Beijing au zénith du dialogue des civilisations

vendredi 31 mai 2019

Chronique stratégique du 31 mai 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le fossé est plus grand que jamais, entre un monde occidental en pleine décrépitude et un monde asiatique élevé par l’esprit et la dynamique des Nouvelles Routes de la soie.

En Europe, au lendemain des élections, la médiocrité succède à la médiocrité. Notre continent est désormais le lieu de toutes les divisions : entre les populistes et les européistes, mais aussi les européistes eux-mêmes qui se déchirent autour de l’attribution des cinq postes clés de l’UE.

De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis semblent bien loin de l’héritage historique des John F. Kennedy, Franklin D. Roosevelt et Abraham Lincoln. Piégées dans la nasse de la géopolitique anglo-américaine et tributaires de l’État profond, les « élites » americaines sont conditionnées à voir les autres puissances comme des menaces qu’il faut à tout prix réduire.

Accusés d’avoir fait capoter tout accord commercial avec les États-Unis, les Chinois expriment désormais ouvertement leur profonde inquiétude, face aux propos belliqueux de Mike Pence, le vice-président américain, et de Mike Pompeo, le secrétaire d’État, et aux contradictions de Donald Trump. Hu Xijin, le rédacteur-en-chef du Global Times, quotidien proche du pouvoir, souligne le sentiment de confusion et d’injustice qui monte au sein de la population chinoise : « Quelle est la stratégie des États-Unis vis-à-vis de la Chine ? La question nous plonge dans la confusion », écrit-il. (nous y reviendrons dans la prochaine chronique)

Conférence de Beijing : « rendre le jardin des civilisations vibrant et coloré »

En réponse implicite au dogmatisme et à l’arrogance de l’Occident, la conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques s’est déroulée le 15 mai à Beijing, sous les auspices du président Xi Jinping, sur le thème « Échanges et entente mutuelle entre civilisations asiatiques, une communauté avec un futur partagé pour l’Asie ». Plus de 1500 personnes, en provenance de 47 pays différents, y ont participé.

La présidente internationale de l’Institut Schiller, notre amie Helga Zepp-LaRouche, qui était l’une des oratrices, a ouvert son discours en exposant l’enjeu de notre époque :

La caractéristique d’un tournant historique est que la majorité des gens ne se rendent pas compte de ce qui se passe. Seuls les visionnaires ayant une idée claire du potentiel positif de l’avenir sont capables d’intervenir aux moments-clé du processus, afin d’éviter des catastrophes potentielles, et d’ouvrir une nouvelle ère de l’humanité. Nous nous trouvons nous-mêmes dans une phase de changement : le vieil ordre mondial, tel qu’il a été érigé après la Seconde Guerre mondiale et surtout suite à la désintégration de l’Union soviétique, est en cours de dissolution ; mais le nouvel ordre mondial n’est pas encore établi.

Lors de son très beau discours d’ouverture, le président chinois a énuméré les nombreuses œuvres splendides que les civilisations orientales ont apporté au monde, tel que les Annales de Confucius, le Talmud, les Mille et Une Nuits, les Rig-Véda, le Dit du Genji ; des inventions comme l’écriture cunéiforme, les cartes géographiques, les nombres arabes, le papier et les techniques d’imprimerie ; et des structures grandioses comme la Grande muraille, la Grande mosquée de la Mecque, le Taj Mahal et Angkor Vat. « Autant de choses qui constituent des trésors incalculables pour la civilisation humaine », a dit Xi Jinping.

Aujourd’hui, l’Initiative de la Ceinture et la Route [ICR, ou Nouvelles Routes de la soie, NdlR], ensemble avec les Deux corridors et la Ceinture économique, l’Union économique eurasiatique et d’autres initiatives, ont contribué à étendre les échanges inter-civilisationnel et l’entente mutuelle. La coopération entre nations dans la science, la technologie, l’éducation, la culture, la santé et les échanges entre peuples fleurissent comme jamais.

(...) Nous devrions travailler ensemble et préserver conjointement la paix, qui est quelque chose de bien plus précieux que l’or. (…) Nous devons accroître la beauté de chaque civilisation et la diversité des civilisations dans le monde. Chaque civilisation est la cristallisation de la création humaine, et chacune est belle à sa façon. L’aspiration pour tout ce qui est beau est une recherche commune de l’humanité que rien ne peut empêcher. Les civilisations ne devraient pas s’opposer et s’affronter ; ce qu’il faut, ce sont des yeux pour voir la beauté de chaque civilisation. Nous devrions maintenir nos civilisations dynamiques et créer les conditions pour que les autres civilisations s’épanouissent. Ensemble, nous pouvons rendre le jardin des civilisations du monde vibrant et coloré. 

L’ennoblissement moral de l’humanité

Pour Helga Zepp-LaRouche, les fondements du nouvel ordre mondial devraient s’appuyer sur les cinq principes de coexistence pacifique qui avaient été énoncés lors des accords de Panchsheel en avril 1954, signés entre la Chine et l’Inde, et élargis ensuite aux dix principes adoptés en avril 1955 lors de la conférence de Bandung (la première conférence des États indépendants d’Asie et d’Afrique). Ces principes – de non-agression, de respect et de développement mutuels – ont constitué la base du Mouvement des pays non-alignés, à partir des années 1960.

Helga Zepp-LaRouche, presidente-fondatrice de l’Institut Schiller international.

L’idée d’un développement harmonieux entre les nations trouve des expressions communes dans les différentes cultures asiatiques, mais également occidentales. Mme Zepp-LaRouche a notamment évoqué les principes développés dans les textes védiques, les Upanishad, et dont l’importance est aussi bien religieuse que politique. Le concept de Ahimsa de la non-violence, par exemple, mentionné à plusieurs reprises par le président Xi Jinping, prône le respect de toutes les créatures, la renonciation à toute violence physique, verbale et spirituelle envers autrui.

Ainsi, le bien-être de toutes les personnes et de toutes les formes de vie sur la planète doit être l’objectif premier des relations entre nations comme entre les individus. « L’idée d’un développement harmonieux de tous comme base d’un ordre mondial pacifique est au cœur des cultures asiatiques, et se trouve en contradiction directe avec l’idée que les relations entre nations constituent un jeu à somme nulle », a affirmé Mme Zepp-LaRouche. C’est cette idée qui sous-tend la vision des Nouvelles Routes de la soie, et la conception d’une « coopération gagnant-gagnant » entre toutes les nations.

Il est évident que cette aspiration pour trouver ‘la bonne voie’ provient des anciennes traditions d’Asie, tel que le Confucianisme, le Bouddhisme ou le Jainisme, qui ont en commun un engagement à l’auto-développement culturel tout au long de la vie et l’ennoblissement moral de l’humanité, a-t-elle poursuivit. Bien que l’Occident ait partagé cette même aspiration lors de ses périodes classiques et de renaissance humaniste, l’idée d’une amélioration éthique de l’homme en tant que but dans la vie est presque diamétralement opposée au modèle libéral actuel, où toute priorité d’exigence morale ou toute supériorité d’une philosophie par rapport à une autre sont catégoriquement rejetées.

L’ironie est que les Chinois, entre autres, se sont inspirés des concepts développés en Occident sur l’éducation esthétique, que nous avons nous-mêmes oubliés. Mme Zepp-LaRouche a cité notamment l’exemple de Cai Yuanpei, le premier ministre de l’Éducation de la République provisoire de Chine.

Avant d’être nommé ministre par Sun Yat Sen en 1912, Cai avait voyagé en France et en Allemagne, et avait en particulier étudié les écrits esthétiques d’Alexander Gottlieb Baumgarten, Emmanuel Kant et Friedrich Schiller, ainsi que les idées sur l’éducation développées par Wilhelm von Humboldt. « Il réalisa très vite que les conceptions de Schiller sur l’éducation esthétique étaient très proches de la moralité confucéenne – le concept de Schiller de ‘belle âme’ correspond parfaitement à l’idée confucéenne du ‘junzi’ –, et que Schiller parlait de ces questions dans une plus grande clarté et d’un point de vue supérieur par rapport à tous les philosophes anciens ou contemporains », a expliqué Mme Zepp-LaRouche.

Pour Cai Yuanpei, le dialogue des cultures représentait le chemin à suivre afin de créer une grande communauté humaine se développant de façon harmonieuse et pacifique :

J’ai souvent pensé qu’une nation doit nécessairement absorber les cultures des autres peuples, disait-il. C’est comme le corps humain, qui ne peut pas grandir sans respirer l’air du monde extérieur, sans boire ni manger.

Vous venez de lire notre chronique stratégique « Le monde en devenir ». ABONNEZ-VOUS ICI pour la recevoir sans limitation. Vous aurez également accès à TOUS les dossiers de ce site (plus de 400 !)...