Paul Gallagher sur les premières prévisions de LaRouche

mercredi 8 septembre 2021

Paul Gallagher, rédaction économie de l’Executive Intelligence Review (EIR).

Présentation de Paul Gallagher, rédacteur économie de l’hebdomadaire américain Executive Intelligence Review (EIR), lors du wébinaire du 14 août 2021 de la Fondation LaRouche (LaRouche Legacy Foundation), lors du 50e anniversaire de la fin de Bretton Woods.

Lien vers les vidéos de la conférence (en anglais).

Paul Gallagher sur les premières prévisions de Lyndon LaRouche

Au début de 1957, Lyndon LaRouche (1922-2019) a fait une prévision très précise, dans une étude diffusée à titre privé, de la récession qui allait frapper d’août 1957 à 1958, la récession la plus sévère de l’après-guerre et à laquelle les économistes ne s’attendaient pas du tout. Puis, à partir de 1961, avec la publication d’un article intitulé « Depression Ahead ? » (Une dépression en perspective ?), LaRouche a commencé à prévoir l’éclatement, pour la fin de cette décennie, du système de Bretton Woods, que la plupart des gens comprenaient comme le système dollar-or, avec pour conséquence potentielle une dépression économique. Lorsque Bretton Woods s’effondra au début des années 1970, les économistes libéraux et de gauche, ainsi que les étudiants américains radicalisés par la guerre du Vietnam, se sont rendu compte que Lyndon LaRouche était le seul à avoir anticipé de ce qui allait arriver.

Ces prévisions de Lyn n’ont pas été extraites des statistiques économiques par un tour de passe-passe. Elles provenaient de son jugement sur la présidence de Franklin Roosevelt et de son constat que ce système de crédit de Bretton Woods, dans lequel les États-Unis étaient l’économie dominante et la monnaie de réserve, n’était pas le Bretton Woods que Franklin Roosevelt voulait créer.

Le LaRouche qui fit ces prévisions dans les décennies suivant la Seconde Guerre mondiale, était encore ce jeune soldat déployé sur le théâtre de Birmanie-Inde qui, à la mort de Franklin Delano Roosevelt, avait averti ses camarades soldats que le passage au « petit homme » Harry Truman promettait une période terrible pour les Etats-Unis. Il avait vu ses camarades vétérans, de retour au pays, oublier rapidement la mission de FDR de refaire le monde d’après-guerre, sans colonies et avec des « méthodes du XXe siècle et non du XVIIIe siècle britannique ». Le monde avait les yeux tournés vers leur nation, mais ils ont vite eu des enfants et des factures à payer, et ils ont détourné le regard.

Lorsqu’il commença ce qu’il a décrit comme son étude sérieuse de l’économie américaine dans les années 1950, LaRouche confirma que l’économie américaine n’était pas du tout axée sur les exportations de biens d’équipement vers les nations sous-développées.

Et cela dégradait la « formation de capital ». Pendant longtemps, il insista sur le fait que l’échec économique de l’administration Eisenhower, qui avait égalé les deux récessions de Truman en deux mandats, était dû au fait qu’elle n’avait pas mené à bien cette mission d’après-guerre, consistant à exporter des biens d’équipement pour le développement de la même façon que nous avions exporté des machines pour gagner la guerre. La Banque mondiale, sous la direction du capo de Wall Street John J. McCloy, nommé par Truman, se refusa à émettre des prêts à faible taux d’intérêt pour de grands projets dans le tiers-monde.

Au lieu de cela, la politique économique d’Eisenhower favorisa le crédit à la consommation domestique et un « boom » des biens de consommation américains. C’est le processus économique physique que Lyn étudiait.

Les rapports du Bureau des statistiques économiques américain montrent qu’en 1955, les exportations américaines de produits manufacturés, estimées à 8,6 milliards de dollars, étaient inférieures de 30 % à leur niveau de 1950. Elles avaient encore baissé de 20 % en 1960. La balance commerciale américaine en produits manufacturés était, bien sûr, positive durant cette période, mais elle représentait +5% du PIB américain en 1945, +3,5% du PIB en 1950, +1,3% en 1955, +0,6% en 1960, avant de passer dans le négatif à partir de 1970.

Le crédit allait ailleurs. Les prêts hypothécaires émis passèrent d’un montant négligeable en 1950 à 57 milliards de dollars en 1960. Les prêts automobiles étaient passés de pratiquement zéro en 1950 à 16 milliards de dollars en 1960, et le nombre de voitures en circulation, de 30 millions en 1950, atteignait 80 millions en 1955.

C’est en analysant cette bulle du crédit automobile, dont l’éclatement était sur le point de frapper les constructeurs et les concessionnaires, que Lyndon LaRouche vit venir la récession de 1957 : de 5 millions de véhicules en 1950, la production automobile américaine était passée à 8 millions en 1956, avant de retomber à 5 millions en 1958. L’automobile employait alors 15 % de la main-d’œuvre américaine.

Mais c’est le repli de l’économie américaine sur elle-même, sur le financement et l’usinage de biens de consommation - abaissant la productivité de l’économie par rapport à l’infrastructure industrielle des grands projets de FDR et de la mobilisation de guerre – qui fit comprendre à LaRouche le problème posé à Bretton Woods : l’intention de FDR à l’époque, en faveur de l’infrastructure et du développement industriel dans les pays sous-développés, avait été abandonnée.

Plus tard, LaRouche présenta sa prévision de récession comme « une étude des tendances à long terme de la formation du capital, achevée en février 1957, prévoyant que la récession à venir se produirait cette année-là, dépassant celles de 1947-49 et 1954, et qu’elle durerait assez longtemps ». Plus extraordinaire encore est sa première prévision à long terme, « Depression Ahead ? », rédigée en 1961, qu’il voyait comme la première de trois études à paraître dans la International Socialist Review. Très rapidement, cette revue et sa direction politique en censurèrent la publication, et la suite de l’étude parut en 1967 dans Le troisième stade de l’impérialisme, la première publication à grand tirage de son propre mouvement indépendant.

Avec « Depression Ahead ? », LaRouche commença à prévoir non seulement les événements économiques fatidiques des années 1960 menant à l’effondrement de Bretton Woods, mais aussi leur impact sur la société. La concentration de l’économie américaine sur sa propre consommation allait mettre fin aux excédents commerciaux qui étaient importants pour la fonction de réserve mondiale du dollar - et en effet, l’excédent du commerce des biens américains disparut à la fin des années 1960. Il y aurait « une impulsion inéluctable vers l’adoption de l’économie schachtienne » aux États-Unis et dans les nations européennes, c’est-à-dire la politique du banquier central d’Hitler, Hjalmar Schacht, une politique d’austérité impliquant une baisse constante et indéfinie des salaires réels.

L’on verrait alors « un nouveau type d’approche du secteur sous-développé ». Cette approche, visant à délocaliser la production de certaines industries des nations industrielles vers ce qui n’était autre que des camps de travail schachtiens dans le tiers-monde, fut sévèrement critiquée par LaRouche dans Le troisième stade de l’impérialisme en 1967. Cette attaque contre la « mondialisation » apparut bien avant que ce terme ne soit inventé.

Tout aussi important, LaRouche constatait que la pratique des années 1950, consistant pour les entreprises à embaucher et à « garder en réserve » des ouvriers qualifiés et des ingénieurs en prévision d’une expansion industrielle qui n’est pas venue, prenait fin. « La stabilisation du taux d’expansion technologique de la capacité des usines (et de l’emploi) américaines signifie une baisse drastique du taux d’assimilation des minorités ethniques », écrivait-il.

On assistait par ailleurs à « un changement démoralisant des perspectives d’emploi des diplômés du secondaire et de l’université, après la remise des diplômes, qui s’éloignent des emplois orientés vers la production. » Et cela signifiait, selon lui, que de nombreuses couches de la jeunesse seraient radicalisées aux États-Unis et en Europe dans les années 1960, mais que les travailleurs ne le seraient que plus tard, en réponse à la détérioration réelle des conditions économiques.

Cette intuition, avant le Vietnam, est peut-être la prévision la plus extraordinaire que LaRouche ait faite. Elle a défini sa stratégie pour lancer son mouvement politique indépendant : trouver des étudiants et des diplômés radicalisés, dotés d’un discernement et d’un engagement supérieurs à la moyenne pour le bien commun. Leur enseigner sa méthode d’économie, pour qu’ils soient capables de faire comprendre aux travailleurs radicalisés leur communauté d’intérêt avec les chômeurs et avec les travailleurs des nations sous-développées. Le but visé par Le troisième stade de l’impérialisme était que les étudiants s’opposant à la guerre du Vietnam reconnaissent la politique fasciste schachtienne qui sous-tend ce type de guerre foncièrement coloniale. Ils pourraient alors s’organiser en faveur d’une politique d’industrialisation et de projets de développement du tiers monde, et faire cause commune avec leurs antagonistes politiques, les travailleurs qualifiés américains et européens, qui ne réalisaient pas comment ni pourquoi leurs perspectives d’emploi et de salaire prenaient la direction des camps de travail schachtiens dans les pays du Sud. Souvenez-vous d’une des premières affiches de campagne de Lyn : « Cet homme peut vous trouver un emploi pour reconstruire le monde ! »

Dans son article de 1961, LaRouche prévoyait déjà la probabilité d’une série de crises monétaires à la fin de cette décennie, si la politique monétaire américaine continuait dans cette voie, et qu’elles conduiraient à l’éclatement du système de Bretton Woods à parité fixe et réserve or. Les crises de la livre sterling de 1966 et 1967, entraînant une dévaluation incontrôlée de 15 % de la devise anglaise en novembre 1967, s’en avérèrent le déclencheur.

Dans l’après-guerre, les Britanniques avaient maintenu leur système colonial de « préférence commerciale impériale » et leur « bloc de livre sterling » au sein du système de Bretton Woods basé sur le dollar. A partir de la fin des années 1950, on vit les banques londoniennes violer de manière flagrante les règles de Bretton Woods en ouvrant des comptes à fort taux d’intérêt pour les dépôts en dollars, puis en créant des dettes en dollars à taux d’intérêt très élevé, en fait impayables, pour les pays du tiers monde, connues comme le marché des eurodollars.

C’était le contraire de la politique voulue par Franklin D. Roosevelt à Bretton Woods à l’égard des colonies britanniques, françaises, belges et néerlandaises en train de se libérer. Eisenhower ne fit aucune objection lorsque les Britanniques s’arrogèrent le droit d’imprimer des dollars, contrairement à Kennedy qui le fera, exactement dans ces termes, à deux reprises en 1963. Après son assassinat cette année-là, le directeur de la Citibank, Walter Wriston, livrait à ce propos au New York Times ce commentaire sarcastique : « Nous venons peut-être d’échapper à un épisode de contrôle des capitaux. »

La dévaluation sans précédent de la livre exerça une forte pression sur le dollar, déjà affaibli par le quasi-abandon des politiques d’exportation de biens d’équipement de FDR, avec l’effondrement de la balance commerciale des biens américains qui s’ensuivit et l’inflation.

LaRouche attaquait fréquemment Arthur F. Burns, l’économiste keynésien libéral et politiquement conservateur, professeur et mentor de Milton Friedman, chef du Conseil des économistes d’Eisenhower et président de la Réserve fédérale de Nixon. Avant de quitter ce poste, en 1970-71, Burns augmenta rapidement la masse monétaire, tout en poussant au contrôle des salaires et des prix, jusqu’à ce que Nixon l’impose en août 1971 après avoir rompu le lien entre le dollar et l’or.

Le contrôle des salaires, ainsi que cette politique fasciste schachtienne à l’égard des pays sous-développés, étaient les principaux sujets du débat entre Lyn et le professeur Abba Lerner de l’Université de New York, en décembre 1971. Le Pr Lerner était considéré comme le plus brillant des économistes keynésiens vivant à l’époque. Au cours de ce débat, il défendit l’action de Nixon, et le contrôle des salaires et des prix qu’il avait imposé. Pour finir, sous la pression du raisonnement de LaRouche selon lequel cela mènerait à un fascisme de type schachtien, Lerner soutint nommément Schacht, devant un public de centaines d’étudiants et d’enseignants du New York City College.

On notera par ailleurs que c’est en voyant ses prévisions économiques et sa méthode d’analyse se confirmer en ce fameux 15 août 1971, que Lyndon LaRouche décida de mettre sur pied sa propre structure de renseignement, l’Executive Intelligence Review (qui donnera son nom à son magazine).

Réfléchissez-y : les principaux sujets abordés par l’EIR à ses débuts, dans les années 1970, étaient :

  • la naissance du Système monétaire européen, le soi-disant « serpent d’or » des taux de change fixes dans l’Espace économique européen ;
  • la création d’une Banque internationale de développement. Ce concept développé par Lyn fut adopté par les Pays non-alignés en 1976 ;
  • l’émission par les États-Unis d’obligations de développement industriel garanties par l’or à 500 $ par once d’or.

Pour l’organisation de LaRouche, ce n’était là que les étapes d’un processus en vue de recréer un Bretton Woods tel que l’avait envisagé FDR.

Dès le début de ce qu’il a appelé ses « trois phases d’études économiques », dans les années 1950, la compréhension par LaRouche de l’urgence de l’objectif fixé par FDR, contre celui des Britanniques à Bretton Woods et à Dumbarton Oaks [conférence préparant la création des Nations unies], joua un rôle fondamental dans toutes ses prévisions extraordinaires.

Lien vers les vidéos de la conférence (en anglais).