Pfizer, Moderna, etc. : vaccin ou fakenews ?

mercredi 18 novembre 2020, par Karel Vereycken

Photo par Bicanski de Pixnio
A ce jour, plus de la moitié des Français se montrent réticents à l’idée de se faire vacciner contre la Covid19. Et on peut les comprendre. Non pas que nous contestons le principe et l’importance cruciale des vaccinations lorsqu’elles sont pertinentes. Mais les effets de communication et les manœuvres dont elles sont l’objet posent réellement question.

Parlons plutôt de « candidat vaccin »

Une fois n’est pas coutume, nous avons pris notre plume pour demander à la « cellule investigation » de Radio France qu’elle somme les journalistes de ne plus parler de « vaccin » à tout va, mais de « candidat vaccin ». Faire autrement s’apparente à relayer de l’Infox, ces fameuses fakenews que le monde médiatique est normalement si prompt à dénoncer.

Car il s’agit d’un médicament, pas d’une nouvelle voiture ! Un médicament, avant sa mise sur le marché, doit obtenir l’approbation d’un Etat, qui, se chargeant de la « santé publique », se porte implicitement garant de son efficacité et de son innocuité relative.

Or, ayant livré les plus grands pans de notre recherche bio-médicale et pharmaceutique à une industrie privée de plus en plus cotée en bourse et financiarisée, force est de constater que c’est cet aspect purement financier qui prend le dessus dans la communication sur le sujet.

Pfizer, Moderna, et d’autres, qui ne sont qu’en phase 3 des tests (essais cliniques d’efficacité), annoncent des effets prometteurs. Leurs chiffres sont pourtant basés sur un nombre de cas assez réduits, et il y a fort à parier que cette communication soit avant tout destinée aux marchés financiers, afin qu’ils investissent encore plus dans ces entreprises. A cela s’ajoute que l’industrie pharmaceutique, en position de force, se sert de telles annonces pour essayer de tordre le bras aux agences et autorités sanitaires en charge de donner leur approbation ou non pour la mise sur le marché des nouveaux vaccins. Dans d’autres conditions, les « gendarmes des médicaments » se montreraient sans doute plus circonspects.

Les trois questions à se poser

Disons-le haut et fort : des progrès énormes sont en cours et il faut se battre pour qu’ils puissent devenir réellement utiles à l’humanité. Cependant, pour le bien de tous, plusieurs aspects de ces « candidats vaccins » exigent qu’on prenne le temps nécessaire de les examiner scientifiquement, loin de la pression des marchés, des ambitions politiques et commerciales et des rivalités géopolitiques.

Voici quelques raisons :

1- Candidat vaccin du futur ?

Dans le cas de Pfizer et Moderna, il s’agit de « candidat vaccins » d’un nouveau type dit à ADN et à ARN, des « vaccins du futur ». Leur principe ? Au lieu d’injecter un virus vivant dilué ou une partie non active de celui-ci, le concept consiste à introduire une petite partie du code génétique d’un virus, capable de « coder » les antigènes spécifiques produits par l’organisme lorsqu’il est attaqué. Une fois qu’elle est injectée dans le corps et absorbée par les cellules, les processus métaboliques normaux synthétisent des protéines spécifiques (antigènes) basées sur le code génétique du plasmide (ADN ou ARN) qu’elles ont absorbé.

Bien que la recherche travaille depuis longtemps sur ce type d’approche vaccinale, pour l’instant ils n’ont été utilisés que pour les saumons et les chiens, jamais pour l’homme. L’avantage des vaccins à ARN, c’est qu’il faut beaucoup moins de temps pour les produire. Leur principal inconvénient, outre les possibles effets secondaires à investiguer, c’est une fragilité telle qu’ils faut les conserver à très basses températures, à -80°C : leur utilisation implique une logistique cauchemardesque, surtout dans les pays tropicaux.

A l’opposé, s’il voit le jour, un des points forts du vaccin de Moderna, dont la stabilité est assurée pour six mois, réside dans sa conservation à -20 °C, soit la température d’un congélateur standard.

2- Quelle efficacité ?

Comme nous l’avons rapporté sur ce site le 23 août : la première des principales préoccupations est que les coronavirus ne tendent pas à déclencher une immunité de longue durée. C’est ce que soulignait le Pr Didier Raoult dès le début de la pandémie. Environ un quart des rhumes courants sont causés par des coronavirus humains, mais la réponse immunitaire s’estompe si rapidement que l’on peut être réinfecté l’année suivante.

Des chercheurs de l’université d’Oxford ont récemment analysé le sang de patients ayant le Covid-19 et ont constaté que le niveau d’anticorps avait fortement augmenté au cours du premier mois d’infection, avant de recommencer à baisser. À la mi-mai, des scientifiques de l’Université Rockefeller de New York ont également découvert que la plupart des personnes qui s’étaient remises de la Covid-19 sans avoir été hospitalisées produisaient peu d’anticorps contre le virus. « C’est ce qui est particulièrement difficile », déclare Stanley Perlman, chercheur émérite sur les coronavirus à l’université de l’Iowa. « Si l’infection naturelle ne vous donne pas autant d’immunité, sauf lorsqu’il s’agit d’une infection grave, que fera le vaccin ? Il pourrait être meilleur, mais nous ne le savons pas. » Si le vaccin ne protège que pendant quelques mois, le virus risque d’être parmi nous pendant pas mal de temps encore…

L’espoir reste alors les capacités, non pas de notre immunité adaptative, mais de notre système humanitaire innée, qui lui, garderait une forme de mémoire des attaquants.

Le 16 octobre, Science et Avenir rapporte que L’Institut Pasteur a identifié un mécanisme d’immunité innée dans l’organisme pour lutter contre le SARS-CoV-2. Il permet d’éviter que les cellules infectées ne se regroupent avant de mourir.

3- A quelle date ?

« Avec ce virus, on a eu pas mal de surprises, on attend les publications scientifiques des études » explique la biologiste Hela Ketatni suite à la publication des premiers résultats de la phase 3 des essais menés par Pfizer et BioNTech le 9 novembre. « Les chiffres publiés sont des données préliminaires et les résultats doivent être validés à long terme, souligne-t-elle. Il faut minimum trois mois en phase 3 pour voir la durée d’efficacité. Là les résultats sont communiqués à 28 jours, ils sont certes encourageants mais il faut vérifier l’innocuité du vaccin sur une durée plus longue, élargir le groupe des volontaires avec plus de personnes âgées et des personnes qui ont été contaminées par le Sars-CoV-2. »

Dangereuse précipitation

On est donc loin d’avoir démontré l’efficacité et l’innocuité des candidats vaccins postulant. Pourtant, la frénésie sanitaire semble bien enclenchée, à un moment où le pire qui pourrait arriver serait l’arrivée d’un vaccin inefficace, défaillant voire nocif !

Sans attendre, le samedi 14 novembre, le directeur de l’Agence européenne du médicament Guido Rasi a fait savoir dans le journal italien Il Sole 24 Ore qu’elle donnerait un avis favorable à un premier vaccin « d’ici la fin de l’année » en vue d’une distribution « à partir de janvier ».

En France, le ministre de la Santé Olivier Véran a déclaré lors de sa conférence de presse du 12 novembre que le gouvernement se préparait « pour débuter le plus tôt possible une campagne vaccinale ». Il a précisé avoir déjà acheté « 50 supercongélateurs (…) qui seront reliés à des alarmes, entreposés dans des endroits sécurisés » afin de stocker les vaccins à -80 °C (pour les vaccins à ARN messager). On ne peut cette fois pas lui reprocher son sens de l’anticipation (enfin ?). Mais cela fait froid dans le dos...