Taïwan : les États-Unis veulent-ils de nouveau dépecer la Chine ?

lundi 21 septembre 2020

Chronique stratégique du 21 septembre 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Depuis un mois, entre la visite à Taïwan du ministre américain de la Santé Alex Azar, le 10 août, et celle du sous-secrétaire d’État américain Keith Krach, du 17 au 19 septembre, les États-Unis flirtent dangereusement avec la plus rouge des lignes rouges de Beijing : la politique « Un pays, deux systèmes ». Face à ces provocations claires, l’Armée populaire de libération (APL) multiplie les mises en garde et se prépare au pire.

Escalade

Comme l’ont souligné samedi Jacques Cheminade, Dennis Speed et Helga Zepp-LaRouche, lors du panel international de la journée citoyenne de rentrée de S&P, ce ne sont plus quelques minutes mais quelques secondes qui séparent le monde d’un minuit fatal, c’est-à-dire d’une catastrophe irréversible.

Pendant deux jours consécutifs, les 18 et 19 septembre, l’armée chinoise a déployé de larges contingents d’avions de chasse et de bombardiers dans le détroit de Taïwan, pour protester contre la présence sur l’île de Keith Krach. Cette venue du sous-secrétaire d’État américain, qui a été reçu par la présidente Tsai Ing-wen, est la première visite officielle d’un dirigeant américain d’un rang aussi élevé à Taïwan depuis que les États-Unis ont rompu leurs liens diplomatiques avec l’île, en accord avec la politique « Une seule Chine » voulue par Beijing, qui considère Taïwan comme une partie intégrale de la Chine continentale, tout en lui en accordant l’autonomie – autrement dit : « Une Chine, deux systèmes ».

Cette visite fait suite à un ensemble de provocations délibérées par certains éléments du gouvernement américain, représentés en particulier par le secrétaire d’État Mike Pompeo et par les milieux du Pentagone dont Donald Trump a lui-même souligné, lors de sa conférence de presse du 7 septembre, qu’ils « ne veulent rien d’autre que la guerre pour que ces belles entreprises produisant des bombes, des avions et le reste, soient heureuses ».

En effet, ces dernières semaines, les opérations de « liberté de navigation » par des groupes navals américains se sont faites de plus en plus fréquentes en mer de Chine méridionale, ainsi que les sanctions contre des dizaines d’entreprises chinoises – le tout étant surplombé par l’ambiance délétère entretenue par les accusations de Pompeo et Cie sur la responsabilité chinoise dans la création et l’extension de la pandémie de Covid-19.

Commentant les déploiements de l’APL, le porte-parole du ministère chinois de la Défense a déclaré :

 Il s’agit d’une initiative raisonnable et nécessaire dans la situation actuelle du détroit de Taïwan pour défendre la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale. Les États-Unis et le Parti démocrate progressiste (PDP) ont intensifié leur collusion, créant fréquemment des troubles. Taïwan est une affaire purement chinoise qui ne tolère aucune ingérence étrangère et ceux qui jouent avec le feu se brûleront.

Les élites chinoises perdent patience

De son côté, le quotidien chinois Global Times, qui porte la voix du pouvoir central chinois, ne fait pas de détour. Son rédacteur en chef Hu Xijing a publié le 19 septembre un éditorial dans lequel il explique que « Beijing est prêt à faire face à tous les scénarios », et que les déploiements de l’APL dans le détroit de Taïwan constituent le message le plus radical jamais adressé par le gouvernement chinois, de façon à signifier que les agissements actuels de Taïwan et des États-Unis vont mener à la guerre.

Je pense que [ces déploiements] représentent une répétition concrète d’une prise de contrôle de l’île par l’APL, écrit Hu. L’armée a clairement prévenu que la Chine continentale ne tolérera pas la collusion sournoise entre le gouvernement américain et les forces sécessionnistes de l’île. Cette collusion est devenue la cible prioritaire de [Beijing]. (…) Si cela continue, nous pensons que l’APL est déterminée à lancer des missiles de croisière et à envoyer des avions de combat vers l’île afin d’affirmer sa souveraineté.

Montrant que les élites chinoises perdent patience, Hu écrit : « Les habitants du continent estiment que les autorités de l’île doivent recevoir une leçon. Si les militaires taïwanais osent tirer les premiers contre les forces de l’APL, celle-ci lancera des frappes destructrices, faisant entrer la question de Taïwan dans une nouvelle phase ».

Côté américain, les va-t-en-guerre sont à la manœuvre. Le 19 septembre, le sénateur républicain Rick Scott a introduit au Sénat un projet de loi intitulé « Prévention d’une invasion de Taïwan », qui prévoit d’établir une « autorisation limitée pour le président d’utiliser la force militaire dans le but spécifique de sécuriser et protéger Taïwan contre une attaque armée ». Sur son site Internet, Scott écrit que « la Chine communiste continue de menacer notre important allié – une menace qui pèse non seulement sur le peuple de Taïwan mais également sur les États-Unis et ses alliés dans le monde. (…) Nous devons tout faire pour décourager la Chine communiste d’utiliser la force militaire contre une puissance démocratique pacifique, et la loi de prévention d’une invasion de Taïwan démontre notre engagement envers Taïwan et l’importance de la liberté et de la démocratie ».

Cette démarche du sénateur Scott et la visite de Keith Krach sont de toute évidence coordonnées avec Mike Pompeo. Le secrétaire d’État, qui nage en plein délire évangéliste de type « fin du monde », cherche en effet à construire le soutien politique pour sa croisade contre l’Iran, la Russie et la Chine, ainsi que contre tous les États refusant de respecter la règle du jeu du complexe militaro-financier de Wall Street et de la City de Londres.

D’où l’urgence d’un sommet Xi-Trump-Poutine, afin que l’on ne laisse pas les fous comme Pompeo avoir le dernier mot.

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