La Chine, un bouc émissaire presque parfait

samedi 18 avril 2020

Chronique stratégique du 18 avril 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Les attaques contre la Chine prennent des proportions très dangereuses. D’autant plus que la forte propension des dirigeants occidentaux à chercher un bouc émissaire à l’extérieur est décuplée par leur mise en cause directe dans la crise sanitaire actuelle. Quelles que soient les fautes des autorités chinoises, rangeons les couteaux au vestiaire, et agissons dans un esprit de coopération internationale ; sans quoi non seulement nous ne viendrons pas à bout de cette terrible pandémie, mais tout cela finira en guerre.

Alors que la pandémie poursuit ses ravages aux quatre coins de la planète, les attaques contre la Chine s’amplifient et se généralisent dans l’ensemble des médias occidentaux, en opposition complète avec l’appel à un « cessez-le-feu universel » lancé par le Secrétaire général des Nations unies António Guterres. La nervosité est extrême, d’autant plus dans le contexte de la hausse folle des bourses et de l’effondrement du prix du pétrole.

Plus que jamais, il faut savoir garder la tête froide. Comme nous avons mis en garde : le « virus de la géopolitique » est plus grave encore que celui l’épidémie. Pire, les va-t-en-guerre exploitent la mauvaise conscience des dirigeants tels que Trump et Macron sur les négligences et les errements qui ont conduit au désastre sanitaire et économique actuel, pour les pousser à chercher des responsables ailleurs.

C’est la vieille stratégie du « diviser pour régner », modus operandi classique des empires, et en particulier de l’empire britannique, ou anglo-américain aujourd’hui, qui n’a pas dit son dernier mot.

Un air de déjà-vu

Vous avez aimé l’histoire du « yellow cake » en Irak, des armes chimiques en Syrie, ou encore de l’empoisonnement de Sergeï Skripal en Grande-Bretagne, en mars 2018 ? Et bien, vous aimerez sans doute l’histoire selon laquelle la Chine, et plus précisément le Parti communiste chinois, a laissé le Covid-19 sortir de ses laboratoires puis favorisé son expansion dans le monde, exploitant sans vergogne la situation pour consolider sa domination sur le monde !

Rappelons qu’aucune des accusations évoquées ci-dessus n’a jamais été prouvée, et que les sources utilisées se sont même souvent avérées plus que douteuses – on sait aujourd’hui, par exemple, que les fameux « Casques blancs », qui ont accusé le gouvernement syrien d’avoir utilisé des armes chimiques, sont une création des services secrets britanniques et comptent dans leurs rangs de nombreux membres affiliés à Al-Qaïda...

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L’on ne devrait donc pas s’étonner de retrouver les mêmes acteurs – les services de renseignement anglo-américains – à la manœuvre pour alimenter et diffuser ce nouveau scénario.

En effet, comme Christine Bierre l’a montré le 7 avril dans nos colonnes, c’est bien un rapport « secret » des renseignements américains, remis au président Trump fin mars et rendu public, qui a servi de source à l’accusation selon laquelle la Chine a sciemment minoré le nombre de morts à Wuhan.

Le 16 avril, dans le contexte du débat porté par plusieurs sénateurs républicains en faveur d’une loi faisant porter la responsabilité de la pandémie de Covid-19 sur la Chine, Fox News a affirmé que selon de « multiples sources » américaines, la pandémie de coronavirus actuelle aurait « probablement » pour origine un laboratoire de virologie à Wuhan. La veille de ces « révélations », le Washington Post – journal qui fut central dans la propagande du « Russiagate », et dont la proximité avec les renseignements est un pléonasme –, visiblement en coordination avec le Département d’État de Mike Pompeo a publié des câbles diplomatiques datant de janvier 2018 qui avaient été divulgués par le Département d’État et qui prétendaient que les mesures de sécurité étaient insuffisantes à l’Institut de Virologie de Wuhan.

Faire feu de tout bois

Tous les prétextes sont bons pour pousser à l’affrontement. Coupable d’avoir soutenu la Chine dans son combat contre l’épidémie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fait les frais de cette campagne, avec la suspension des financements américains (17 % du budget total) par le président Trump, pour « examiner le rôle de l’OMS dans la mauvaise gestion et la dissimulation de la propagation du coronavirus ». Son directeur général, l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, a lui-même fait l’objet depuis trois mois de menaces de mort et d’insultes racistes. Lors d’une conférence de presse le 9 avril, il a affirmé que celles-ci provenaient depuis le début de Taïwan, et que le gouvernement taïwanais n’avait jamais cherché à s’en dissocier. Les réseaux néoconservateurs américains ont pignon sur rue à Taïwan, et ils exploitent les contradictions de Trump qui, tout en reconnaissant le « Une seule Chine, deux systèmes », a apporté son soutien à la présidente Tsai Ing-wen et vendu pour 2 milliards de dollars d’armes à Taïwan.

Les médias internationaux ont également monté en épingle les attaques racistes contre des Africains vivant en Chine, soupçonnés d’avoir rapporté le Covid-19. Une vidéo montrant une agression au couteau a même circulé partout, avant qu’on s’aperçoive qu’elle avait en réalité été filmée dans le Bronx, à New York, devant un restaurant chinois, comme le rapporte 20minutes. Ironique, quand on sait qu’aux États-Unis, un homme noir sur mille meurt de violences policières...

On pourrait en rire, si la situation n’était pas si dangereuse. Car tous les éléments sont aujourd’hui réunis pour conduire vers une guerre. Et cette fois-ci, il ne s’agit pas de l’Irak ou de la Syrie, mais de la deuxième puissance économique mondiale.

En finir avec l’hypocrisie

Certes, comme elle l’a admis elle-même, la Chine a commis quelques erreurs dans sa gestion de la crise de Covid-19, au tout début. Mais est-ce la Chine qui a saigné à blanc notre hôpital public pendant dix ans, coupure budgétaire après coupure budgétaire ? Est-ce elle qui a supprimé nos stocks de masques chirurgicaux ? Est-ce la Chine qui a exigé qu’on maintienne à tout prix les élections municipales du 15 mars ?...

Aux yeux des élites atlantistes, le grand crime de la Chine est de promouvoir activement une coopération internationale, de vouloir construire des Nouvelles Routes de la soie, y compris sanitaires, dans un esprit « gagnant-gagnant ». Rappelons qu’à ce jour, la Chine a fourni de l’aide médicale et matérielle à 127 pays et 4 organisations internationales, et a envoyé 13 équipes médicales dans 11 pays.

La politique des néo-conservateurs anglo-américains et de leurs alliés dans le monde est l’anti-thèse de cet esprit de coopération. « Pour eux, l’univers politique est un champ de bataille sur lequel s’affrontent des ennemis, le vainqueur devant rafler toute la mise au détriment des vaincus, quel que soit le nombre de victimes causé par les hostilités, écrit Jacques Cheminade dans son texte Principes d’un combat pour la France et pour l’humanité.

L’Empire britannique, après bien d’autres, a fonctionné selon ce modèle : mondialisation financière, malthusianisme et géopolitique. Il fonctionne encore ainsi, non sous une forme territoriale mais en ayant muté hors sol, sous forme de la City de Londres, de Wall Street et de leurs paradis fiscaux, avec l’appui de l’armée américaine, des services de renseignement des Five Eyes et de leurs associés, mais en ayant conservé la même idéologie et le même mode d’action. C’est ce système auquel nous devons mettre fin pour lui substituer un ordre gagnant-gagnant, un projet de civilisation qui serait un ’Pont terrestre mondial’ dont les Nouvelles Routes de la soie sont l’ébauche.

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