Iran, Corée du Nord, Venezuela : le parti de la guerre s’enflamme

mardi 14 mai 2019

Le moment actuel est sans doute l’un des plus périlleux de l’histoire du monde. Plusieurs points de tensions, alimentés par les docteurs Folamour de l’administration américaine, risquent de dégénérer en escalade militaire : le Venezuela, la Corée du Nord et surtout l’Iran. Avec en toile de fond, bien sûr, la Russie et la Chine, que les néocons désignent comme les deux principales menaces contre la sécurité des États-Unis.

Au Venezuela, deux semaines après la tentative échouée de coup d’État lancée par le clan de Juan Guaido et par ses soutiens dans l’administration Trump, le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, l’un des plus chauds partisans d’un changement de régime à Caracas, a appelé à un élargissement des sanctions de manière à frapper également Cuba. De son côté, Guaido a appelé le US SOUTHCOM (commandement militaire Sud des États-Unis) à intervenir directement pour provoquer la chute du régime de Maduro.

En Corée du Nord, Kim Jong-un a conduit la semaine dernière une nouvelle série d’essais de lancement de missiles. Suite à cela, le président sud-coréen Moon Jae-in a fait remarquer que « Pyongyang semble vouloir montrer son mécontentement par rapport à l’échec du sommet entre le dirigeant Kim Jong-un et le président américain Donald Trump ». Le sommet, qui s’est déroulé à Hanoï les 27 et 28 février, fut en effet saboté par le même John Bolton, ainsi que par le secrétaire d’État Mike Pompeo.

La température monte dans le Golfe Persique

La situation au Moyen-Orient constitue aujourd’hui le point le plus chaud. Étranglé par les sanctions américaines sur les exportations de pétrole, et désormais de fer, d’acier, d’aluminium et de cuivre, l’Iran s’est vu contraint de sortir partiellement de l’accord sur le nucléaire ; un an après la sortie des États-Unis, la République islamique a annoncé son intention de reprendre la production d’eau lourde et d’uranium enrichi – sans toutefois préciser si le volume dépassera la limite fixée par l’accord –, tout en donnant aux Européens un ultimatum de deux mois pour trouver une solution par rapport aux exportations.

Les Iraniens avaient auparavant réagi à la décision de Washington de placer les Gardiens de la Révolution iranienne sur la liste des organisations terroristes, en désignant toutes les troupes militaires américaines se trouvant au Moyen-Orient comme des forces terroristes. Notons que, comme le fait remarquer le New York Times, ce sont bien Bolton et Pompeo qui ont poussé Trump à cela, contre les recommandations des hauts responsables du Pentagone et des services de renseignement.

Vendredi, le secrétaire américain à la Défense Patrick Shanahan a approuvé le déploiement d’un bâtiment amphibie de débarquement de troupes, le USS Arlington, ainsi qu’un système de missiles Patriot. Ce qui s’ajoute aux déploiements – annoncés par un John Bolton outrepassant son domaine de responsabilités – du groupe aéronaval du porte-avions Lincoln, qui navigue actuellement du Canal de Suez vers le détroit d’Ormuz, et des bombardiers stratégiques B-52 dans la zone du Golfe.

Aucun responsable américain n’a pu expliquer la véritable nature de la « menace » iranienne. Mike Pompeo, qui a carrément annulé sa visite officielle en Allemagne pour se rendre en Irak et mettre de l’huile sur le feu contre l’Iran, n’a évoqué rien d’autre que « des indications troublantes » sur une prétendue action militaire en préparation.

Écarter le facteur néocon

Le véritable enjeu est de savoir si les États-Unis tomberont ou non dans le fameux « piège de Thucydide » (quand une puissance déclinante entre en guerre contre une puissance émergente), dans lequel les intérêts de l’oligarchie financière de Wall Street et de Londres tentent de les entraîner.

Suite à l’effondrement du Russiagate, Trump a gagné quelques degrés de liberté, mais il ne s’est pas pour l’instant montré capable de les utiliser à bon escient. Car, s’il lui arrive sur certains sujets d’avoir de bonnes intuitions – comme sa volonté de rétablir de bonnes relations avec la Russie et la Chine – il manque absolument de vision et de stratégie ; de plus, il a fait trop de compromis avec le parti de la guerre – notamment en acceptant Pompeo et Bolton dans son administration.

C’est ainsi que, malgré le fiasco de la tentative de coup d’État du 1er mai au Venezuela, Bolton, dont l’incompétence a brutalement été mise en lumière, est toujours à son poste et poursuit son travail de sape de la paix mondiale. Cependant, face aux critiques s’accumulant contre le rôle négatif qu’il joue, Trump a dû publiquement affirmer qu’il maintenait Bolton au Conseil de sécurité nationale, tout en expliquant qu’il lui arrive fréquemment de le « contenir ». Le New York Times, qui rappelle que le faucon avait appelé, avant son entrée au gouvernement, à bombarder les capacités nucléaires iraniennes et nord-coréennes, cite le président américain : « En réalité, je dois tempérer Bolton, qui est par ailleurs plutôt étonnant. (...) John est très bon. Il a des vues tranchées sur beaucoup de choses, ce qui est ok », a-t-il expliqué le 9 mai.

Une telle situation ne sera pas tenable très longtemps. Soit Trump vire Bolton et Pompeo et place les relations avec la Russie et la Chine sur une trajectoire d’entente et de coopération, seul moyen de résoudre les divers points de crise, soit les néocons gardent la main, et alors le monde ira (pas si) lentement et sûrement vers un conflit général.

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