Impeachment contre Trump : les services secrets en guerre contre le président élu

mercredi 4 décembre 2019

Chronique stratégique du 4 décembre 2019 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Scott Ritter, l’ancien inspecteur de l’armement de l’ONU qui avait exposé le mensonge des armes de destruction massive de l’Irak avant que l’administration Bush-Cheney ne lance l’invasion en mars 2003, vient de publier un article très pointu sur la procédure de destitution contre le président Trump. Parlant d’une « politisation » et même d’une « arsenalisation » des services à l’encontre de la présidence, il met en lumière une véritable guerre des services de renseignement contre le Président légitimement élu par le peuple.

Dans un long article très documenté paru le 27 novembre sur le site ConsortiumNews, Scott Ritter présente un tableau précis du prétendu « lanceur d’alerte » – celui dont on ne prononce pas le nom – qui a déclenché la procédure d’impeachment contre le président des États-Unis en accusant ce dernier d’avoir exercé des pressions sur le nouveau président Zelensky lors d’un appel téléphonique le 25 juillet dernier, afin d’obtenir de lui une enquête sur le Démocrate Joe Biden.

L’ancien inspecteur de l’ONU commence par décrire la gravité de ces événements : « La plainte du lanceur d’alerte a mis en évidence la politisation de la communauté du renseignement, et l’arsenalisation des institutions de la sécurité nationale, contre un président en exercice », écrit-il.

Au cœur du réacteur anti-russe

Diplômé de l’Université de Yale en 2008, puis à Harvard, le lanceur d’alerte a été recruté au Centre d’analyse pour l’Europe (OREA) de la CIA. À cette époque, Dmitri Medvedev était le président de la Fédération de Russie, et l’administration Obama tentait d’exploiter les failles dans la relation entre Medvedev et Poutine. Le but était d’initier sa politique de « Reset », c’est-à-dire de réduire de nouveau la Russie à l’état de simple « puissance régionale », comme l’avait dit un jour Barack Obama.

La réélection de Poutine en 2012 a sapé ce projet. Le coup d’État organisé à Kiev en février 2014, par Victoria Nuland, responsable au département d’État américain de l’Europe et l’Eurasie, avec l’aide des groupes ultranationalistes et néo-nazis ukrainiens, a été fomenté pour créer les conditions d’un conflit entre les États-Unis et la Russie – conflit temporairement gelé par l’élection de Donald Trump en 2016.

C’est à l’époque où Trump lance sa campagne que le lanceur d’alerte a été intégré en juillet 2015 au sein du Conseil national de sécurité (NSC), à la Direction des affaires ukrainiennes, à un poste de niveau supérieur à son propre niveau. Il a été parrainé pour cela par le directeur de l’OSEA, Peter Clement, et par le directeur de la CIA, John Brennan.

Dans la période dite de « transition » – entre l’élection en novembre 2016 et l’inauguration en janvier 2017 – la conseillère à la sécurité nationale d’Obama, Susan Rice, pilote personnellement l’opération sur la « collusion » entre Trump et le Kremlin. « Le président avait, au cours de sa campagne, défendu ouvertement l’amélioration des relations entre les États-Unis et la Russie et avait même suggéré que l’annexion russe de la Crimée soit acceptée, écrit Scott Ritter. Cette posture représentait un anathème vis-à-vis de la politique qui avait été façonnée par le NSC en général, et par le lanceur d’alerte en particulier. D’après de nombreuses sources familières de ce dernier, cette animosité envers Trump était palpable ».

En décembre 2016, Susan Rice est impliquée dans la divulgation de plusieurs informations confidentielles concernant plusieurs membres de l’équipe de transition de Trump devant jouer un rôle dans les relations futures de l’administration Trump et la Russie. Suite à l’éviction du premier conseiller à la sécurité nationale de Trump, le général Michael Flynn, son remplaçant H. R. McMaster promeut le lanceur d’alerte, le nommant comme son assistant personnel.

Au-delà des limites

Au moment où il quitte la Maison-Blanche et retourne à la CIA, en juin 2017, le soupçon plane autour du lanceur d’alerte sur son implication dans les opérations de sabotage contre Trump. Malgré cela, il est de nouveau intégré au NSC en tant qu’officier adjoint du renseignement national sur la Russie et l’Eurasie, où il tisse des liens étroits avec le nouveau directeur du département Ukraine, le lieutenant-colonel Alexander Vindman. C’est depuis ce poste que, suite à l’appel du 25 juillet entre Trump et Zelensky, le lanceur d’alerte a entrepris de réunir toutes les informations concernant ce « qui pro quo ».

C’est là que le problème apparaît clairement : « Enquêter sur les actions du président des États-Unis et sur des responsables à l’extérieur de la communauté du renseignement, cette dernière prenant ses instructions auprès du président, ne faisait pas partie des responsabilités officielles du lanceur d’alerte », écrit Ritter.

Plus tard, lorsque la procédure de destitution a été lancée, Adam Schiff, le président de la Commission du renseignement de la Chambre, et Andrew Bakaj, l’avocat du lanceur d’alerte, ont refusé que ce dernier soit appelé à témoigner, plaidant le besoin de protéger son anonymat. Ritter fait remarquer que cette protection n’est pas comprise dans les statuts définissant les activités des lanceurs d’alerte de la communauté du renseignement.

En réalité, Schiff et Bakaj veulent éviter de voir le lanceur d’alerte répondre à un certain nombre de questions que ne manqueront pas de poser les élus républicains, et que Ritter énumère :

Pourquoi un officier adjoint du renseignement national enquêtait-il sur les activités d’un président en exercice ? Qui a autorisé cette intervention dans les affaires politiques intérieures américaines par un responsable de la CIA ? Comment le lanceur d’alerte, qui a un long pedigree documenté d’animosité envers l’administration Trump, y compris de forts soupçons concernant la fuite dans la presse de documents sensibles dans le but explicite d’attenter à la crédibilité du président, a-t-il pu être sélectionné comme officier adjoint du renseignement national ? Qui a validé cette affectation ? Quel a été le rôle précis du lanceur d’alerte dans la divulgation en 2016 des identités des citoyens américains impliqués dans l’équipe de transition de Trump ?

Stopper cette dérive

Le point crucial mis en lumière par cette affaire est l’intervention d’éléments de la communauté du renseignement dans les affaires politiques intérieures des États-Unis : « Le peuple américain devrait être profondément inquiet du fait qu’une procédure pouvant aboutir à l’éviction d’un président légitimement élu ait été initiée par un membre de la communauté du renseignement agissant hors du cadre de ses responsabilités. Le problème n’est pas la légitimité des questions soulevées par la Commission du renseignement de la Chambre, mais la légitimité du processus par lequel cette procédure a été initiée », écrit Ritter.

Le lanceur d’alerte doit donc, comme le demandent le président Trump et plusieurs élus républicains, être appelé à témoigner devant cette Commission et devant les autres commissions concernées.

La destitution est un moyen constitutionnel qui a été donné au Congrès afin de traiter des questions politiques concernant le comportement du président en exercice. Si ce moyen constitutionnel peut être déclenché par la communauté du renseignement d’une manière qui distord les lois interdisant l’intrusion des agences de renseignement dans les affaires politiques internes des États-Unis, et où les identités des personnes et organisations impliquées, ainsi que leurs intentions, sont cachées autant au peuple américain qu’à ceux qu’il a été élu pour les représenter au Congrès, alors un précédent aura été établi pour des interventions futures de cette nature qui saperont les fondements de la démocratie américaine.

L’arsenalisation politique du renseignement représente une grave menace à la viabilité de la république constitutionnelle américaine qui ne peut être ignorée, conclut Scott Ritter.

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