Covid 19 : après le déni, l’amnésie volontaire ?

mardi 16 juin 2020

Chronique stratégique du 16 juin 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

En France, l’illusion voulant que l’épidémie soit derrière nous fait son effet ; les alertes de l’OMS sur la forte progression du virus dans l’hémisphère sud n’ont trouvé presque aucun écho.

Lors de son allocution dimanche soir, le président Macron savourait sa victoire en annonçant la mise au « vert » de la France tout entière et la fin du dé-confinement. A force de répétition pavlovienne, la com’ du gouvernement est parvenue, avec la complicité des médias, à créer l’illusion de la fin de la crise sanitaire, faisant oublier qu’il s’agit d’une pandémie mondiale. Que le nombre de contaminés reparte à la hausse dans trois départements du Grand Est, et que Mayotte et la Guyane restent en rouge, ne peut être qu’anecdotique...

L’épidémie monte en puissance

Pourtant, le virus n’a jamais autant progressé dans le monde, comme vient de l’affirmer l’Organisation mondiale de la santé, notamment dans les pays qui ont les systèmes sanitaires les moins développés. Le 12 juin, Mike Ryan, le directeur exécutif du programme d’urgence sanitaire de l’OMS, a déclaré que « nous faisons face à la montée en puissance de l’épidémie, en particulier dans l’hémisphère Sud ». Le virus est « hautement actif » en Amérique centrale et latine, a-t-il souligné. Au Mexique, selon le ministère de la Santé, la situation au 12 juin faisait état de 140 000 contaminations et de 16 500 morts. Au Brésil, second pays le plus touché de la planète après les États-Unis, on comptait 850 000 cas pour 42 700 morts, le 13 juin.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, a prévenu que le virus « risque d’être réintroduit en Europe », comme on le voit actuellement à Beijing, où de nouveaux cas sont apparus, semble-t-il d’un type viral venu de Norvège, plus virulent que celui de Wuhan.

La situation est également alarmante en Inde et au Bangladesh, deux des pays les plus peuplés d’Asie. Sur les 19 derniers jours, le nombre de cas en Inde a plus que doublé, passant de 145 000 à 320 000. La crise est aggravée par le fait que des millions de travailleurs migrants fuient les grandes villes, où le confinement les prive de travail, et emportent le virus dans les zones rurales.

Les hôpitaux indiens sont saturés. Manish Sisodia, le vice-ministre en chef de New Delhi, a prévenu que, compte tenu des taux de progression actuels de l’épidémie, il y aura plus d’un demi-million de contaminés dans la capitale indienne d’ici la fin juillet, ce qui nécessiterait 80 000 lits d’hôpitaux, alors que la mégalopole en compte actuellement moins de 10 000.

Au Bangladesh, l’épidémie est en pleine accélération. Samedi, un membre du cabinet du Premier ministre et un ancien ministre de la santé sont tous deux morts de la Covid. Associated Press rapporte que les principaux hôpitaux publics du pays sont débordés, et que de nombreux malades du virus se voient tout simplement refuser l’accès aux lits et respirateurs en unités de soins intensifs.

L’épidémie progresse également en Afrique, où l’OMS comptabilise 230 000 cas confirmés et 6000 morts. Le Nord du continent est particulièrement touché, en plus de l’Afrique du Sud. En Égypte, pays africain le plus peuplé, le ministère de la Santé a annoncé le 14 juin les chiffres les plus graves depuis les premiers cas détectés en février, avec 62 morts en une journée et 1677 nouveaux cas confirmés.

Une seconde vague aux États-Unis ?

Après des semaines d’euphorie boursière, sous l’effet des injections massives de morphine monétaire des banques centrales, le marché boursier s’est brutalement retourné. Le 10 juin, Wall Street a chuté de 5 %, entraînant derrière lui les bourses européennes. Les marchés se réveillent avec la gueule de bois face à une crise sanitaire qui menace de devenir hors de contrôle aux États-Unis, où la barre des 2 millions de contaminés vient d’être franchie, avec plus de 117 000 morts.

Plus d’un mois après les premières mesures de déconfinement, l’épidémie continue de progresser dans 32 États américains. Le Washington Post rapportait le 10 juin que dans 9 de ces 32 États, le nombre d’hospitalisations est en hausse depuis le Memorial Day, le 25 mai, jour où George Floyd a été tué par un policier, déclenchant une vague de protestations dans plusieurs grandes villes.

La Floride, qui a débuté le processus de dé-confinement dès le 4 mai, a vu augmenter de 40 % le nombre de nouveaux cas au cours de la première semaine de juin ; depuis le Memorial Day, l’augmentation est de 40 % dans l’Utah et au Nouveau Mexique, et de 36 % au Texas. Dans l’Arizona, l’un des États ayant levé le plus tôt les mesures de confinement, le nombre de personnes placées sous respirateur a quadruplé, comme le rapporte le JDD.

Pris au piège de sa campagne électorale, Donald Trump a annoncé la reprise de ses meetings, qui se dérouleront dans les prochains jours dans certains des États où l’épidémie continue de s’étendre. Le 11 juin, la présidente du Comité national du Parti républicain a déclaré que la décision a été prise de ne pas tenir comme prévu la Convention républicaine – qui doit introniser Trump comme candidat – le 27 août à Charlotte, en Caroline du Nord, mais à Jacksonville, en Floride, afin de ne pas être contraint par les règles de distanciation sociale en vigueur à Charlotte. Comme le rapporte Le Monde, les participants se verront obligés de signer un engagement à ne pas engager de poursuites judiciaires contre l’équipe de campagne de Trump en cas de contamination !

Sortir du bocal

En France, on serait bien conseillé de ne pas faire la leçon aux Américains, tant le soupçon pèse sur la gestion désastreuse de la crise sanitaire par le gouvernement. Une étude, réalisée par trois chercheurs en économie de l’Université Clermont-Auvergne, vient de montrer que la tenue du premier tour des élections municipales, le 15 mars dernier, alors que la France passait au stade 3 de l’épidémie, a sans doute causé des milliers de morts, contrairement à la thèse communément acceptée depuis.

Et, bien que le second tour vienne d’être annulé en Guyane, en raison du passage lundi au stade 3 (sic), il est maintenu à Mayotte ; de plus, aucune mesure n’a été prise pour aider ces deux départements à combattre l’épidémie.

Cette crise est mondiale, et elle ne pourra être résolue qu’à ce niveau. C’est pourquoi il est urgent de sortir du bocal franco-français dans lequel nagent le gouvernement et ses courtisans, et de se battre pour qu’une coopération internationale soit engagée pour venir en aide aux pays touchés dans l’hémisphère sud, produire un vaccin, et, surtout, nous libérer de la matrice financière qui a fait de ce virus une pandémie.

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