De la bombe de Saddam au labo de Wuhan : les services britanniques toujours à l’œuvre

lundi 7 juin 2021

Chronique stratégique du 7 juin 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

La thèse du laboratoire de Wuhan – où la Chine est accusée d’avoir caché le fait que le Covid-19 s’en était « échappé » accidentellement – a subitement réémergé, au point que le président Biden, sous la pression, a changé son fusil d’épaule, demandant aux services de renseignement américain d’ouvrir une enquête. Derrière tout cela se trouvent les mêmes agents de l’Empire britannique qui avaient fabriqué et propagé les mensonges sur les « armes de destruction massives » de Saddam Hussein, ou encore l’affaire dite du « Russiagate » sur l’élection de 2016.

Le virage s’est produit en quelques jours. Le 23 mai, le journaliste Michael Gordon a publié un article dans le Wall Street Journal, dans lequel il s’appuie sur « un rapport inédit du renseignement américain » accréditant la thèse selon laquelle le virus du Covid-19 se serait accidentellement échappé du laboratoire P4 de Wuhan. Deux jours plus tard, le ministre américain de la santé Xavier Becerra a demandé une nouvelle enquête, et le lendemain, le président Biden a ordonné la « communauté américaine du renseignement » de conduire une enquête de 90 jours.

Ainsi, alors qu’il s’en tenait jusque maintenant à l’enquête de l’OMS selon laquelle les chances que l’épidémie ait commencé dans un laboratoire sont « extrêmement improbables », Joe Biden a rejoint la campagne hystérique lancée en 2020 par le secrétaire d’État Mike Pompeo et par ses parrains britanniques.

Après la bombe de Saddam...

Comme l’a bien noté le ministère chinois des Affaires étrangères, le journaliste Michael Gordon est précisément le même qui, en septembre 2002, avait coécrit l’article du New York Times à l’origine de l’histoire des armes de destruction massive de Saddam Hussein (sur les importations de tubes en aluminium censées prouver que l’Irak construisait les centrifugeuses nécessaires à la bombe nucléaire). Une guerre et quelques centaines de milliers de morts plus tard, on avait découvert que les services de renseignement américains – et britanniques – avaient « malencontreusement » propagé une vaste fumisterie...

Un autre personnage – à un niveau beaucoup plus haut du système – apparaît également dans cette affaire : Sir Richard Dearlove, l’ancien chef du Secret Intelligence Service (MI6). Le 3 juin, dans une tribune publiée par The Telegraph, Dearlove affirme que la pandémie a bien débuté par une fuite du laboratoire de Wuhan et accuse la Chine d’en avoir détruit les preuves.

Rappelons que Dearlove, qui a dirigé le MI6 entre 1999 et 2004, est l’homme qui, avec Alastair Campbell, le « spin doctor » de Tony Blair, a concocté le « sexy dossier » qui a servi de base au Premier ministre britannique pour justifier la guerre d’Irak. Ajoutons que Dearlove est également au cœur de la fabrication de l’affaire du « Russiagate » accusant la Russie de Vladimir Poutine d’avoir interféré dans les élections présidentielles de 2016 afin de porter Donald Trump au pouvoir.

Enfin, notre homme est le co-fondateur de la Henry Jackson Society – le temple britannique du néoconservatisme – qui, outre le fait qu’elle a mené la chasse aux sorcières contre « l’agent russe » Trump, est à l’origine de la campagne « La Chine doit payer » lancée en avril 2020 afin de pousser les pays du G7 à réclamer quelques 4000 milliards de « compensations » financières pour les dommages causées par la pandémie. La boucle est bouclée.

Saper toute coopération avec la Chine

Dearlove est emblématique des milieux impérialistes britanniques – associant l’oligarchie financière de la City à la Maison de Windsor et aux services secrets – dont l’ADN géopolitique est de maintenir le monde dans un état de division et de conflit Est-Ouest, et qui font tout leur possible pour empêcher toute forme de coopération entre les États-Unis, la Russie et la Chine, en façonnant une image d’ennemi de ces pays. De ce point de vue, Donald Trump, qui a subi pendant quatre ans les accusations du Russiagate, a littéralement capitulé face à ces milieux à propos de la Chine, laissant le champ libre au psychopathe Mike Pompeo.

Comme le montre Christine Bierre dans son article du 24 mai, la campagne sur « la fuite » du laboratoire de Wuhan vise en particulier à faire peur à tous ceux qui sont impliqués aux États-Unis dans ce qu’il reste de coopération sino-américaine, y compris dans le domaine de la santé. En effet, suite à un article du journaliste britannique Nicholas Wade, révélant les liaisons dangereuses entre l’Institut national de la santé (NIH) et l’Institut de Wuhan, 18 virologues, essentiellement de grands laboratoires américains, ont co-signé le 14 mai une lettre dans le magazine britannique Science, demandant que cette thèse soit mise sur le même plan que celle du saut zoonotique (de l’animal vers l’homme) contrairement aux conclusions de l’OMS. Parmi les 18 chercheurs, plusieurs sont impliqués dans la coopération avec la Chine, et ont travaillé avec le laboratoire P4 de Wuhan.

Quelques jours plus tard, lors de son témoignage devant le Congrès, le Dr Fauci a du faire face à un déluge d’attaques de la part des élus républicains, qui brandissaient l’article de Wade et demandaient des comptes sur la collaboration entre d’un côté la NIH et l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), et de l’autre l’Institut de virologie de Wuhan.

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Il s’agit d’un jeu très dangereux. Car la Chine, elle, ne capitulera pas. Jamais elle ne laissera les services anglo-américains conduire une enquête frauduleuse sur son territoire, y voyant un prélude à une attaque militaire, comme ce fut le cas en Irak en 2003.

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