

Dans le contexte où les faucons de Washington et de Londres jettent de l’huile sur le feu, notamment au Venezuela, en faisant prévaloir l’arbitraire sur le droit international et en accroissant intentionnellement les tensions est-ouest, cette décision extrêmement dangereuse menace de plonger de nouveau le monde dans une grave crise stratégique.

Ouverture de la boîte de Pandore

Suspendant à son tour sa participation au traité (qui ne concernait que les États-Unis et la Russie), le gouvernement russe a fait part de ses inquiétudes, estimant que la situation stratégique mondiale, suite au retrait américain, est « globalement très alarmante ». Le président Poutine et le ministre russe des Affaires étrangères Sergey Lavrov ont fait savoir que la Russie ne souhaitait pas s’engager dans une course à l’armement, mais qu’elle répondra à Trump, dans les limites du budget de la Défense, par des « moyens technico-militaires ».

La semaine dernière, suite aux négociations infructueuses entre la sous-secrétaire d’État Andrea Thompson et le vice-ministre des Affaires étrangères Sergei Ryabkov, ce dernier a déploré le fait que les Américains font la sourde oreille à leurs demandes concernant les systèmes Aegis de défense anti-missiles déployés en Roumaine et bientôt en Pologne, et qui peuvent notamment être utilisés comme armes de première frappe. Lavrov a d’ailleurs rappelé que les États-Unis avaient eux-mêmes violé le traité FNI en 2014, en déployant ces systèmes.

Le traité était en sursis depuis longtemps, du fait précisément des déploiements des États-Unis et de l’OTAN en Europe de l’Est, ainsi que de la sortie par l’administration Bush du traité ABM (Anti-Ballistic Missile) sur la limitation des armes anti-missiles, en juin 2002. Face à cela, la Russie a dû mobiliser ses capacités scientifiques et technologiques afin de créer des armes capables de rendre obsolètes les boucliers anti-missiles. Vladimir Poutine a présenté ces armes, dont des missiles intercontinentaux hypersoniques et des missiles de croisière tirés par un moteur nucléaire et pouvant changer de trajectoire, lors de son discours sur l’état de l’Union le 1er mars 2018.

Mais par ce retrait, les États-Unis cherchent surtout à avoir la main libre face à la Chine, qui ne participe pas au traité. Selon un analyste du think tank Council on Foreign Relations de New York, saint des saints de l’oligarchie anglo-américaine, l’accroissement à un rythme soutenu ces dernières années des capacités nucléaires de la Chine est une préoccupation majeure des états-majors, y compris russe. Trump a notamment déclaré qu’il souhaitait transformer le traité en accord multilatéral.

De leur côté, les autorités chinoises ont estimé qu’en sortant du traité, les États-Unis « risquent d’ouvrir la boîte de Pandore », comme le dit l’éditorial de l’agence de presse officielle Xinhua. « La mise au rebut du traité pourrait bien sonner le glas du système global de contrôle des armes », écrit le Global Times, qui critique au passage l’idée de Trump d’inclure la Chine dans un traité multilatéral, n’y voyant qu’un prétexte pour Washington de mettre la pression sur Beijing.

Ainsi, en conséquence directe de la fin du traité FNI, des bases américaines de lancement de missiles à moyenne portée pourraient bien être installées dans les prochaines années en Asie-Pacifique, et notamment sur l’île de Guam, dans l’Océan Pacifique, ainsi qu’au Japon et aux Philippines. Ce qui n’est pas sans susciter l’inquiétude au Pays du Levant, qui se retrouverait en quelque sorte le rôle de l’Allemagne des années 1980, « de poste d’avant-garde du conflit entre les États-Unis et la Chine », comme le souligne le journal Asashi.

La porte de sortie : « la détente, l’entente et la coopération »

Le monde danse au bord du gouffre. La dérégulation financière, qui impose partout le court-termisme spéculatif et sa conséquence, l’austérité sociale, est en train d’accoucher d’un monstre : la dérégulation des armes nucléaires et le retour du spectre d’une guerre dont personne ne sortirait vainqueur. « Nous sommes sous la menace d’un monde sans loi », a mis en garde Jacques Cheminade, le 5 février sur RT France.

Cependant, la possibilité de sortir de ce piège par le haut existe bel et bien, et peut-être plus que jamais. Car un esprit de coopération, inspiré par la vision des Nouvelles Routes de la soie, souffle à travers le monde – en dépit des efforts incessant des scribouillards des médias occidentaux et autres diseurs de mauvaises aventures pour réduire ce projet à un impérialisme chinois bête et méchant.

La principale source d’instabilité et de tensions n’est pas à l’Est, mais à l’Ouest. Plusieurs hauts responsables de l’administration américaine, ainsi que certains services de renseignement, sont à pied d’œuvre pour saboter toutes les initiatives du président Trump allant dans le sens d’une détente internationale. On sait par exemple que John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale, joue un rôle contre-productif dans les pour-parlers avec la Corée du Nord, et qu’il a carrément interdit Trump d’entrer en dialogue avec le président vénézuélien Nicolas Maduro, comme ce dernier le proposait.

Des individus comme John Bolton, ou encore le vice-président Mike Pence, ainsi que toute personne jouant la musique de la géopolitique impérialiste anglo-américaine, devraient être écartés des postes de décision. De surcroît, ceci enverrait un signal clair et fort à la Russie et à la Chine en faveur d’une détente.

Et surtout, il faut pousser les quatre principales puissances que sont les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde à initier une nouvelle conférence de Bretton Woods, afin de court-circuiter les réseaux de pouvoir de Wall Street et de la City de Londres, et de tarir à la source la finance folle qui alimente la course à la confrontation. Une telle initiative permettra de réunir de nouveau les nations autour des buts communs de l’humanité – développement de l’Afrique, aménagement des océans (économie bleue), exploration spatiale, Nouvelles Routes de la soie, défense commune de la Terre contre les astéroïdes (Initiative de défense de la terre, ou IDT), etc. – et de réaliser la promesse gaulliste d’un monde « de détente, d’entente et de coopération ».