Le boomerang du Russiagate finit à Londres

mardi 28 mai 2019

Chronique stratégique du 28 mai 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Ça chauffe pour les créateurs de cette vaste chasse aux sorcières que l’on a (mal) nommé le « Russiagate ». Et tous ceux en Europe qui sont tentés d’accuser la Russie d’ingérence à des fins électorales, au mépris de la vérité – comme Macron ne s’en est pas privé pendant la campagne des Européennes –, seraient bien inspirés d’en tirer les conséquences.

Le 23 mai, Donald Trump a accordé au Procureur général William Barr l’autorité présidentielle pour déclassifier l’ensemble des documents concernant les activités de surveillance réalisées au cours de la campagne présidentielle de 2016, en demandant aux services de renseignement de coopérer pleinement et promptement. Le président américain a ainsi déclenché l’hystérie – une fois n’est pas coutume – parmi une élite à court d’arguments, à l’image du New York Times qui s’est lamenté du fait que le président mette en péril la sécurité des États-Unis.

Après trois ans de propagande éhontée, dans laquelle la communauté du renseignement a été instrumentalisée par l’administration Obama, le Parti démocrate et les services britanniques, afin d’agir contre un candidat à la présidentielle, puis contre un président élu, le processus se retourne contre leurs auteurs. Et, comme nous l’avons écrit ici à de nombreuses reprises, la mise en lumière du rôle de la Grande-Bretagne dans cette chasse aux sorcières contre Trump représente une étape cruciale pour libérer les États-Unis et le monde du cancer de l’impérialisme financier, et ouvrir la voie pour bâtir un nouvel ordre économique mondial.

Londres sur la défensive

À une semaine de la réception du président américain par la Reine et la Première ministre (qui quittera ses fonctions quelques jours plus tard), la tension est palpable au Royaume-Uni. Le 19 mai, probablement dans l’intention de déminer les révélations imminentes sur l’ingérence britannique dans les élections américaines, une série d’articles sont parus dans la presse britannique.

« Les chefs de l’espionnage britannique avaient été briefés à propos du dossier sur les liens entre Trump et la Russie, contenant des allégations sur le président et des prostituées, plusieurs mois avant qu’il en connaisse lui-même l’existence », titrait par exemple le Daily Mail. Les dirigeants de l’époque du MI5 et du MI6, Andrew Marker et Alex Younger, ainsi que le dirigeant du tout puissant Joint Intelligence Committee, feu Andrew Farr, étaient donc tous informés.

Le 22 mai, le député républicain de Californie, Devin Nunes, membre éminent du Comité de la Chambre sur le Renseignement, a adressé une lettre au président Trump avec une liste de sept questions à poser lors de sa visite au Royaume-Uni, portant sur l’implication du gouvernement britannique dans le dossier Steele (du nom de l’ « ex » agent du MI6 Christopher Steele) et son utilisation.

« Je suggère respectueusement que vous demandiez à la Première ministre Theresa May ce que le gouvernement britannique savait du dossier Steele et s’il a entrepris des actions unilatérales sur la base des renseignements fournis par Steele, ou à la demande de tel ou telle département ou agence américaine », écrit Nunes. Pour le député californien, les affirmations de la presse britannique évoquées ci-dessus « soulèvent des questions importantes sur le rôle potentiel qu’ont pu jouer des responsables du gouvernement pour répandre les fausses allégations du dossier ».

La machine de guerre anglo-américaine dans le viseur de l’enquête

La grande peur des élites britanniques est de voir le fil de la pelote du Russiagate être tiré jusqu’à exposer l’ensemble du complexe militaro-financier anglo-américain. Le célèbre reporter du New York Post, Paul Sperry, a publié une série de tweets en fin de semaine dernière, dans laquelle il affirme que John Durham, le procureur du Connecticut nommé par William Barr pour mener l’investigation, est en train d’enquêter sur une cellule de renseignement américaine mise en place par le chef de la CIA de l’époque Obama, John Brennan, et impliquant plusieurs agences.

Le dossier Steele a sans doute joué un rôle équivalent au dossier de renseignement mensonger concocté en 2003 par Tony Blair et le directeur du MI6 de l’époque, Sir Richard Dearlove, et qui avait entraîné les États-Unis et la Grande-Bretagne dans une guerre désastreuse en Irak, estime le reporter du New York Post. Dans un autre tweet, Sperry indique que l’enquête menée par Barr et Durham inclut les ambassades américaines à Londres et à Kiev, en Ukraine. Si Sperry dit vrai, cela signifie alors que l’attention de la Justice américaine se concentre sur le cœur de la machine de propagande lancée en 2013-2014 en Ukraine dans l’objectif de maintenir l’équipe Obama-Clinton au pouvoir tout en diabolisant Poutine et la Russie.

Pourquoi les Britanniques pouvaient-ils avoir intérêt à faire élire Hillary Clinton à la présidence américaine ? La raison se trouve dans l’état de délabrement du système de la mondialisation financière, centré sur la City et Wall Street. L’effondrement de sa crédibilité à la suite du krach de 2007-2008 a contribué à nourrir un sentiment de révolte parmi les populations des pays développés occidentaux – du vote Brexit en Grande-Bretagne aux Gilets jaunes en France, en passant par l’élection de la coalition Lega-M5S en Italie et de Trump aux États-Unis. En outre, la Chine, qui comprend de plus en plus la nécessité de créer une nouvelle forme de coopération internationale, promeut désormais depuis l’Initiative de la Ceinture et la Route (les Nouvelles Routes de la soie), que l’ordre néolibéral anglo-américain voit comme une menace directe à son existence.

Autant d’excellentes raisons pour nous de nous réjouir et de nous battre pour rétablir la vérité.

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