Y compris après son décès, Lyndon LaRouche agite l’Italie

lundi 25 mars 2019

Xi Jinping était à Rome les 22 et 23 mars, pour le début de sa seconde tournée européenne en six mois, après celle de décembre 2018 en Espagne et au Portugal. Pour n’importe quel observateur ayant l’œil aiguisé, il est évident que le président chinois apporte avec lui un vent nouveau sur notre vieux continent. Et ceux qui voudraient réduire ce phénomène à un impérialisme chinois cherchant à se substituer à l’impérialisme européen ou anglo-américain ne sont pas au bout de leurs peines, car le changement en cours dépasse de loin la Chine de Xi Jinping.

En signant samedi dernier un protocole d’entente (Memorandum of Understanding - MoU) pour son adhésion à l’Initiative de la ceinture et la route (ICR), l’Italie devient le premier pays du G7 à s’engager dans une participation active à la Nouvelle Route de la soie. Elle rejoint aussi treize autres pays européens (essentiellement des membres des PECO) ayant fait le pas, et les 125 pays du monde qui y participent déjà.

Le moment est d’autant plus pénible à vivre pour les tenants indécrottables de l’« ordre libéral démocratique » que le nom de l’économiste américain Lyndon LaRouche s’est subitement manifesté dans le contexte du débat public suscité en Italie à l’occasion de l’adhésion de cette dernière à l’ICR. Alors qu’ils croyaient s’en être enfin débarrassés lors de son décès le 12 février dernier, voilà que LaRouche est réapparu, telle la statue du Commandeur dans le Don Juan de Mozart !

Le 12 mars, l’ancien Premier ministre italien Giulio Tremonti, interrogé par le Corriere della Sera, a qualifié LaRouche de « visionnaire » des Nouvelles Routes de la soie : « l’ICR est un projet conçu dans les années 1980 par l’économiste Lyndon LaRouche, qui y voyait un moyen de sauver l’humanité », a-t-il affirmé.

Ajoutons que ces déclarations sont survenues quelques jours avant la conférence co-organisée à Milan par notre parti-frère Movisol et parrainée par la région de Lombardie, sur le thème « L’Italie et la Nouvelle Route de la soie », avec pour orateurs Helga-Zepp-LaRouche, la présidente internationale de l’Institut Schiller, et veuve de Lyndon LaRouche, et le professeur Michele Geraci, sous-secrétaire italien au ministère de l’Économie et artisan majeur de l’accord avec la Chine.

La contre-attaque n’a pas tardé à venir. La veille-même de la conférence de Movisol, le journaliste au nom évocateur de Luciano Capone a publié dans le quotidien milanais Il Foglio un article s’en prenant à Tremonti et à LaRouche, et ressortant contre ce dernier la panoplie habituelle de calomnies le faisant passer pour un conspirationniste ayant transité de la gauche à la droite, et adopté des positions extrémistes et antisémites. Dire que LaRouche est à l’auteur du projet de Xi Jinping est une véritable « fiction politique », estime Capone, qui se décrit lui-même comme un partisan d’ « un libre-échange effréné » et même parfois « sauvage ».

Tremonti a répondu le lendemain par une lettre à l’éditeur, confirmant ce qu’il avait dit de LaRouche, tout en précisant que la Chine a évidemment son propre projet. « Par ailleurs, j’ai toujours dit que LaRouche me semblait être insensé (« matto »), a-t-il ajouté ; mais parfois les idées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, s’appuient sur ce type de personnage ».

Il faut dire que ce n’est pas la première fois que Tremonti agit de la sorte, sans doute soumis à de fortes pressions politiques. En 2007, suite à sa rencontre publique avec l’économiste américain, il avait déjà tenu de tels propos ; ce qui ne l’avait pas empêché d’accorder, avant et après son entrevue avec LaRouche, des interviews à EIR (Executive Intelligence Review, le magazine hebdomadaire de l’organisation de LaRouche aux États-Unis) dans lesquelles il soutenait ses conceptions économiques.

L’ancien Premier ministre Giulio Tremonti (à gauche) et Lyndon LaRouche (2ème à droite) à Rome, en juin 2007.

Le 14 mars, au lendemain de la conférence de Movisol à Milan, le quotidien de la Conférence des évêques italiens, Avvenire, a publié à son tour un article contre LaRouche. Tout en prenant soin de ne pas s’en prendre directement à l’ICR, compte tenu des négociations en cours entre le Vatican et la Chine, l’auteur Pietro Saccò tente de discréditer Michele Geraci en titrant : « Main dans la main avec des théoriciens conspirationnistes, dans l’ère post-vérité ».

« On peut croire ou non les théories de LaRouche, écrit-il — il a aussi été condamné à 15 ans de prison pour extorsion de fonds — des idées que, dans cette période post-vérité, nous pourrions classer dans la catégorie des ‘faits alternatifs’. Mais entendre des arguments en faveur de l’accord entre l’Italie et la Chine dans un tel contexte fait peser le soupçon qu’il s’agit également de ‘faits alternatifs’. Helga Zepp-LaRouche, veuve du fondateur et aujourd’hui leader du mouvement, a expliqué hier que l’Italie ne doit pas craindre le caractère non démocratique de Pékin, car en réalité ‘la Chine est une méritocratie qui exalte la qualité de ses dirigeants. Elle fonctionne mieux que notre système de partis parce qu’elle place le bien commun au centre — 90% des Chinois approuvent leur gouvernement, contre 30% en Allemagne’ ».

Saccò mentionne ensuite la phrase de Geraci concernant l’agenda « Made in China 2025 » : « Quand le vent souffle, il y a ceux qui construisent des murs et ceux qui construisent des moulins à vents. Je préfère les moulins à vents ». Le journaliste conclut son article en écrivant amèrement : « je suppose que cette idée lui a également été inspirée par LaRouche ».

LaRouche et l’Italie

Quatre grands économistes de référence selon le quotidien italien Il Giornale (années 1980) : Colbert, Hamilton, Keynes et LaRouche.

En Italie, les idées de l’économiste américain Lyndon LaRouche rencontrent un vif intérêt depuis plus de 30 ans.

Dans le domaine culturel, on se rappellera la campagne menée à partir des années 1980 par l’Institut Schiller pour rétablir un diapason respectant la voix humaine (la 432), avec le soutien de grands noms du bel canto italien tels que Bergonzi, Cappuccilli ou Domingo. Après l’emprisonnement de LaRouche, 80 membres du Parlement italien appelleront à sa libération.

Bien plus tard, en 2007, il témoigne devant la commission de la Défense du Sénat italien pour expliquer le lien entre science, économie et guerre, et participe à des rencontres avec d’autres Parlementaires.

Il met en garde contre la crise financière imminente et appelle à un Nouveau Bretton Woods. Deux ans plus tard, il est invité à s’exprimer sur cette question devant la chambre des députés et amène la nécessité d’un Glass-Steagall (séparation stricte des banques).

Aujourd’hui, beaucoup en Italie admettent qu’il avait vu juste. Le 16 mars, Alessio Villarosa, député et sous-secrétaire du ministère de l’Économie et des Finances, vient d’ailleurs de réunir un comité pour remettre le Glass-Steagall sur la table…