2nd Forum de la Ceinture et la Route - Les va-t-en-guerre retiennent leur souffle

mardi 23 avril 2019

Belt and road "forum"

Il est des moments particulièrement difficiles à vivre pour l’oligarchie financière ; le second Forum de la Ceinture et la Route pour la coopération internationale (Belt and Road Forum, BRF), qui se tiendra à Beijing du 25 au 27 avril, est incontestablement de ceux-là. Car, par définition, toute initiative induisant une entente entre les nations et les êtres humains représente une menace pour l’oligarchie.

L’événement qui va débuter jeudi – avec pour thème : « Coopération de la Ceinture et la Route, façonner un futur meilleur et partagé » – sera une véritable ode au développement, à la coopération et à la paix mondiale. 37 chefs d’État et de gouvernement y participeront (soit 8 de plus que le premier forum, en mai 2017), 360 responsables de niveau gouvernemental, 100 dirigeants d’organisations internationales, pour 5000 participants au total. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, la directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde, s’y rendront, ainsi que des délégations de haut niveau de France, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Espagne, du Japon, de Corée du Sud et de l’Union européenne. Emmanuel Macron a décidé d’envoyer Jean-Yves Le Drian, tandis que la délégation allemande sera emmenée par le ministre de l’économie Peter Altmaier.

Les objectifs affichés du Forum sont : renforcer le multilatéralisme, enrichir les principes de coopération, bâtir un réseau de partenariats et établir un système solide de soutien au développement continu.

Pour Wang Yi, le conseiller d’État et ministre chinois des Affaires étrangères, le Forum sera un événement « d’importance historique » qui « insufflera un fort élan dans l’économie mondiale (…) et contribuera à bâtir une communauté pour un futur partagé de l’humanité ». La Chine compte en faire une vitrine de son modèle de développement économique, qui lui a permis de sortir 700 millions de Chinois de l’extrême pauvreté en trente ans ; elle compte ainsi «  partager les dividendes de sa croissance économique », comme l’a expliqué Wang.

Le projet du siècle

En Europe et aux États-Unis, les digues commencent à céder. En dépit des efforts de sabotage des bureaucrates de Bruxelles, et du climat antichinois entretenu par les médias, une quinzaine de pays ont rejoint l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la soie, les derniers en date étant l’Italie, le Luxembourg et la Suisse.

De l’autre côté de l’Atlantique, comme nous l’avons vu dans notre précédente chronique, l’ancien président Jimmy Carter – qui s’est récemment entretenu par téléphone avec Donald Trump — préconise de s’inspirer de la Chine en investissant dans les infrastructures les 3000 milliards de dollars actuellement consacrés par les États-Unis au militaire.

Dans la même veine, Geoffrey Garrett, le doyen de la Wharton School à l’Université de Pennsylvanie, a déclaré la semaine dernière lors du sommet Penn Wharton-Chine que « la Ceinture et la Route est un immense projet », et qu’ « il n’est pas exagéré de dire que cela pourrait devenir le projet du siècle ». Pour lui, les infrastructures constituent la pierre angulaire pour libérer les nations du sous-développement et de la pauvreté. « Le gouvernement chinois pense à 20 ou à 50 ans à l’avance – je pense que les États-Unis devraient suivre l’exemple chinois et penser différemment la façon dont ils financent le développement des infrastructures ».

Résurrection du Comité sur le danger actuel

Face à cette dynamique positive, sentant venir leur extinction, les dinosaures néoconservateurs redoublent d’efforts pour maintenir le monde dans l’état de division qui a prévalu ces dernières décennies. Une quarantaine de personnalités institutionnelles américaines appellent à la création d’un nouveau « Comité sur le danger actuel ». Il s’agirait du quatrième du genre. Le premier, créé en 1950 dans le contexte de la Guerre de Corée, avait eu pour objectif de pousser l’administration Truman à adopter une position anti-soviétique ; le second avait été créé en 1976 également contre l’URSS ; celui de 2004, de moindre importance, visait à combattre le terrorisme.

La quatrième incarnation désignerait cette fois-ci la Chine comme menace. Parmi les quarante, l’on retrouve Steve Bannon, l’ancien conseiller stratégique du président Trump, William Bennett, l’ancien « tsar » anti-drogue des années 1990, ainsi que James Woolsey, l’ancien directeur de la CIA de la même époque. Notons qu’un certain nombre d’entre eux furent impliqués dans la cabale contre l’économiste Lyndon LaRouche et son organisation dans les années 1980.

Pendant ce temps, l’administration Trump, sous l’emprise de faucons patentés comme John Bolton et Mike Pompeo, vient d’annoncer son intention de recourir à des sanctions contre toute nation – y compris les « alliés » des États-Unis – refusant de couper ses relations avec l’Iran, et a réaffirmé son intention de réduire à zéro les exportations de pétrole de la République islamique.

Il leur sera très difficile cependant de brider l’actuel élan en faveur d’un nouveau Paradigme de coopération, qui placera l’humanité au centre d’une véritable renaissance scientifique et culturelle. Seule une escalade militaire et un conflit pourrait y mettre un terme.

De son côté, la France a condamné la sortie des États-Unis de l’accord nucléaire avec l’Iran, et a mis sur pied un mécanisme de troc, certes symbolique pour l’instant, permettant aux pays qui le désirent de continuer à commercer avec l’Iran, sans subir les sanctions américaines. Notre gouvernement vient de s’engager aussi, avec l’UE et la Chine, à se battre en faveur du multilatéralisme et contre l’utilisation de la guerre commerciale pour obtenir des avantages sur ses ennemis.

Il en va de notre responsabilité de pousser ce gouvernement à mettre fin à toute forme de soumission envers nos « alliés » outre-Atlantique.

Pour recevoir trois fois par semaine cette chronique, je m’abonne au site S&P