Pourquoi Londres veut supprimer Julian Assange

mardi 7 janvier 2020

Chronique stratégique du 7 janvier 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

« Je meurs lentement ici » , a dit Julian Assange à la journaliste Vaughan Smith, lors du seul appel qu’on a bien voulu lui accorder à la veille de noël, dans sa cellule de la prison de Belmarsh, au Sud-Est de Londres.

L’état physique et mental du fondateur de WikiLeaks, qui a été emprisonné le 11 avril 2019 après que l’Équateur l’a lâchement livré à la justice britannique, se dégrade de jour en jour. Depuis son incarcération, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer, a affirmé à plusieurs reprises que le journaliste australien présente tous les symptômes d’une « exposition prolongée à la torture psychologique ».

Smith, qui le connaît depuis des années, craint qu’il soit maintenu sous sédatifs, comme plusieurs de ceux qui ont pu le voir ces derniers mois. Toutes les demandes de médecins souhaitant examiner son état physique ont été rejetées et les autorités britanniques ont jusqu’à présent refusé de divulguer s’il avait reçu des psychotropes.

Alors que Belmarsh est une prison à sécurité maximale, normalement destinée aux condamnés « très dangereux », généralement des meurtriers et des terroristes, Assange a été enfermé pour infraction mineure de non-remise en liberté sous caution, en lien avec des poursuites que la justice suédoise a cessé en mai 2017 !

Coup monté

Dans une lettre publiée le 12 septembre 2019, Nils Melzer a mis en évidence le coup monté contre Assange à travers les poursuites pour viol par la justice suédoise. Ces manipulations ont joué un rôle crucial dans la vendetta menée depuis 2010 par les États-Unis et le Royaume-Uni contre le fondateur de WikiLeaks. En effet, bien qu’il n’ait jamais été inculpé, l’enquête suédoise a fourni le prétexte pseudo-judiciaire pour le persécuter.

C’est le soutien britannique à la demande de la Suède de l’extrader pour « répondre à des questions » qui a contraint Assange à demander l’asile politique à l’ambassade de l’Équateur à Londres en juin 2012. De plus, comme l’a montré The Guardian en février 2018, la justice suédoise, qui souhaitait clore l’affaire depuis 2013, a constamment subi les pressions britanniques.

Le prétexte des poursuites pour viol visait à détourner l’attention des véritables raisons pour lesquelles il était persécuté, c’est-à-dire la publication par WikiLeaks des documents révélant les crimes de guerre américains, les opérations de surveillance de masse et les intrigues diplomatiques mondiales.

Crimes passés et crimes futurs

Toutefois, plus que la divulgation des crimes passés des administrations Bush et Obama, l’acharnement contre Assange est davantage motivé par l’empêchement des crimes futurs dans lesquels le complexe militaro-financier anglo-américain veut entraîner la présidence Trump.

Car Julian Assange en sait trop sur le « Russiagate ». Rappelons que c’est WikiLeaks qui a publié le 22 juillet 2016 les courriels et documents du Comité national démocrate (DNC) révélant la tricherie interne fomentée contre le candidat de Bernie Sanders afin de favoriser la victoire d’Hillary Clinton.

Interviewé quelques semaines plus tard sur Fox News, Assange accusait Clinton d’être à l’origine de l’hystérie anti-russe, après que le DNC et des prétendus « experts en cybersécurité » ont affirmé que les fuites provenaient des services secrets russes – ce que le journaliste australien dément absolument.

Après avoir rencontré Assange à Londres en août 2017, le député américain Dana Rohrabacher, qui dirigeait à l’époque le Comité des Affaires étrangères de la Chambre, a tenté en vain d’obtenir une entrevue avec Donald Trump afin de lui apporter la preuve définitive du mensonge du Russiagate. Assange lui a en effet affirmé qu’il disposait d’ « éléments tangibles prouvant que ce ne sont pas les Russes qui ont donné ces informations », et qu’il aimerait les présenter dès qu’il serait « en mesure de quitter l’ambassade équatorienne sans être arrêté ». Dans une entrevue réalisée en juillet 2016, le fondateur de WikiLeaks avait d’ailleurs laissé entendre que Seth Rich, un employé du DNC assassiné le 10 juillet, était la source des courriels du DNC et qu’il avait été tué pour cette raison.

Dans la même période, William Binney, ancien directeur technique de la NSA, démontrait auprès du directeur de la CIA Mike Pompeo que les documents n’avaient techniquement pas pu être « hackés » mais qu’ils avaient été fuités par quelqu’un de l’intérieur du parti démocrate. Pompeo, qui est devenu ensuite secrétaire d’État, n’a pas donné suite à cela, contrairement à ses engagements.

Le « hacking russe » de l’élection présidentielle de 2016 est la prémisse de départ de la narrative du « Russiagate », lequel constitue le principal pilier de la propagande anti-russe ; sa réfutation porterait un coup fatal au climat de nouvelle guerre froide qui a été progressivement construit ces dernières années, en particulier depuis février 2014, lors du coup d’État fasciste à Kiev. De plus, cela jetterait une lumière crue sur les réseaux crapuleux de l’Empire britannique qui, autour de Sir Richard Dearlove, l’ancien chef du MI6, et de Tony Blair, ont provoqué des guerres sur la base de mensonges depuis près de vingt ans.

Autant de bonnes raisons pour faire disparaître Julian Assange, quitte à bafouer à la face du monde les lois les plus élémentaires en matière de droits de l’homme, de liberté de la presse et de justice internationale.

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