Covid-19 : le volontarisme, c’est pour quand ?

lundi 6 avril 2020, par Christine Bierre

Une grave crise peut pousser une nation dans l’abîme ; elle peut aussi être l’occasion d’un sursaut. Si la pandémie de Coronavirus a poussé la Chine à se dépasser elle-même, pour les Occidentaux, au contraire, elle aura été un nouveau rappel, brutal et douloureux, de leur déclin économique et de leur impuissance à faire face à des crises graves. Cette pandémie pourrait-elle être le coup de pied de l’âne qui va les pousser à sortir de leur torpeur ? C’est toute la question. Après le désarroi initial, voici comment les pays occidentaux tentent timidement de rebondir face à la crise.

France

C’est seulement après un mois de confinement, et alors que les salles de réanimation de nos hôpitaux, débordés par le grand nombre de patients, risquent le naufrage, que la doctrine de lutte contre le coronavirus a bougé, même si beaucoup reste à faire : en une dizaine de jours, le port de masques ordinaires pour tous ceux qui ne sont pas contaminés, rejeté pendant de longues semaines comme inutile, a été finalement adopté, tout comme une politique de dépistage massif des populations et des solutions pour construire en France des respirateurs pour sauver les cas sévères de Covid-19.

En matière de masques, Olivier Veran, ministre de la Santé, a confirmé le 4 avril avoir commandé près de 2 milliards de masques à la Chine afin d’approvisionner toutes les personnes au contact avec les malades. Des masques ordinaires pour la population en général seront produits en France prochainement.

Pour ce qui est des tests qui avaient été jusqu’ici officiellement réservés aux personnes présentant tous les symptômes du Covid-19, ils seront étendus à une partie beaucoup plus importante de la population (20 000 par jour, puis 30 000 pour en finir à 100 000 par jour en juin). Ainsi, dans un tweet publié le vendredi 4 avril, Olivier Véran, assure que toutes les autorisations seront délivrées ce week-end pour permettre aux « laboratoires de ville, départementaux, vétérinaires, de recherche, de gendarmerie, de police » de pratiquer des tests de dépistage de Covid-19. Enfin !

Quant au nombre très limité de places disponible en réanimation dont disposait le pays, il a vite fondu face à la déferlante de malades de Covid-19. Si en remettant à plus tard des opérations chirurgicales non urgentes et en poussant les murs des bâtiments existants, la France est passée de 5 000 à environs 10 000 places, à la date d’aujourd’hui 6 800 sont déjà occupées.

Cette augmentation du nombre de lits en réanimation a été obtenue aussi grâce au déplacement de centaines de malades à travers le pays, dans des avions et des TGVs médicalisés, dans les hôpitaux ou les cliniques des régions où il y a encore des places libres et même à l’étranger. Est-ce vraiment la meilleure solution ? On a du mal à croire que le fait de trimballer des patients gravement malades soit une opération si anodine que nos responsables « Santé » le prétendent. Quid de la famille aussi, voyant un être cher partir à des centaines de kilomètres, sans bien savoir où il va et dans quelles conditions ?

Pourquoi ne pas opter pour des solutions bien plus pratiques qui ont été testées avec succès en Chine et que nous avons aussi la capacité de reproduire, telles que la construction rapide d’hôpitaux modulaires, équipés d’excellents appareils, qui pourront être démantelés une fois l’urgence passée ? L’hôpital militaire de campagne installé en Alsace, était une bonne option, bien que trop limitée. Pourquoi ne pas avoir fait appel à des entreprises françaises capables de produire des hôpitaux modulaires très vite et que le gouvernement n’a pas sollicitées ?

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Enfin, sur la question des respirateurs, le gouvernement a encouragé la formation d’un consortium de 4 sociétés, Air Liquide, Schneider Electric, PSA et Valeo, pour assurer la production de 10 000 respirateurs en 50 jours. Sous la pression de la crise, Air Liquide, seul producteur en France de respirateurs, était déjà passé d’une production de 100 respirateurs/an à 500.

A Milan, la victoire jusqu’au bout

Sur cette question d’hôpitaux de campagne, l’exemple nous vient d’Italie d’abord, où un hôpital flambant neuf vient d’être installé à Milan, avec une capacité totale de 500 lits, dont 250 en réanimation, avec des équipements haut de gamme : appareils de tomodensitométrie, rayons X, unités de pression négative, chambres de décontamination, etc. Le tout pour 21 millions d’euros, assurés par des donations privées ! « Nous ne voulions pas construire un Lazaret, où des gens viennent mourir », a déclaré Guido Bertolaso, le Monsieur Coronavirus de la région de Lombardie. « Tout au contraire : nous voulions aller jusqu’au bout, jusqu’à la dernière goutte de sang, de sueur et du travail consacré, pour gagner cette guerre dramatique ». Selon les médias italiens, le Ministre de la santé Roberto Speranza entends construire deux autres hôpitaux du même type, l’un dans le centre de l’Italie, l’autre, dans le sud. Les deux seraient transformés en centres hospitaliers permanents à la fin de la crise.

Un hôpital de campagne à Berlin

L’Allemagne, bien plus riche et prévoyante, n’est pas en reste. Une initiative annoncée la semaine dernière commence à prendre forme. De hauts responsables de la Santé publique ont visité le Hall 26 de la foire de Berlin, pour voir comment un centre hospitalier de soins intensifs pour 500 patients de coronavirus pourrait y voir le jour. L’hôpital H26 prendra en partie la forme d’un hôpital militaire de campagne et les forces armées y contribueront par des équipements de qualité et leur savoir faire. Les travaux pourraient commencer avant Pâques et seraient terminés fin avril ou début mai. Un autre centre hospitalier pour 500 patients de Covid-19 serait envisagé à Berlin même. Il pourrait être prêt à la mi-mai, date à laquelle l’Allemagne attend le pic de la pandémie.

Le Ministre de l’économie de la Rhénanie-Palatinat, Volker Wissing, a aussi mis sur pied, à l’image un peu de la France, une équipe dont l’objectif sera d’organiser la production de masse des masques, respirateurs et autres équipements des unités des soins intensifs qui font largement défaut là-bas aussi. L’équipe, qui se fait appeler « Entrepreneurs aident entrepreneurs », est chargée de coordonner la production entre les entreprises déjà existantes dans ces secteurs et d’autres qui ont manifesté leur désir d’y participer. Des entreprises d’impression 3D pourront notamment produire des composants, aux côtés d’entreprises plus traditionnelles.

Aux Etats-Unis, le temps de Rosie la Riveteuse [1] est de retour

La pandémie provoquera-t-elle un effet « Pearl Harbour », poussant les Etats-Unis a revenir vers son grand passé industriel ? Rien n’est exclu. Le 31 mars, l’usine General Motors de Warren (Michigan), qui, avec 3 autres, avait été fermée en octobre dernier, mettant à pied 4000 employés, a été réouverte pour produire non plus des équipements pour les automobiles…. mais des centaines de milliers de masques contre le coronavirus ! Selon un rapport paru le 31 mars dans Detroit Free Press, « plus de 40 ingénieurs, concepteurs, clients et manufacturiers de GM ont aidé à développer des machines et des matériaux, tels que des pièces métalliques pour le nez, des élastiques, et un filtre en matériel non-tissé pour faire les masques. Ils ont aussi établi un plan pour leur production. Le 20 mars, un espace d’environ 10 000 m2 a été dégagé pour accueillir les nouveaux outils de production, et en une semaine, les premiers produits sont sortis de la chaîne de production, alors que la conversion d’une usine pour faire un nouveau produit prend d’habitude 2 mois. Le 8 avril, la production devrait être de 20 000 masques par jour et atteindra rapidement une vitesse de croisière de 50 000 par jour ».

Royaume-uni

Dernier, mais pas des moindres, le NHS Nightingale Hospital. Ce nouvel hôpital bâti par le Royaume Uni en 9 jours seulement sur le site de l’Excel Center, un hall d’expositions de l’Est de Londres, a été présenté au public le 2 avril. 500 lits de soins intensifs y ont sont déjà installés, une capacité qui peut être portée à 4 000 lits. Il précède quatre autres établissements du même type annoncés pour les villes de Birmingham, Manchester, Harrogat et Bristol, représentant au total plus de 7 000 lits.

Il s’agit d’un vrai tournant pour ce pays, qui avait laissé son système national de santé, le NHS, dépérir depuis des années.

Nous le voyons : ici et là les Occidentaux se réveillent un peu ! Pourront-ils comprendre cependant que la véritable leçon du Covid-19 est que le temps est venu de mettre fin à l’économie casino, car la santé n’est que l’un des éléments d’une économie saine et productive ?


[1Le symbole de ces millions de femmes qui, aux Etats-Unis, ont travaillé dans l’industrie de l’armement lorsque leur mari était parti au front lors de la 2ème guerre mondiale.