Le monstre du malthusianisme montre son visage

mardi 17 mars 2020

Chronique stratégique du 17 mars 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

L’arrogance et le fatalisme des élites européennes est directement en cause dans la progression spectaculaire du coronavirus sur notre continent. Fatalisme qui conduit à un malthusianisme que nous rejetons de toutes nos forces.

L’Europe est désormais devenue l’épicentre de la pandémie du Covid-19. Quand Emmanuel Macron parle de « la plus grave crise sanitaire qu’ait connue la France depuis un siècle », il n’évoque que la moitié du problème, puisque cette crise sanitaire se combine désormais avec une crise financière mondiale.

La possibilité d’en sortir par le haut existe, mais cela nécessite de se débarrasser des axiomes néolibéraux qui ont dominé notre société ces quatre dernières décennies, et qui ont induit une destruction systématique de nos systèmes de santé et de nos services publics en général. Ces axiomes doivent être remplacés par une politique économique guidée par la santé publique et par la valeur de la vie humaine.

Arrogance, fatalisme et malthusianisme

La crise du coronavirus met en lumière les conséquences criminelles de l’arrogance des élites. Car un temps précieux a été perdu entre la prise de conscience de la situation en Chine et les premières décisions prises par les gouvernements européens. En janvier, au milieu des commentaires racistes et cyniques des biens pensants vis-à-vis de la quarantaine à Wuhan, la ministre de la santé Agnès Buzyn assurait que le risque de propagation était « très faible » en France, tandis que son homologue d’outre-Rhin Jens Spahn affirmait que le virus ne viendrait pas en Allemagne.

Ce temps ayant été perdu, un fatalisme s’est installé face à la progression spectaculaire de l’épidémie en Italie, en France, en Allemagne, et dans les autres pays d’Europe, faisant dire à Macron et Merkel que 50 à 70% de la population allait être contaminée. Version extrême de ce fatalisme, la Grande-Bretagne, où Boris Johnson en vient même à miser sur la stratégie de « l’immunité collective », consistant à laisser 60% de la population contracter la maladie afin de rendre le « corps » de la population britannique immune à ce virus. Non seulement cette façon de penser revient à jouer à la roulette russe, comme le souligne très justement le journal Libération, mais elle est meurtrière ; car il n’est pas nécessaire d’avoir fait Polytechnique pour calculer, à partir du taux de létalité du coronavirus, les dizaines, voire les centaines, de milliers de morts qui résulteront de cette prétendue stratégie.

C’est bien le monstre du malthusianisme qui est en train de montrer son visage. Faute de s’être opposés à l’adoption de la politique de « flux tendus » imposée à nos hôpitaux ; faute aussi d’avoir rapidement construit, comme les Chinois l’ont fait à Wuhan, de nouvelles unités de soin intensifs, en préfabriqué ; les hôpitaux italiens – et désormais les hôpitaux français –, en manque cruel de lits dans les unités de réanimation et de soins intensifs, recourent désormais au triage entre les patients, sauvant les plus jeunes et laissant mourir les plus âgés.

Bien entendu, ce qui est en cause ici n’est pas le dévouement et le courage des personnels soignant, mais la mentalité comptable cynique qui domine la classe dirigeante. Pour exemple, le directeur des AP-HP Martin Hirsch, qui n’a fait que dire tout haut ce que beaucoup disent tout bas, a déclaré le 15 mars sur Franceinter : « Quand les réanimateurs jugeront que la réanimation n’a comme effet que de prolonger que de 8 jours (...) ils feront le rationnel de ne pas se lancer dans une réanimation dont la conclusion est déjà connue ».

Cette « rationalité », contre laquelle Jacques Cheminade avait mis en garde en 2007 en parlant du « fascisme financier qui vient », est la même qui avait conduit les médecins allemands, dans le régime nazi, à pratiquer systématiquement l’euthanasie vis-à-vis de toutes les personnes considérées comme des « bouches inutiles à nourrir » — c’est-à-dire les vieux, les handicapés et les non-aryens. Nous devons nous y opposer de toutes nos forces.

Dans son allocution du 12 mars, le président Macron a laissé entendre que le gouvernement fera tout pour sauver l’économie, « quoi qu’il en coûte ». De même, aux États-Unis, plusieurs voix s’élèvent autour du président Trump en faveur d’une intervention publique aux accents dirigistes et rooseveltiens. Cependant, sans mobilisation citoyenne, ces belles déclarations d’intentions finiront aux oubliettes de l’histoire – tout comme les mots prononcés par Nicolas Sarkozy, lors de la crise financière de 2008, contre les dérives du capitalisme financier.

A nous donc de définir ce que doit être un nouveau système de crédit public national et international, qui nous libère du casino financier et de la pensée darwinienne et malthusienne qui l’accompagne. La monnaie doit redevenir un instrument de service public dédié au bien commun, c’est-à-dire la santé, le travail émancipateur, l’éducation, de tous les citoyens.

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