Avec North Stream 2 en poche, Poutine reprend l’offensive contre le nazisme ukrainien

jeudi 29 juillet 2021

Chronique stratégique du 29 juillet 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le 21 juillet, après plusieurs années de tergiversations, Washington et Berlin ont finalement conclu un accord autorisant l’achèvement du gazoduc Nord Stream 2, déclenchant la colère à Kiev. Le même jour, le gouvernement ukrainien, toujours sous une influence néo-nazie que les Occidentaux feignent d’ignorer, a promulgué une loi d’épuration ethnique visant les populations russophones. Le lendemain, la Russie a déposé plainte contre l’Ukraine auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme pour avoir violé la Convention du Conseil de l’Europe de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les États-Unis ont finalement renoncé à empêcher la réalisation du gazoduc Nord Stream 2 – qui doit relier la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique, et doubler la capacité de transport de gaz. Le projet était sur la sellette depuis plusieurs mois ; Donald Trump avait exigé auprès d’Angela Merkel de l’abandonner, estimant qu’il constituait, selon lui, « une menace pour la sécurité de l’Amérique ». Et si Joe Biden a fini par lâcher du lest, c’est sans doute autant dans la continuité de la (très) timide détente avec la Russie, engagée lors de sa rencontre avec Poutine le 16 juin dernier à Genève, que dans sa volonté d’unir l’Europe derrière lui dans sa campagne contre son principal adversaire : la Chine.

La chancelière allemande, qui dans cette histoire a défendu les intérêts souverains de son pays comme une anguille file dans les rochers, a justifié l’accord avec Washington en affirmant, dans un parfait pragmatisme : « Nous avons abandonné l’énergie nucléaire (sic). Impossible, dans ce contexte de mettre fin au gaz ». Cependant, les prochaines élections législatives en Allemagne, en septembre, risquent bien de rebattre les cartes. Même si la crainte d’un gouvernement des Grünen (les Verts), qui sont encore plus atlantistes que leurs parrains anglo-américains, s’éloigne, ces derniers pourrait voir leurs scores renforcés.

Les responsables russes ont accueilli positivement l’accord, tout en déplorant le fait que le biais géopolitique érigeant la Russie en ennemi perdure. En effet, Washington et Berlin ont promis d’appliquer des sanctions contre la Russie si cette dernière utilisait le gazoduc comme une arme contre l’Ukraine, ou si elle menaçait de couper le transit du gaz.

L’image d’ennemi de la Russie

La signature de l’accord a immédiatement provoqué la colère des Ukrainiens, qui dénoncent l’insuffisance des garanties apportées pour le transit du gaz russe par l’Ukraine (40% des exportations de gaz russe vers l’UE passent actuellement par l’Ukraine). « Trahison », peut-on même lire à la une du Kyiv Post, le principal journal anglophone ukrainien, généralement très docile au diktat atlantiste ; et le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba – en tandem avec son homologue polonais Zbigniew Rau — a publié une déclaration condamnant l’accord. Tout cela malgré les pressions discrètes exercées par l’administration Biden pour exhorter le gouvernement ukrainien à ne pas critiquer l’accord, en mettant dans la balance la visite du président Zelensky à la Maison Blanche, comme le rapporte le magazine Politico.

Évoquant sa future rencontre avec Joe Biden, qui devrait se dérouler le 30 août, Zelensky a affirmé que les discussions seront principalement consacrées à Nord Stream 2 et à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan – la ligne rouge absolue pour la Russie. « Il sera question avant tout de questions de sécurité, telle que contrer l’agression permanente de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, la détérioration de la situation dans la région de la mer Noire et dans le Donbass, la dés-occupation de la Crimée, le renforcement de la sécurité énergétique de l’Ukraine et de l’Europe dans leur ensemble, et la coopération militaire entre les États-Unis et l’Ukraine », a-t-il dit.

La Russie saisie la Cour des Droits de l’Homme sur les néo-nazis ukrainiens

Le jour-même de l’accord germano-américain, le président ukrainien a promulgué la loi sur « les peuples autochtones d’Ukraine », une loi discriminatoire vis-à-vis des populations russophones du pays, que Vladimir Poutine a qualifié de facto de « purification ethnique » similaire à celles des Nazis.

Hasard du calendrier ou pas, le lendemain, le Bureau du procureur général de la Fédération de Russie a annoncé qu’il avait présenté devant la Cour européenne des Droits de l’Homme les cas de violation par l’Ukraine de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales : « La plainte (…) contient une description détaillée du processus de changement inconstitutionnel du pouvoir en Ukraine et la progression des forces nationalistes dans les organes de l’État ukrainien », est-il précisé.

Évoquant les événements du Maïdan, à la Maison des syndicats d’Odessa et dans le Donbass, la plainte dénonce « la mort de civils, l’emprisonnement illégal et le traitement cruel des gens, (…) la suppression de la liberté d’expression, la persécution des dissidents (…), les discriminations contre les populations russophones… »

Le 12 juillet, Vladimir Poutine a publié un long article intitulé « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », dans lequel il déplore « le mur » qui s’est érigé entre les deux peuples depuis le coup d’État de 2014, avec le retour des néo-nazis au cœur de l’appareil d’État :

Les représentants de l’Ukraine votent encore et encore contre la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant la glorification du nazisme, écrit-il. Des marches et des processions aux flambeaux en l’honneur des criminels de guerre restants des unités SS ont lieu sous la protection des autorités officielles. Mazepa, qui a trahi tout le monde, Petliura, qui a payé le patronage polonais avec des terres ukrainiennes, et Bandera, qui a collaboré avec les nazis, sont classés parmi les héros nationaux. Tout est fait pour effacer de la mémoire des jeunes générations les noms des véritables patriotes et vainqueurs, qui ont toujours fait la fierté de l’Ukraine.

En France, cette dérive fasciste a finalement – sept ans après – suscité un commencement d’émoi parmi la classe politique, en particulier lorsqu’on a découvert les maillots officiels de l’équipe ukrainienne de football, arborés lors de la compétition de l’Euro en juin dernier, avec les mots « Gloire à l’Ukraine, gloire aux héros », qui font explicitement référence aux slogans adoptés en 1941 en tant que salut par les membres de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) qui ont activement coopéré avec l’Allemagne nazie.

Sommé de s’exprimer sur la question par la sénatrice UDI Nathalie Goulet, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a reconnu l’existence du problème, tout en le minimisant... « Cachez ces néo-nazis que je ne saurais voir ! »

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