Le choc de deux mondes : zéro carbone ou zéro pauvreté ?

mardi 13 avril 2021

Chronique stratégique du 13 avril 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Lors du récent déplacement en Inde de John Kerry – le « M. Climat » de Washington —, le gouvernement indien a refusé de se fixer un ultimatum pour atteindre le « zéro-net carbone ». Les pays en développement, notamment les BRICS, opposent une résistance croissante à la vision malthusienne du « Green New Deal » que l’Amérique de Biden, le Royaume-Uni et l’UE d’Ursula von der Leyen tentent de leur imposer.

La campagne en faveur de la lutte contre le « changement climatique » — le fameux « Green New Deal », ou « Great Reset », défendu avec passion par Joe Biden et Ursula von der Leyen – occupe de façon permanente le champ médiatique, et s’insère dans toutes les considérations politiques, au point même que le dernier rapport du Conseil de sécurité national américain fait de la crise climatique l’une des principales menaces à la sécurité des Etats-Unis !

C’est ainsi que le FMI et la Banque mondiale viennent de publier un rapport suggérant de conditionner un éventuel « allègement » de la dette des pays pauvres à la mise en place d’investissements tamponnés « verts ».

Dans le contexte de la crise pandémique, le fardeau de la dette des pays en développement a considérablement augmenté, et 150 millions de personnes, actives dans le secteur informel mais considérées comme des classes moyennes inférieures, ont basculé dans l’extrême pauvreté — un chiffre qui ne cesse de croître. Face au risque de voir les gouvernements de ces pays, contraints par une dette insoutenable, imposer des programmes d’austérité ne faisant qu’aggraver la situation, les institutions financières estiment qu’il faut « relever les défis de la dette dans les pays à faible revenu et de le faire d’une manière qui soutienne un développement vert, résilient et inclusif et la réduction de la pauvreté ».

Cette proposition du FMI et de la Banque mondiale a tout pour plaire à l’oligarchie financière de Londres et de Wall Street, qui y voit une occasion d’en finir avec ce débat embarrassant sur la dette des pays pauvres, et de pousser davantage la « bulle verte » — le moyen pour elle de prolonger le système de pillage établi, comme nous le montrons dans notre dossier « Le New Deal Vert – Sortir du piège de la finance verte ».

Les BRICS résistent

Cependant, une résistance se manifeste de plus en plus du côté des pays en développement, notamment des pays des BRICS. Le 9 avril, dans une déclaration commune, les ministres du Brésil, de l’Afrique du Sud, de l’Inde et de la Chine ont exprimé leur inquiétude quant aux taxes sur le carbone, que l’Union européenne compte imposer à ses frontières, les jugeant discriminatoires et injustes.

Au même moment, la visite de trois jours de John Kerry à New Delhi a tourné au vinaigre. A quelques jours du « Sommet des leaders pour le climat », qui se tiendra les 22 et 23 avril, le « monsieur climat » de l’administration Biden espérait pousser les dirigeants indiens à fixer une date à laquelle le pays atteindrait le « zéro-net carbone ». Kerry et Biden, et en particulier leurs parrains malthusiens britanniques, accordent une attention particulière à l’Inde, qui est le troisième plus gros émetteur de CO2 après les Etats-Unis et la Chine, et dont les projections prévoient une énorme augmentation de la demande énergétique dans les prochaines années.

Sans doute peu enthousiaste à l’idée de se faire un hara-kiri économique en réduisant drastiquement sa consommation d’énergie, en particulier de charbon, le gouvernement indien, par la voix des ministres des Affaires étrangères et de l’Energie, a déclaré que l’Inde ne s’infligera aucune contrainte de « zéro-carbone » si cela implique de brider son développement industriel. « Atteindre le ‘zéro-net’ d’émissions de carbone en 2050 sera très compliqué pour l’Inde et cela forcera l’économie indienne à subir beaucoup de pertes de revenus, une augmentation des prix de l’énergie, un recul du réseau ferroviaire, et une perte d’au moins un demi-million d’emplois dans les mines », explique l’économiste Vaibhav Chaturvedi du Council on Energy Environment and water de New Delhi, dans une tribune au South China Morning Post.

Le choc des mondes

Lors d’une réunion publique virtuelle de l’Organisation de LaRouche aux Etats-Unis, le Dr Kelvin Kemm, un physicien nucléaire sud-africain, a souligné que les Occidentaux ne réalisent pas à quel point la perspective des pays de l’hémisphère sud diffère de celle des pays du Nord, où domine souvent une vision écolo-bobo imperméable aux réalités des pays sous-développés. A l’instar du « Jour de la Terre », « une grande quantité d’absurdités sont exprimées, ne reflétant que le point de vue de personnes qui essayent de dire à tout le monde ce qu’il faut faire », a-t-il lancé.

La réalité en Afrique est que dans nombre de pays, comme la Zambie, les gens doivent parcourir des centaines de kilomètres pour acheter du bois de chauffe, vendu pour trois sous au bord des routes par de très nombreux pilleurs ; « Et on leur dit ensuite qu’il faut agir pour l’environnement, utiliser le vent et le solaire, pas le charbon », a déploré le physicien, en évoquant les nombreux Allemands qui se trouvent actuellement en Afrique du Sud pour vendre des technologies éoliennes allemandes.

Si l’on voulait vraiment réduire les émissions de CO2 en Afrique, il faudrait construire des centrales électriques au charbon, a-t-il expliqué, car cela réduirait les émissions produites par la combustion de bois et de charbon de bois (soit dit en passant, cela réduirait également les émissions de monoxyde de carbone, qui causent de nombreux accident mortels).

Alors que 80% du territoire de l’Afrique du Sud est électrifié, la majorité des pays africains sont sous-électrifiés, parfois à moins de 20%. « Allez dire à quelqu’un dont le pays n’a que 20% d’électricité qu’il faut réduire sa consommation ! », a lancé Kemm. Au contraire, il faut augmenter la production d’électricité – la doubler, voire la tripler ! – afin d’accroître les niveaux de vie, de construire des cliniques, des écoles, des réseaux de transport modernes, etc.

Cela vaut bien entendu pour nous, alors que le gouvernement français, sous la pression de la Commission européenne, s’apprête à organiser le démantèlement et la privatisation d’EDF avec le projet Hercule

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