Helga Zepp-LaRouche et Jacques Cheminade en Chine

samedi 19 octobre 2019, par Odile Mojon

Helga Zepp-LaRouche, fondatrice et présidente internationale de l’Institut Schiller, et Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès, ont participé au huitième Forum économique Euro-Asie, sur le thème « Co-construire la ceinture et la route : coopération à haut niveau et développement de haute qualité », qui s’est tenu du 10 au 17 septembre à Xi’an, capitale de la région de Shaanxi.

Accéder à la version intégrale des discours sur le site de l’Institut Schiller.

Une précieuse contribution au dialogue des civilisations

En tant que berceau historique de la Route de la soie, Xi’an (en mandarin, la « Paix de l’ouest ») était toute désignée pour accueillir cet événement bisannuel. Le Forum accueillit un public composé de représentants institutionnels, d’experts et de chercheurs.

Après la session plénière, les participants ont pris part aux conférences thématiques relatives à leur domaine d’expertise : finance, écologie, tourisme culturel, météorologie, géologie, architecture, science, technologie, éducation, etc. D’autres manifestations étaient organisées en lien avec ces sujets : expositions, visite d’usines ou rencontres. La portée de l’événement a été relayée auprès du public par la presse et les chaînes de télévision.

Aider l’Ouest à mieux comprendre l’Initiative une ceinture, une route (ICR)

Dans ce contexte, il est significatif que Mme Zepp-LaRouche, présidente et fondatrice de l’Institut Schiller, et Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès, tous deux connus pour leur compréhension des enjeux internationaux et du changement de paradigme associé aux Nouvelles Routes de la soie, aient été invités à s’exprimer dans le cadre de la « conférence des Think Tanks », dont le thème était la coopération eurasiatique.

Voici un bref aperçu de leurs interventions.

Mme LaRouche s’étant vu confier l’honneur de prononcer le discours d’ouverture, elle s’adressa au public du point de vue de l’étonnement que suscite l’intensité du « China bashing » et la suspicion plus ou moins généralisée des Occidentaux à l’égard de la Chine.

La difficulté des Chinois à comprendre la violence de ces réactions vient principalement de ce qu’ils ne peuvent s’imaginer combien, chez les Occidentaux, leur vision du monde est biaisée par les calculs géopolitiques et presque un demi-siècle d’un changement de paradigme qui a vu l’émergence de l’ultralibéralisme au début des années 1970. Le point de basculement fut 1971 et la fin du système de Bretton Woods, a rappelé Mme LaRouche.

C’est à ce moment-là que l’engrenage s’est mis en place, avec le développement d’un casino spéculatif dont le stade ultime est aujourd’hui atteint, ainsi que l’illustrent les taux d’intérêt négatifs pratiqués par les banques et les milliards de dollars déversés sur les marchés sans parvenir à stabiliser la situation.

Après la mort de Mao Zedong en 1976, la Chine aurait pu basculer dans la même direction que les Occidentaux, à un moment où la Bande des Quatre avait imposé une politique hostile à la technologie, mais elle opta finalement pour « une économie réelle dirigiste, basée sur l’innovation et financée par du crédit public ».

Ce modèle a de nombreux points communs avec les conceptions ayant assuré la réussite des pays occidentaux : celles du premier secrétaire au Trésor de la jeune République américaine, Alexander Hamilton, de l’économiste allemand Friedrich List ou encore, comme le mentionna Jacques Cheminade dans sa présentation, de l’école de la planification indicative française.

Bref, précisément le courant de pensée économique aujourd’hui rejeté par les écoles d’économie et les politiques occidentaux.

L’éducation esthétique

On ne peut comprendre le succès de l’ICR sans prendre en compte la dimension culturelle de la tradition confucéenne, vieille de 2500 ans. Là où la culture occidentale moderne accorde une importance prépondérante à l’individualisme, la vision confucéenne place le bien commun en premier et accorde une importance primordiale à l’éducation du caractère. Ce concept est pourtant bien présent dans la pensée occidentale.

Le philosophe et poète Friedrich Schiller allemand soulignait, en son temps, l’importance de l’éducation du caractère pour forger de belles âmes.

Contrairement aux dirigeants occidentaux, cet enjeu est parfaitement compris par le président Xi Jinping, comme en attestent ses échanges avec les professeurs de l’Académie des Beaux-Arts (CAFA), mais il faut aussi y voir l’influence de Cai Yuanpei, ministre de l’Education de la République provisoire de Chine et concepteur du système éducatif de la Chine moderne.

Ce grand pédagogue était venu étudier en Europe à partir de 1907. Son séjour à Leipzig, où il découvrit Schiller, et ses voyages en Allemagne et en France avaient également pour but d’étudier les meilleures systèmes d’éducation. Dans sa conception de l’éducation, Cai Yuanpei accorde une grande importance à la musique et à l’art, qui donnent le sens de l’harmonie et du beau, si important dans la culture chinoise.

Aujourd’hui, à la vision très confucéenne de cette « communauté d’avenir partagé de l’humanité » que propose Xi Jinping, rien ne semble répondre du côté occidental, alors qu’il s’agit pourtant d’une notion rejoignant celles du grand philosophe allemand Leibniz, un exemple emblématique, par ses recherches sur la pensée chinoise, du fait que les grands développements ont toujours eu lieu grâce à l’apport des autres cultures.

Prenant à son tour la parole, Jacques Cheminade entra dans le vif du sujet qui préoccupe la communauté internationale : la réalité qui est la nôtre, c’est-à-dire l’extrême urgence, face à un système financier mondial sur le point de s’effondrer, de se saisir de la seule alternative à la fois concrète et tournée vers l’avenir qu’est l’ICR.

Si le président Xi Jinping a clairement offert la participation de la Chine à un nouvel ordre économique gagnant-gagnant, les réponses du monde occidental ne sont pas à la hauteur de l’époque.

Certes, le président Macron a reconnu, lors de son discours aux ambassadeurs le 27 août, que le monde avait changé et qu’un nouvel esprit devait prévaloir dans les relations entre nations. Mais il faudra plus que des paroles pour être crédible. En particulier, comme l’a expliqué Jacques Cheminade, il faudra que « les pays européens comprennent que le XIIIe Plan chinois et la vision du Made in China 2025 sont dans notre intérêt commun ».

C’est un changement de vision qui est nécessaire, tant au niveau de l’Union européenne que de la France, afin de créer les conditions de « détente, d’entente et de coopération » que le général de Gaulle avait identifiées comme la clef de voûte d’une véritable politique étrangère française. Aujourd’hui, une coopération entre la Chine et la France est parfaitement légitime et peut se décliner au travers de nombreux projets concrets dans les domaines du nucléaire, de l’aéronautique, du spatial, de la santé ou encore des villes intelligentes et écologiques.

En conjuguant le meilleur de la Chine et du monde occidental, nous nous donnerons les moyens de nous libérer des conceptions impérialistes imposées au monde par la City de Londres et Wall Street.

Cela ne pourra se faire sans la Russie, l’Inde, la Chine et les Etats-Unis, qui doivent s’unir pour bâtir un nouveau système économique, le Nouveau Bretton Woods de Lyndon LaRouche, vers lequel les Nouvelles Routes de la soie ouvrent la voie.

La réalité du terrain

Le professeur Shi Ze.

Les chercheurs chinois ou d’autres pays de l’OCS donnèrent un sens plus palpable de cet extraordinaire projet en construction, permettant de mieux en comprendre certains aspects stratégiques.

C’est ainsi que le professeur Shi Ze, expert de la Russie, aborda la question cruciale des relations entre les deux puissances. Au-delà des liens d’amitié que Vladimir Poutine et Xi Jinping ont su tisser, l’étroite coopération entre les deux pays constitue un pilier essentiel pour la stabilité et les chances de paix dans le monde, au grand dam des néoconservateurs anglo-américains qui s’activent pour amadouer la Russie, après l’avoir diabolisée, et aboutir ainsi à isoler et affaiblir la Chine.

Parmi les défis auxquels la Chine est confrontée, celui des déséquilibres géographiques n’est pas le moindre. Peu d’ouvertures naturelles dans ce territoire immense qui se heurte à plusieurs verrous : les déserts et les chaînes montagneuses d’un côté, et sa dépendance envers le détroit de Malacca de l’autre. La politique de désenclavement des provinces de l’ouest n’est donc pas un vain mot et donne tout son sens au partenariat avec les pays adjacents.

Dans ce contexte, Zhang Xiaolei, directeur du Département des sciences et de la technologie du Xinjiang, donna une vision large et documentée des efforts faits dans cette région, de la coopération entre acteurs régionaux (Asie centrale, Russie, Kazakhstan, Mongolie, etc.) aux programmes de coopération internationale en science et technologie.

Il fut aussi beaucoup question d’environnement et de tourisme. En effet, dans la fièvre de construction du début de la politique de réforme et d’ouverture, la Chine s’est trouvée confrontée à de graves problèmes environnementaux. L’enjeu, reconnu, pris en compte, s’est déjà traduit par un engagement dans le domaine de l’énergie (nucléaire et renouvelables) et des villes nouvelles (projets avec la France, notamment).

Quant au tourisme, il témoigne de l’émergence d’une classe moyenne qui a maintenant suffisamment de moyens et de loisirs pour découvrir le monde (150 millions de touristes chinois dans le monde) et son propre pays.

Le Forum économique Euro-Asie est né de la volonté des Etats membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) de se doter d’un outil leur permettant d’établir à tous les niveaux, institutionnel et autres, les échanges les plus larges.

Fondée en 2001 à Shanghai, l’OCS est une organisation intergouvernementale régionale asiatique rassemblant, outre la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, l’Inde et le Pakistan.

Le premier Forum eut lieu en 2005 à Beijing. Depuis, il se tient tous les deux ans à Xi’an, berceau de la Route de la soie.

Accéder à la version intégrale des discours sur le site de l’Institut Schiller.