La crise financière et les Ides d’octobre

vendredi 21 juin 2019

Chronique stratégique du 21 juin 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Nous sommes dans la phase finale de l’effondrement du système financier et monétaire international. Les mesures engagées en 2008 n’ont permis que de gagner un répit, tout en créant les conditions d’un krach bien plus grave – un « tsunami financier » — , comme l’avait prévenu Jacques Cheminade en 2017.

Nef des fous

Les récentes annonces des banques centrales ne sont rien d’autre qu’un aveu de l’échec des mesures mises en œuvre depuis dix ans et de l’imminence du krach. Mardi 18 juin, Mario Draghi, le directeur de la Banque centrale européenne (BCE), a de nouveau lancé son « whatever it takes », la formule magique utilisée à l’été 2012 au milieu de la crise des dettes souveraines européennes, annonçant une baisse des taux directeurs et d’un nouveau plan de rachat des actifs financiers auprès des banques privées. De son côté, la Réserve fédérale américaine (Fed), n’a pas baissé ses taux mais a laissé entendre qu’elle pourrait le faire en juillet.

Ce signal de la BCE a immédiatement provoqué la baisse des taux d’intérêts des emprunts d’État français à 10 ans à un niveau négatif, pour la première fois de son histoire, ainsi qu’une hausse de 2 % de la bourse, démontrant, si besoin était, que les marchés ont perdu toute rationalité, sauf celle du junkie à qui l’on annonce une tournée générale d’héroïne gratuite.

Dans ce contexte, notre président, qui met en garde devant l’Organisation Internationale du Travail à Genève contre « le capitalisme devenu fou » qui menace de « conduire à la guerre et la désagrégation de nos démocraties », puis retourne en France pour poursuivre sa politique ultra-libérale de saccage social, doit sans doute souffrir d’un dérangement psychiatrique plus grave encore que la folie qu’il prétend dénoncer.

Un autre genre de folie s’est manifesté du côté du président américain – il est vrai, entraîné dans la surenchère électorale – qui a déclaré sans ciller : « le monde entier envie notre économie, qui est peut-être la meilleure économie de l’histoire de notre pays » ! Alors que l’économie outre-Atlantique vit entièrement à crédit (bulle des crédit étudiants, des prêts automobiles, des dettes des entreprises non-financières, etc.), comme le montre l’augmentation récente de 77 % du déficit budgétaire…

La triple courbe de LaRouche

Les plans de « sauvetage » des banques lancés en 2008-2009, suivis de l’ « assouplissement monétaire » (rebaptisé par nous « diarrhée monétaire »), n’ont fait qu’induire partout une logique d’endettement et d’opérations financières plus découplés que jamais de l’économie réelle.

M. Draghi s’applique, en bon Père fouettard, à sermonner les gouvernements sur les réformes austéritaires à mener afin de réduire les dettes publiques ; mais c’est bien lui qui, par sa politique, encourage à l’endettement !

Prises dans cette frénésie, les banques se sont mises à prêter de l’argent qu’elles n’avaient pas, au-delà de toutes limites. Et si les banques italiennes sont agitées comme des épouvantails par Mario Draghi et les autres sermonneurs de Bruxelles, c’est pour mieux faire oublier les autres. Citons par exemple les banques françaises, dont le niveau des effets de levier, c’est-à-dire le rapport entre la dette et les capitaux propres (ou multiple d’endettement), est parmi les plus élevés du monde, largement supérieur à la limite de 10 fixée pour définir des banques statistiquement viables.

Le total de l’endettement des quatre plus grosses banques françaises (BNP-Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE) s’élève à environ 7000 milliards d’euros (soit plus de trois fois le PIB français), tandis que leurs capitaux propres cumulés ne sont que de 115 milliards. En comparaison, l’endettement des huit plus grosses banques américaines représente 56 % du PIB des États-Unis. L’effet de levier global des quatre banques françaises est donc de 61. Pour rappel, Lehman Brothers a été déclarée en faillite avec un effet de levier de… 32 !

Ce processus correspond bien à la phase finale d’un processus décrit par la triple courbe de l’économiste américain Lyndon LaRouche, qui trace une fonction typique d’effondrement systémique. Dans cette phase, même l’ouverture des vannes monétaires – le « mur d’argent » – ne suffit plus à empêcher la contraction des bulles spéculatives composées par les agrégats financiers. Comme l’écrivait Jacques Cheminade dans son analyse du 2 mai, avec un endettement global de 225 000 milliards de dollars, soit plus de trois fois le PIB mondial, nous atteignons le point où l’insolvabilité globale du système mène à son effondrement inexorable (Voir la vidéo #1 La crise financière – Faut vraiment que vous compreniez).

Ides d’octobre

Bien que l’on ne puisse pas prédire le moment du krach, octobre apparaît comme le mois de tous les dangers. La fin de l’année fiscale américaine en a toujours fait un moment propice (1929, 1987, 2008). Toutefois, plusieurs facteurs vont contribuer à accroître l’instabilité et la fébrilité des marchés :

  • Le remplacement de Mario Draghi à la tête de la BCE, le 31 octobre ; l’un des favoris, le président de la Bundesbank et très orthodoxe Jens Weidmann, pourrait remettre en cause la politique de son prédécesseur.
  • La possible mise en œuvre des « mini-bots » italiens, des mini-bonds du Trésor destinés à réduire les dettes des organismes gouvernementaux auprès des fournisseurs privés, sans augmenter la dette publique.
  • Un potentiel « hard Brexit », avec l’arrivée probable de Boris Johnson à la tête du gouvernement britannique.

En son temps, Jules César ignora la prédiction des Ides de mars concernant son propre assassinat. À nous de ne pas commettre la même erreur et de nous battre pour mettre sur la table les solutions qui nous permettrons de nous protéger du krach et de rétablir un système de crédit digne de ce nom.

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