Les communes toujours victimes d’une finance « toxique »

vendredi 12 mars 2021, par Tribune Libre

Carte des collectivités territoriales victimes d’emprunts toxiques.

Par Arnold Voillemin, ancien adjoint au maire de Livry-Gargan (93)

Suite à la crise des subprimes de 2007, beaucoup de communes s’étaient retrouvées à devoir rembourser des prêts dont les montants étaient devenus pharaoniques car contractés avec des taux variables.

Se targuant de protéger les communes, le législateur en avait profité pour amnistier les banques !

Depuis, la loi protège (en théorie) les personnes morales de droit public, c’est-à-dire les collectivités locales, lors de la souscription d’un emprunt afin d’éviter qu’elles ne s’intoxiquent. Eh bien, nos chers banquiers ont trouvé la parade par l’intermédiaire des VEFA (Vente en l’état futur d’achèvement).

Comment ça marche ?

Les VEFA sont des instruments financiers utilisés par les constructeurs et bailleurs lors de la construction de nouveaux logements.

Pour apporter plus de poids à son projet, un constructeur peut demander à la commune où aura lieu le projet de construction, de se porter caution de l’emprunt qu’il compte souscrire auprès des banques. En contrepartie, la commune bénéficiera d’un certain nombre de logements qu’elle mettra à disposition dans son parc de logements sociaux. En théorie donc, du gagnant-gagnant.

Le problème majeur est que si les communes sont protégées lors de souscription d’emprunts, il n’en va pas de même pour les constructeurs qui, eux, peuvent aisément souscrire des « emprunts toxiques », puis les faire garantir par la commune...

En cas de crise, l’immobilier chuterait, entraînant la ruine du constructeur, et la commune garante du prêt devra passer à la caisse en remboursant le prêt selon les modalités souscrites par le constructeur. Et en cas d’emprunts à taux variables, les remboursements seront naturellement exorbitants (cf. crise des subprimes).

Bien sûr, le contrat de prêt est soumis au vote du conseil municipal, mais la complexité du montage est telle que même les rapporteurs n’y comprennent rien.

Ainsi, le 20 novembre dernier, lors du conseil municipal de Livry-Gargan, ville de 45 000 habitants en Seine-Saint-Denis, trois garanties de prêts VEFA étaient soumises au vote. L’un des élus a posé la question sur la structure de ces prêts, et plus précisément s’ils étaient à taux fixes ou variables. Réponse du rapporteur : taux fixes. Rien de plus faux puisque dans l’article 10 de chaque contrat de prêt, intitulé « détermination des taux », il n’est question que de taux variables.

En outre, le tableau descriptif de chaque ligne de prêt est très clair puisque la période de préfinancement est indexée sur l’EURIBOR (qui a déjà été manipulé), pour faire simple, en fonction du marché monétaire par essence volatile.

En tout petit, en bas de la page, il est écrit ceci :

  1. A titre purement indicatif et sans valeur contractuelle, la valeur de l’index à la date d’émission du présent Contrat est de 0,75 % (Livret A).
  2. Selon les modalités de l’Article « Détermination des taux », un plancher est appliqué à l’index de préfinancement d’une Ligne du Prêt. Aussi, si la valeur de l’Index était inférieure au taux plancher d’Index de préfinancement, alors elle serait ramenée audit taux plancher. Le(s) taux indiqué(s) ci-dessus est (sont) susceptible(s) de varier en fonction des variations de l’Index de la Ligne du Prêt.

L’ingénierie financière ayant plus d’un tour dans son sac, seule une réforme de grande ampleur du système financier permettra de réellement nous protéger, ainsi que les collectivités locales, des vautours, en commençant par imposer ce nouveau Glass-Steagall pour lequel Solidarité & Progrès se bat depuis des années.