Bolton remercié : un nuage noir de moins au-dessus de la paix mondiale

mercredi 18 septembre 2019

Chronique stratégique du 17 septembre 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le 10 septembre, le président Trump a annoncé qu’il limogeait John Bolton, son conseiller à la sécurité nationale, disant qu’il était « fermement en désaccord avec nombre de ses suggestions, à l’instar d’autres membres de l’administration ».

Le départ de ce faucon pur et dur, responsable de l’échec d’un accord avec une Corée du Nord à laquelle il proposa de suivre le « modèle libyen », est une excellente nouvelle. Reste à savoir par qui il va être remplacé, et surtout si cela va se concrétiser par une détente internationale, en particulier entre les États-Unis, la Russie et la Chine.

Bolton voulait la guerre

« Je félicite Trump pour cette mesure nécessaire, a tweeté le sénateur républicain Rand Paul. Le président a un bon instinct pour la politique étrangère et pour en terminer avec nos guerres interminables. Il devrait être servi par ceux qui partagent ces conceptions ». Paul a ensuite affirmé devant des journalistes que désormais « les risques pour une guerre mondiale ont considérablement diminués ».

Pour le sénateur de l’État de Virginie Richard Black, c’est « un nuage noir qui a été retiré de la présidence Trump ». Black avait écrit en mai une lettre au président lui demandant de virer Bolton, pour avoir usurpé l’autorité de commandant en chef des armées en poussant à l’usage de la force militaire en vue de changements de régime. Suite à l’éviction, Black a publié un communiqué : « Personne ne posait une plus grande menace pour la paix mondiale que John Bolton. Il a œuvré inlassablement pour associer son nom à une guerre – n’importe laquelle – que ce soit en Syrie, en Iran ou au Venezuela ».

Pendant ce temps, les lécheurs de botte du complexe militaro-financier, côté démocrate comme républicain, ont déploré la décision de Trump. Le sénateur républicain Mitt Romney, par exemple, a affirmé que le départ de Bolton était « une perte extraordinaire pour notre nation », et qu’il en était « très malheureux ». Le sénateur Charles Schumer, leader de la minorité démocrate, a tweeté que l’éviction du conseiller à la sécurité nationale était « le dernier exemple de l’approche chaotique du gouvernement et de sa politique de sécurité nationale sans gouvernail ».

À Moscou, un optimisme mesuré

En Russie, un optimisme prudent prévaut sur les conséquences du départ de Bolton sur les relations russo-américaines et les questions stratégiques globales. Dmitry Trenin, directeur du Centre Carnegie de Moscou, cité par l’agence Tass, estime que « la révocation de Bolton pourrait faciliter les pourparlers sur la prolongation du traité New START [de réduction des armes stratégiques], ainsi que les contacts personnels entre le président Donald Trump et le président Vladimir Poutine ».

Dans un entretien avec Rossiyskaya Gazetta, journal publié par le gouvernement russe, le professeur à la Haute école d’Économie Fyodor Lukyanov explique : « la véritable passion de Bolton était sa haine envers tout accord visant à limiter ou réduire les armes nucléaires. Son influence avait accéléré la sortie des États-Unis du Traité sur les missiles antibalistiques (ABM) et du Traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire (FNI) ». Ainsi, pour le professeur, le départ de Bolton accroît les chances de prolonger le New START, qui expirera en 2021.

Le quotidien moscovite Vodomosti rapporte par ailleurs que les experts estiment que « l’éviction de Bolton va rendre la politique de Washington encore plus ‘Trump-centrique’, mais que cela ne résultera pas forcément en une dégradation importante du climat international. À la veille du lancement de sa campagne présidentielle, Donald Trump préférera une politique plus modérée ». Vladimir Frolov, expert en relations internationales, explique que « contrairement à Bolton, le président considère la pression diplomatique comme un moyen d’obtenir un compromis plutôt que comme un lever de rideau pour un conflit militaire ».

Détente ou conflit ?

Chose notable, l’éviction de John Bolton a été suivie quelques jours plus tard de la démission de trois de ses proches au sein de l’administration Trump, Sarah Tinsley, Christine Samuelian et Garrett Marquis. Rappelons que ce dernier s’était amèrement plaint lorsque l’Italie avait signé un protocole d’entente avec la Chine pour participer au projet « Une Ceinture, une Route ».

Cependant, Bolton n’était pas le seul faucon à avoir fait son nid dans l’administration Trump. Les Chinois en sont bien conscients, à l’image du professeur à l’Université des Affaires étrangères de Chine, Li Haidong, qui souligne dans un entretien au Global Times « l’influence destructrice » des « conservateurs extrémistes » au sein du gouvernement américain. « Pour ces conservateurs, il s’agit d’un jeu à somme nulle dans lequel il n’y a pas de place pour le compromis ».

Parmi ceux-ci, on peut compter le secrétaire d’État Mike Pompeo, que l’on a vu se précipiter pour accuser l’Iran quelques minutes à peine après les frappes du 14 septembre contre les sites pétroliers en Arabie Saoudite ; également le vice-président Mike Pence, ou encore les conseillers commerciaux Peter Navarro et Robert Lighthizer, deux idéologues anti-chinois qui poussent Trump dans la logique de guerre commerciale contre la Chine.

Reste aussi à savoir par qui Trump va remplacer Bolton. Parmi les candidats potentiel, on évoque Brian Hook, l’actuel envoyé spécial des États-Unis en Iran, mais aussi Stephen Biegun, l’actuel représentant spécial américain pour les négociations avec la Corée du Nord, ou encore le colonel à la retraite Douglas MacGregor, partisan comme Rand Paul d’en finir avec « les guerres sans fin ».


Interrogé sur Fox News dans le contexte de la crise iranienne en juin dernier par l’ami de Trump, le journaliste Tucker Carlson, MacGregor avait répondu :

« [Trump] n’a aucun intérêt à faire la guerre. Mais (...) il est entouré de gens du ministère de la Défense, de la chaîne de commandement, de sa propre équipe au Conseil national de sécurité et du département d’État, qui sont absolument déterminés à attaquer l’Iran.

Je pense que le Président comprend qu’une attaque contre l’Iran entraînerait une guerre totale. La notion de frappes limitée est absurde. Les Iraniens engageraient toutes leurs forces car leur économie est en ruine ; ils sont dos au mur. Il le sait bien. Il ne veut pas ça, et on devrait lui en être reconnaissant.

En même temps, je pense que le Président a commencé à comprendre que les guerres détruisent les présidences. La guerre a détruit LBJ [Lyndon B. Johnson]. La guerre a finit par détruire George W. Bush. Trump ne veut pas rejoindre le panthéon des présidents déchus après avoir mené des guerres contre lesquelles le peuple américain s’est retourné. »

CARLSON : « (...) Enfin, y a-t-il une bonne raison de maintenir ce niveau de sanctions contre l’Iran ? Est-ce qu’on en tire quelque chose ? »

MACGREGOR : « Eh bien, je pense que l’idée était de détruire l’économie iranienne et de mettre la nation à genoux. Ce n’est vraiment pas ce que nous devrions essayer de faire en ce moment.

Je pense que le président sent qu’il y a maintenant une opportunité pour la diplomatie, pour une nouvelle approche vis-à-vis de l’Iran qui pourrait désamorcer cet ensemble de conditions et produire un résultat positif.

Une guerre contre l’Iran ruinerait notre économie. Le monde entier apportera spontanément son soutien à l’Iran, qui apparaîtra comme une victime de ces frappes limitées. L’idée même de frappes limitées est une pure folie. Cela provoquera une guerre. Tout le monde — la Chine, la Russie, l’Inde, de nombreux États européens viendront en aide à l’Iran. (...)

Je pense que le Président l’a compris. Il a un bon instinct. Mais il doit se débarrasser des bellicistes. Il doit virer du Bureau oval ces génies qui veulent des frappes limitées. La dernière chose dont le programme American First a besoin, c’est d’une guerre stupide, inutile et inutile avec l’Iran, et il le sait, alors il doit agir en conséquence. »

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