Yémen, Syrie : silence, on affame !

vendredi 16 avril 2021

Chronique stratégique du 16 avril 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Trop loin des préoccupations des Français, la situation au Yémen et en Syrie devient extrêmement alarmante ; plus de la moitié des populations est frappée d’insécurité alimentaire, sous les effets combinés de la guerre, des sanctions occidentales et de la pandémie. Parmi les rares personnes à dénoncer implicitement ou explicitement ce génocide, le directeur du Programme alimentaire mondial David Beasley, le cardinal Mario Zenari, nonce apostolique en Syrie et Helga Zepp-LaRouche, la présidente internationale de l’Institut Schiller, appellent à sortir du paradigme géopolitique actuel et à en fonder un nouveau basé sur la paix par le développement.

Nous faisons face littéralement à «  la pire crise humanitaire que nous ayons connue sur cette planète », a souligné David Beasley lors d’un entretien le 13 avril avec la chaîne américaine Fox News. Au Yémen, où vivent 30 millions de personnes, 16 millions se trouvent au bord de la famine. Le Programme alimentaire mondial (PAM), qu’il dirige, en nourrit actuellement 13 millions, mais manque cruellement de moyens financiers. « La situation au Yémen, c’est un véritable enfer sur Terre », a-t-il lancé, faisant référence au documentaire poignant Hunger Ward, sorti en novembre 2020.

Documentaire "Hunger Ward", réalisé en novembre 2020 sur la situation tragique de famine au Yémen

En Syrie, après les bombes de la guerre, « la bombe de la pauvreté est en train d’exploser », a prévenu le cardinal Zenari le 24 mars dernier, lors d’une conférence internationale de Caritas. 90% de la population a basculé sous le seuil de pauvreté au cours des dix dernières années, en conséquence de la guerre, des sanctions et de la pandémie de Covid ; un tiers des Syriens a fuit le pays, et 12,4 millions d’entre eux sont en situation d’insécurité alimentaire – dont 60% d’enfants.

La conférence des donateurs pour la Syrie, organisée fin mars par les Nations unies, ne représente qu’ « une goutte d’eau dans le désert », a déploré le cardinal. Pire, elle reflète la compromission des institutions internationales dans le paradigme géopolitique dominant, déterminé par la volonté des intérêts anglo-américaine de préserver leur hégémonie face à la Russie et la Chine. En effet, les quelques milliards levés ne vont pas bénéficier au gouvernement central de Damas, mais aux pays voisins accueillant des réfugiés syriens, à des ONG et aux groupes d’opposition syrienne.

En réalité, la Syrie a besoin de centaines de milliards de dollars pour reconstruire des hôpitaux, des écoles, des logements et des entreprises, comme le souligne le cardinal Zenari : « Sans reconstruction et reprise économique, la paix ne reviendra jamais en Syrie ».

L’ignominie des sanctions Caesar contre la Syrie

Comme l’a rappelé le colonel américain (cr) Richard Black le 20 mars, lors de son intervention à la conférence internationale de l’Institut Schiller, l’intervention militaire des Etats-Unis en Syrie (avec la généreuse participation du Royaume-Uni et de la France) n’a jamais eu de but « humanitaire », comme cela a été dit, face aux prétendues attaques chimiques de Bashar el-Assad ; l’objectif a toujours été le changement de régime à Damas, et cela bien avant les événements de 2011, depuis au moins les plans des néo-conservateurs de l’administration Bush-Cheney visant à des changements de régime dans l’ensemble de la région, en Afghanistan, en Irak, en Iran, en Syrie et en Libye.

Les sanctions dites « Caesar » sont une manifestation abjecte de cette hypocrisie. Mises en œuvre en juin 2020 par l’administration Trump par la loi « Caesar Civilian Protection Act », suite à la publication de 28 000 photographies montrant des supposées victimes torturées et tuées par le gouvernement d’Assad, elles imposent à la Syrie des contraintes économiques draconiennes. Conditionnant la fin de la guerre au départ de Bashar el-Assad, elles empêchent toute entité ou pays étranger de prendre part aux plans de reconstruction du régime, et imposent de fait un véritable siège de type médiéval qui n’a fait qu’aggraver la situation humanitaire du pays — ce que l’Inde et les Emirats arabes unis ont récemment dénoncé auprès des Nations unies.

A voir : Eclairage#53 du 15 avril de Jacques Cheminade (cliquer sur l’image)

« La loi Caesar sur les sanctions contre la Syrie est le produit d’une tromperie élaborée par les agents du Deep State américain et qatari », écrivait le journaliste Max Blumenthal sur le site The Grayzone, au moment où les sanctions étaient mises en place. « Au lieu de protéger les civils syriens, ces mesures unilatérales vont les conduire à la famine et la mort ». Plusieurs enquêtes, complètement ignorées par les médias dominants et par le Congrès américain, ont en effet démontré qu’au moins la moitié des photographies dépeignait des corps de soldats du gouvernement tués par l’opposition.

Mais doit-on encore s’en étonner, après les mensonges sur les couveuses au Koweït — qui justifia l’entrée en guerre des Occidentaux en 1991 —, sur le Yellowcake de Saddam Hussein — qui justifia la 2e guerre d’Irak —, et enfin sur les attaques chimiques de Bashar el-Assad...?

La paix par le développement économique

Dans une intervention en soutien au cardinal Zenari, Helga Zepp-LaRouche demande le retrait immédiat des sanctions, tout en soulignant que le silence occidental devient moralement insupportable :

Nous en sommes arrivés au point où soit le monde se réveille et nous commençons à y remédier, soit nous ne survivrons pas, en raison de notre propre échec moral en tant qu’espèce humaine. (…) J’appelle chacun se mobiliser avec nous pour se débarrasser des sanctions ‘Caesar’ et pour permettre la reconstruction immédiate de la Syrie.

Le « Projet Phoenix » de reconstruction et d’intégration de la Syrie dans les Nouvelles Routes, présenté au gouvernement syrien en novembre 2015 par une délégation de l’Institut Schiller.

Et nous savons comment le faire ! L’Institut Schiller défend depuis un demi-siècle des plans de développement de l’Asie du Sud-Ouest, depuis la proposition du « Plan Oasis » de l’économiste américain Lyndon LaRouche en 1975, un ensemble de grands projets de développement économique pour l’Asie du Sud-Ouest, et en particulier pour le Proche-Orient, basés sur l’eau, l’énergie et les transports. Plus récemment, l’organisation internationale de LaRouche a développé un plan pour la Syrie – le « Projet Phoenix », présenté au gouvernement syrien en novembre 2015 par une délégation de l’Institut Schiller —, ainsi qu’un plan pour le Yémen – l’Opération « Felix », développé conjointement par l’Institut Schiller, l’Autorité générale d’investissement du Yémen (YGIA) et Swedhydro Consulting (Suède).

Chacun de ces projets vise intégrer l’Asie du Sud-Ouest dans le paradigme de paix par le développement des Nouvelles Routes de la soie, que la Chine est en train de construire à travers l’Initiative de la Ceinture et la Route (ICR).

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