La quarantaine pour les marchés et les banques centrales !

mercredi 18 mars 2020

Chronique stratégique du 18 mars 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Tels des moutons de Panurge, les banques centrales continuent d’injecter des montagnes de liquidités pour enrayer la chute des marchés financiers. En vain. Les recettes qui marchaient hier sont impuissantes aujourd’hui ; pire, elles ne font qu’aggraver le problème.

Comme lorsqu’un avion franchit le mur du son, nous traversons actuellement une phase de turbulences dans laquelle les lois et les paramètres habituellement en vigueur ne sont plus valables. On tourne à droite, l’avion part sur la gauche ; de même, on injecte des masses de liquidités, la bourse s’effondre…

Dans de nombreux pays en Occident, des actions drastiques ont désormais été prises pour lutter contre la propagation du Covid-19 ; la France, l’Espagne, la Belgique et Israël — et sans doute bientôt les États-Unis et l’Allemagne —, ont suivi l’Italie dans les mesures de confinement et d’arrêt de toutes les activités non-essentielles à la nation.

Cependant, les mesures révolutionnaires essentielles pour endiguer la progression de la pandémie et surtout mettre fin à la destruction des capacités productrices des nations occidentales des 50 dernières années, n’ont pas encore été mises en œuvre. Les dirigeants continuent de se laisser déterminer par les mouvements irrationnels des marchés et par les pompiers pyromanes que sont les banquiers centraux.

En plein dimanche après-midi, la Fed a fait un saut de plus dans l’hystérie hyper-inflationniste, en abaissant subitement ses taux directeurs à zéro, et en annonçant un renflouement quantitatif (QE) de 700 milliards de dollars en rachat de bons du Trésor et autres titres financiers toxiques (dont les titres adossés à des créances hypothécaires, les Mortgage Backed Securities, ou MBS). Une intervention qui fait suite à la baisse des taux du 3 mars. Le 12 mars, jour du discours du président Macron, la Fed a annoncé qu’elle allait injecter 1500 milliards supplémentaires pour la semaine, sous forme de prêts à échéance de un à trois mois, et s’est engagée à injecter 1000 milliards par semaine jusqu’au 13 avril.

Dans la foulée de sa baisse des taux, la Fed a fait savoir que les banques centrales des États-Unis, du Canada, du Japon, de l’Union européenne et de Suisse s’étaient coordonnées afin d’augmenter massivement les liquidités en dollars à travers des accords de swap en dollars. Comme dans la nouvelle d’Edgar Poe, Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume, les fous s’organisent pour prendre le contrôle de l’asile.

Rétablir l’État, mais pas à moitié

Nous nous trouvons donc dans un entre-deux qui deviendra très vite insoutenable. Pourtant, la prise de conscience de l’échec du modèle ultralibéral est spectaculaire. Le président Macron, lors de son allocution du 12 mars, a souligné que rien ne pourra jamais plus être comme avant, et qu’il nous faudra « interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé le monde depuis ces décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties ». Il a ajouté que cette pandémie révèle qu’« il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marchés », et que « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie ». Les mots sont forts.

Comme en Espagne et en Italie, le mot « nationalisation » n’est désormais plus un tabou en France. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, présentant les mesures d’aides pour les entreprises et les indépendants, a assuré que l’État était prêt à utiliser toutes les armes nécessaires, y compris la nationalisation de certaines entreprises. Le cas d’Air France-KLM est déjà sérieusement évoqué. Même Bruxelles doit mettre au placard ses dogmes néolibéraux et apporter son soutien à toutes les mesures d’accompagnement, y compris les éventuelles nationalisations, qui ne seront pas considérées comme des aides d’État, afin de respecter la doctrine européenne en matière de concurrence. L’UE a même fait savoir que, pour faire face à la crise du Coronavirus, elle réfléchissait à la suspension pure et simple des règles strictes du Pacte de stabilité et de croissance, et un haut fonctionnaire de l’Union a osé la comparaison suivante : « Même s’il s’agit d’histoires très différentes on sait maintenant que nous sommes dans une situation comparable à celle de 2008 »

Outre-Atlantique, le président Trump a réuni les dirigeants du secteur privé afin de fixer, sous l’autorité du gouvernement, les besoins urgents ; il envisage même d’invoquer le Defense Production Act de 1950 (la loi de l’économie de guerre) pour réquisitionner les matières premières nécessaires et contraindre les entreprises privées à produire des biens et des équipements indispensables.

Le retour des États sur le devant de la scène apparaît comme une évidence impérieuse face à la crise sanitaire ; mais il est absolument incompatible avec la folie qui domine les marchés financiers, et la politique d’injections monétaires des banques centrales qui, rappelons-le, n’a pas commencé avec le coronavirus. C’est pourquoi les déclarations d’intentions d’Emmanuel Macron et de son gouvernement doivent se traduire par une fermeture immédiate de la bourse, comme l’a exprimé Jacques Cheminade le 17 mars, la mise en quarantaine des banques centrales, la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires, et le retour de la banque de France sous contrôle de l’État.

Faute de quoi nous serons comme un avion Cessna qui aurait atteint le mur du son mais se désintégrerait en plein vol, faute des matériaux et de la technologie capables de supporter les nouvelles contraintes physiques…

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