Ce que révèle « l’exécution numérique » de Trump

jeudi 14 janvier 2021

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Chronique stratégique du 14 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le monde entier est sous le choc de la censure sans précédent du président américain Donald Trump, imposée par les GAFAM suite à l’intrusion au Capitole à Washington, D.C. le 6 janvier — intrusion qui fut selon toute probabilité l’œuvre d’une « troisième force » cherchant à précipiter les États-Unis dans une guerre civile, et donc à les affaiblir face au « Grand Reset » que cherche à imposer une oligarchie financière aux abois.

En tout cas, pour ceux qui croyaient encore que la Silicon Valley incarnait les valeurs libérales, libertariennes et démocratiques de la « mondialisation heureuse », la douche est glaciale ! Certains n’hésitent plus à comparer ce « coup d’État silencieux » et la chasse aux sorcières lancée par les Démocrates à l’incendie du Reichstag de 1933, attribué aux communistes mais en réalité organisé puis utilisé par les Nazis pour justifier leur dictature.

La statue de la Liberté est verte de colère, a lancé mercredi le président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador. On ne peut pas permettre, je le répète, qu’une entreprise privée s’érige en institution mondiale de censure, comme la Sainte Inquisition de notre époque, sur les médias sociaux. Cela ne peut pas être accepté, cela ne peut pas être permis, car cela va à l’encontre de la liberté...

La chancelière allemande Angela Merkel, qui était restée silencieuse en 2015 lors des révélations de Wikileaks sur le fait que son portable personnel était sous écoute de la NSA, a elle-même dénoncé la décision de Twitter et de Facebook de censurer le président américain, y voyant une violation « problématique » du « droit fondamental de la liberté d’expression ».

En France, l’inquiétude est palpable : « L’oligarchie digitale est une des menaces qui pèsent sur les États et sur les démocraties, a déclaré pour sa part le ministre français de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, lundi 11 janvier sur France inter. La réglementation de l’arène numérique est l’affaire du peuple souverain, des gouvernements et de la justice ». Des paroles courageuses, mais qui appellent à des actes pour combattre se qui se trouve derrière cette main mise des GAFAM, c’est-à-dire le complexe militaro-financier anglo-américain auquel l’on se soumet depuis quarante ans. Il en aura fallu du temps pour se rendre compte que si les États lèguent toutes leurs fonctions à des entreprises privés, les premiers cesseront d’exister...

Exécution digitale

Comme le constate le quotidien chinois Global Times, nous assistons à une véritable « exécution digitale » du président américain et de ses partisans, un fait sans précédent. Lundi, le milliardaire Mark Zuckerberg a annoncé que Facebook et Instagram allaient bannir toute publication incluant les mots « Stop The Steal » (« Stoppons le vol »), en référence au slogan dénonçant la fraude électorale et au groupuscule extrémiste qui l’avait choisi pour nom. Twitter, qui a été le premier a censurer Donald Trump, a supprimé les comptes de 70 000 personnes associées à la mouvance caricaturale Qanon (pour qui Trump serait persécuté par une élite satanique pédophile).

Par ailleurs, Twitter ne s’est pas gêné pour dénoncer la suspension de l’accès aux réseaux sociaux et aux services de messagerie en Ouganda, appliquée par le gouvernement deux jours avant l’élection présidentielle, qui selon le réseau social américain violerait « les droits humains fondamentaux et les principes de l’#OpenInternet ». Évidemment, quand un État souverain pratique la censure, c’est une violation des droits de l’homme, mais quand ce sont les médias de la Silicon Valley qui le font, c’est parfaitement légitime. Hypocrisie, mon amour...

Au Congrès, en parallèle d’une procédure de destitution dont l’objectif est cette fois-ci l’exécution politique de Donald Trump, les Démocrates tentent de faire adopter une loi visant à rendre inéligible tout élu remettant en cause le résultat des élections, sous peine qu’il s’agirait d’un « appel à l’insurrection ». Ce processus, s’il aboutit, risque fortement de transformer Trump en martyre et viendra souffler encore davantage sur les braises de la révolte populaire contre les élites.

Selon le récit d’un sympathisant de l’organisation LaRouche (TLO), qui reste à confirmer, un commentateur de CNN aurait même déclaré, après avoir présenté toutes les actions contre Trump, qu’ils « allaient faire disparaître Trump de la même façon qu’ils l’avaient fait avec Lyndon LaRouche (1922-2019) en le mettant hors la loi ».

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Les députés et sénateurs républicains, tels que John Hawley et Ted Cruz, qui avaient affiché leur volonté de s’opposer aux résultats entachés d’irrégularités de certains États lors de la séance de certification du Congrès le 6 janvier, sont ciblés par des campagnes de diabolisation et poussés à la démission. Plusieurs multinationales et banques liées à Wall Street, dont Citibank, Amazon, Airbnb, Mastercard, etc, ont appelé à cesser de financer ces élus, leur demandant même de rembourser leurs précédents dons. Prétendant que Trump n’est plus « une marque » qui leur rapporte, ils se lancent dans le « debranding » (débranchement).

Incendie du Reichstag

Pour l’économiste italo-américain Luigi Zingales, de l’Université de Chicago, que le magazine néoconservateur Foreign Policy classait en 2012 parmi les 100 penseurs les plus influents, la censure de Trump constitue un « coup d’État silencieux » des médias sociaux contre la présidence américaine. « Les actions séditieuses du président Donald Trump exposent le pouvoir politique dont jouissent Twitter, Amazon, Google, Apple et Facebook, écrit-il dans un article sur ProMarket.org, un site Internet lié au Stigler Center de l’Université de Chicago. « Le bannir de leurs plate-formes crée un dangereux précédent. Toutes les involutions autoritaires ont besoin d’un prétexte. La Turquie d’Erdogan a utilisé la tentative de coup d’État de 2016, Mussolini la tentative d’assassinat par un étudiant de 15 ans en 1926, Hitler l’incendie du Reichstag. Dans certains cas, les prétextes sont clairement fabriqués, comme dans le cas d’Hitler, et dans d’autres ils sont authentiques, comme la tentative d’assassinat de Mussolini ; mais dans tous ces cas, la réaction émotionnelle est instrumentalisée pour justifier quelque chose qui, au moins à long terme, est bien pire ».

Abondant dans le même sens, l’ancien responsable du Département d’État américain James Jatras estime que « l’illusion de la ’démocratie’, de la Constitution et de l’État de droit s’est évaporée ». Les événements du 6 janvier au Capitole et la réponse qui y est faite sont selon lui « l’équivalent fonctionnel » de l’incendie du Reichstag en 1933 – organisé par les Nazis pour mettre en place la dictature. « Après le 20 janvier [date de l’investiture de Joe Biden], nous assisterons à un florilège d’actions exécutives et législatives visant à supprimer les derniers vestiges de ce qui fut un pays libre », a-t-il confié à l’agence de presse iranienne Tasnim. La procédure d’Impeachment contre Trump ne vise pas tant à le destituer – ce qui a peu de chance d’aboutir – qu’à « consolider le narratif faisant passer ses partisans pour des extrémistes et des terroristes ».

Rappelons qu’en janvier 2001, c’est-à-dire plusieurs mois avant les attentats du 11 septembre, le penseur et économiste américain Lyndon LaRouche avait estimé que l’oligarchie en place aurait sans doute besoin d’un événement type « Incendie du Reichstag » (opération faux drapeau) pour justifier son emprise totalitaire. Aujourd’hui, plus personne ne conteste le fait que l’administration Bush-Cheney a utilisé les attentats comme prétexte pour mettre en place des lois liberticides et lancer des guerres destructrices dans le Moyen-Orient.

Comme le précise Caity Johnson sur le site Consortiumnews, le ministre de la Justice de l’époque John Ashcroft avait admis avoir calqué le Patriot Act (qui a ouvert la voie à la surveillance de masse des GAFAM) sur une proposition de loi rédigée par... le sénateur démocrate Joe Biden, à la suite des attentats d’Oklahoma en 1995. Cette loi autorisait notamment l’utilisation de preuves « secrètes » dans la conduite des enquêtes, l’extension du Foreign Intelligence Surveillance Act et des lois sur les écoutes électroniques, et faisait du « terrorisme » un nouveau crime fédéral pouvant être établi sur la base de simples opinions politiques...

Quoi que l’on pense de Donald Trump, ce qu’il subit aujourd’hui fixe un précédent. Si l’on ne met pas un terme à cette dérive totalitaire, cela pourra désormais arriver à n’importe quel dirigeant politique et à ses partisans (c’est-à-dire potentiellement à vous-même, cher lecteur), à partir du moment où cela contrarie les projets de l’empire militaro-financier, dont les libertariens de la Silicon Valley et des GAFAM font désormais partie intégrante.

Comme le souligne dans le Global Times Jin Canrong, doyen associé de l’École des études internationales de l’Université de Renmin en Chine, « Trump pourrait abandonner mais le trumpisme ne disparaîtra pas », car les causes ayant poussé les Américains à voter pour lui sont toujours là : « le développement inégal entre l’industrie financière et l’économie réelle, la distribution injuste entre les élites et la classe moyenne. Tant que ces problèmes subsisteront, en 2024, un Trumpiste plus intelligent, doté de compétences politiques plus sophistiquées, pourrait revenir dans le jeu ».

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