Irruption au Capitol : un prétexte pour imposer une dictature orwellienne ?

lundi 11 janvier 2021

Chronique stratégique du 11 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Suite à l’irruption d’un groupe de fanatiques « pro-Trump » au sein du Capitole le 6 janvier, les principaux réseaux sociaux liés aux GAFAM ont appliqué une censure à l’encontre de Donald Trump, c’est-à-dire un président en exercice – une décision sans précédent dans ce temple de la démocratie et de la liberté d’expression. Et si l’impulsion fascisante d’une fraction de la base trumpiste est une réalité, il est urgent de dénoncer et déjouer les projets du complexe militaro-financier, qui utilise cet incident pour accélérer la mise en place d’un système de surveillance globale.

Une « troisième force » en jeu ?

Les événements du 6 janvier au Capitole, à Washington, représentent sans conteste un point tournant historique. Ils mettent en évidence un grave danger de dérive vers un nouveau fascisme global – un « fascisme universel », comme l’avait prôné Michael Ledeen.

Quiconque a un sens du niveau de sécurité entourant des bâtiments institutionnels tels que le Capitole, au cœur même de la première puissance mondiale, ne peut être que circonspect : pourquoi les forces de sécurité étaient-elles, pour ainsi dire, inexistantes ? Comment une poignée de fanatiques ont-ils pu se promener librement dans les couloirs et les bureaux du Congrès pendant si longtemps ? Pourquoi n’ont-ils pas été immédiatement arrêtés ? Comment expliquer par exemple que Jake Angeli, l’homme aux cornes de bison, n’ait été arrêté que samedi, à la descente de l’avion qui le ramenait de Washington ?

Avant tout, il faut se demander : Cui bono ? Donald Trump avait-il intérêt à une telle intrusion du Capitole, au moment où la procédure de certification de l’élection présidentielle par le Congrès s’ouvrait, et que plusieurs élus comptaient s’opposer aux résultats de plusieurs États ? Le 6 janvier représentait pour le président américain et ses partisans l’ultime occasion de mettre en lumière, sous les yeux des deux chambres, de la population et de l’opinion mondiale, la réalité des irrégularités massives survenues lors de l’élection du 3 novembre.

Si Trump avait encouragé sciemment cette insurrection au Capitole, comme l’en accusent les Démocrates et l’ensemble des médias, il aurait aussi bien fait de se tirer une balle dans le pied...

« L’assaut sur le Capitole était manifestement planifié à l’avance (…) ; cela demandera du temps, mais nous finirons par savoir dans quel but », a déclaré sur RT l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Des enquêtes approfondies doivent en effet pouvoir déterminer quelles sont les responsabilités dans l’ensemble de la chaîne de commande, et s’il y a eu l’implication d’une « troisième force », comme le laissent supposer les nombreux témoignages de personnes qui se trouvaient sur place, concernant la présence de groupes d’ « hommes en noir » [1] qui ont joué le rôle d’agents provocateurs.

Cette notion de « troisième force » avait été évoquée la première fois par Nelson Mandela pour désigner ceux qui tentaient à l’époque de saboter les négociations entre son parti, l’ANC, et le gouvernement sud-africain. Elle est réapparue plusieurs fois par la suite, notamment à Kiev en 2014 dans le contexte de la « révolution de Maïdan », avec l’entrée en jeu des groupes paramilitaires néo-nazis ukrainiens, qui ont tiré depuis les toits autant sur les manifestants que sur les policiers, conduisant à la chute du gouvernement Ianoukovytch. Il n’est pas anodin d’ailleurs que Victoria Nuland – qui avait apporté des brioches aux manifestants de Maïdan et serré la main de Oleh Tyahnybok, le leader du parti d’extrême-droite Svoboda – vienne d’être nommée au poste de sous-secrétaire d’État dans la future administration Biden...

Sainte inquisition 2.0

Quoi que l’on pense de Donald Trump, les événements du 6 janvier sont révélateurs de la montée en puissance de l’État de surveillance – les GAFAM ne faisant aucun état d’âme à l’idée de violer les principes de base de la liberté d’expression. Le compte officiel Twitter du président américain a été suspendu pour un temps indéfini ; ceux de Facebook et d’Instagram suspendus au moins jusqu’au 20 janvier ; celui de YouTube est mis « sous surveillance » ; de même pour ses comptes Snapchat et Twitch ; enfin, son réseau social « Parler », qui connaît un énorme succès ces derniers mois, a été supprimé de Google Play Store.

Comme le souligne bien le lanceur d’alerte Edward Snowden, il s’agit d’un précédent dans l’histoire des États-Unis et du monde : « Facebook fait officiellement taire le président des États-Unis. On s’en souviendra comme d’un tournant dans la bataille pour le contrôle de la parole numérique », a-t-il prévenu.

En France, tout en prenant des airs de vierges effarouchées, on s’inquiète beaucoup de cette dérive : « Peu importe que l’on approuve ou que l’on condamne l’attitude de Trump. (…) Ce qui est important de relever, c’est que des entreprises privées, sans aucune légitimité démocratique, exercent de fait un pouvoir exorbitant de sélection des contenus visibles, écrit Olivier Babeau dans le JDD, dans une tribune intitulée « Mark Zuckerberg, maître du monde ». « Des plateformes comme Facebook et Twitter décident du vrai et du faux, du montrable et de l’obscène, du dicible et de l’interdit. Elles assument ainsi à la foi le rôle de législateur, de procureur et de juge ».

Plus direct, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a appelé à résister contre cette censure par des entreprises privées, dénonçant une tentative d’instaurer « un gouvernement mondial via le contrôle des réseaux sociaux ». Il s’agit d’ « un tribunal de censure, comme la Sainte Inquisition, cette fois-ci pour façonner l’opinion publique ».

Rappelons que l’inauguration de l’administration Biden, le 20 janvier, coïncidera avec le forum de Davos sur le « Great Reset » ; c’est l’occasion que l’oligarchie trônant à la tête du complexe militaro-financier espère saisir pour réaliser son fantasme de dictature monétaire malthusienne, imposée aux pays via des monnaies digitales contrôlées par les banques centrales. A n’en pas douter, l’intrusion du Capitole sera utilisée par cette oligarchie pour donner un coup d’accélérateur à ce processus, comme les attentats du 11 septembre avaient été utilisés comme prétexte par l’Administration Bush-Cheney de l’époque, afin de lancer une série de guerres meurtrières contre l’Afghanistan et des pays du Moyen-Orient.

Cependant, en censurant ainsi sans vergogne le président des États-Unis, une boîte de Pandore a été ouverte, et il n’est pas dit que l’oligarchie puisse en tirer tous les bénéfices qu’elle voudrait. Si le camp de Trump a pu être déstabilisé par la violence de l’attaque venant de ce qu’il nomme le « Deep State », difficile de croire que ses 75 millions d’électeurs renonceront à leur action, surtout dans un contexte de crise économique aggravé par les conséquences de la pandémie.

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[1Autant les « antifa » américains se vantent de se déguiser en trumpistes, autant les milices trumpistes telles que les Proud Boys se vantent de se déguiser en antifa. A force, on a bien du mal à savoir qui n’a pas sa carte au FBI...