Afghanistan : les armées partent, mais les bourreaux financiers serrent encore plus la vis !

mardi 14 septembre 2021

Chronique stratégique du 14 septembre 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Les sanctions imposées à l’Afghanistan par les institutions financières occidentales – Réserve fédérale américaine (Fed), FMI, Banque mondiale, Union européenne – depuis la prise de pouvoir des Talibans, menacent de faire basculer le pays dans une crise humanitaire et économique catastrophique.

La fin des guerres permanentes de l’Otan doit absolument aller de pair avec un changement du système financier et monétaire international, de façon à créer un cadre – par de nouveaux accords de Bretton Woods – empêchant le type de pratiques financières prédatrices et criminelles qui ont dominé le monde depuis plus de quarante ans, et réorientant le crédit et la monnaie vers l’économie productive. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que si Joe Biden a effectivement retiré les troupes américaines d’Afghanistan, les sanctions financières imposées au nouveau régime (et donc à la population afghane) montrent qu’aucune leçon n’a réellement été tirée.

Guerre financière

Dès la prise de Kaboul par les Talibans, la Fed a gelé les 9 milliards de réserves de la banque centrale du pays (réserves or, devises étrangères et autres capitaux) ; le FMI a bloqué l’accès à l’Afghanistan aux 450 millions de dollars de Droits de tirage spéciaux (DTS), et la Banque mondiale et l’UE ont suspendu toutes leurs aides financières.

Largement dépendant de ces aides extérieures (en 2020, elles représentaient plus de 42% du PIB afghan, et les trois quarts des dépenses publiques), le système bancaire afghan est désormais presque entièrement paralysé. Depuis la mi-août, la valeur de la monnaie, l’afghani, a chuté de près de 5% ; et l’économie afghane étant très dépendante des importations, les prix des biens de première nécessité – farine, huile, pain, riz, etc – s’envolent.

Les conditions sont donc réunies d’une véritable catastrophe. Dans son rapport du 9 septembre, l’ONU dresse un tableau apocalyptique de la situation humanitaire : dix millions d’enfants afghans dépendent des aides alimentaires pour survivre, un million souffrent de malnutrition aiguë, et quatre millions sont déscolarisés. 72% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté (fixé par les Nations unies à 2 dollars par personne et par jour), et selon les rapporteurs, les actuelles sanctions risquent d’en faire basculer 25% supplémentaires sous le seuil, et donc de plonger la quasi intégralité de la population dans l’extrême pauvreté. Quatre millions d’Afghans sont menacés de mourir de faim au cours de l’hiver prochain.

Lors de son intervention devant le Conseil de sécurité, l’envoyée spéciale de l’ONU pour l’Afghanistan, Déborah Lyons, a prévenu que le gel des avoirs afghans allait créer les conditions d’une crise terrible :

Un grave ralentissement économique pourrait plonger des millions de personnes dans la pauvreté et la famine, générer une vague massive de réfugiés afghans et, en fait, faire reculer l’Afghanistan pour des générations, a-t-elle déclaré.

Tout en évoquant les violences des Talibans et ses préoccupations concernant les droits des femmes, Mme Lyons a appelé pour autant à maintenir le dialogue avec les Talibans : « Lors de nos contacts initiaux avec les dirigeants talibans au cours de l’année écoulée et au cours des dernières semaines, nous avons reçu un message clair selon lequel ils ont besoin et veulent une assistance internationale. Notre engagement à aider le peuple afghan signifie que nous devons dialoguer avec les Talibans sur des questions opérationnelles et de sécurité ».

Barbarisme vs coexistence pacifique

« L’Afghanistan est un test moral pour l’Occident sur sa capacité à se comporter humainement », a souligné la présidente internationale de l’Institut Schiller Helga Zepp-LaRouche, lors de la visio-conférence du 11 septembre dernier sur le thème « Le chemin pour sortir de l’ère du 11 septembre, de la guerre d’Afghanistan et de l’Etat surveillance ».

Mme Zepp-LaRouche a dénoncé le « barbarisme » dans lequel nous nous sommes laissés entrainer, évoquant le cas de l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright, qui en 1996 avait justifié les 500 000 enfants tués pendant la première Guerre d’Irak en disant que « cela en valait le prix » ; ou encore d’Hillary Clinton qui avait évoqué l’assassinat brutal du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi en disant « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort ».

De son côté, Andrey Kortunov, le directeur général du Conseil russe des affaires internationaux (RIAC), a publié une comparaison très utile des interventions militaires américaine en Afghanistan et russe en Syrie. D’une part, la guerre en Afghanistan a coûté aux Etats-Unis et à l’Otan environ 1400 milliards de dollars, pour aboutir à la débâcle que nous connaissons aujourd’hui, démontrant que la « toute puissance » américaine a été incapable de venir à bout de 65 000 combattants talibans. L’intervention russe en Syrie n’a quant à elle coûté que 10 à 15 milliards de dollars, soit 100 fois moins.

Toutefois, c’est essentiellement par les objectifs stratégiques recherchés que les deux interventions se distinguent :

Moscou est venu pour sauver l’Etat syrien, écrit Kortunov, tandis que les Etats-Unis sont venus afin d’installer un nouveau régime politique et d’imposer un changement radical de société. Le gouvernement Assad que la Russie est venue aider a survécu et remporté les élections, en dépit de l’isolement et des sanctions internationales, alors que le gouvernement du président afghan Ashraf Ghani, qui a vécu aux Etats-Unis la plupart de sa vie, s’est évaporé.

Selon le directeur du RIAC, l’enseignement principal à tirer au regard du nouvel Afghanistan, est qu’ « aucune coalition internationale ne pourra se substituer à une coopération entre ce pays et ses voisins », dont le Pakistan, la Chine, l’Iran, les pays d’Asie centrale, la Russie et potentiellement l’Inde et les pays du Golfe persique.

L’occasion nous est aujourd’hui donnée de rompre le cycle de violence qui a dominé la société américaine et européenne depuis le 11 septembre 2001, et d’appliquer à l’échelle internationale une véritable notion de bien commun et de coexistence pacifique. A condition bien sûr d’ôter le gouvernail monétaire et le contrôle des flux financiers des mains des criminels en cols blancs, qui ont pris le contrôle des banques centrales, pour en refaire la prérogative des Etats-nations souverains.

Nous ne pouvons plus avoir un monde régi par la loi d’une minorité, qui impose ses règles avec les méthodes que nous avons vues au cours des vingt dernières années, a déclaré Mme Zepp-LaRouche. Ces méthodes ont échoué, et elles doivent absolument être remplacées par la diplomatie, la négociation et le dialogue.

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