Entre Charybde du krach systémique et Scylla de l’hyperinflation

jeudi 7 octobre 2021

Chronique stratégique du 7 octobre 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Les prix des matières premières et de l’énergie continuent d’exploser sur les marchés mondiaux, suivant des courbes exponentielles. Confrontés comme Ulysse aux monstres Charybde et Scylla d’un krach du système bancaire transatlantique et d’une déferlante hyperinflationniste, nous ne pourrons en sortir que par des mesures de souveraineté économique.

Le système financier mondial, dominé par Wall Street et la City de Londres, est au bout du rouleau, et il doit être remplacé par autre chose.

La dette globale, qui dépasse de plusieurs ordres de grandeur le PIB mondial (365% fin 2020), est impayable. Depuis la crise de 2008-2009, les banques centrales pompent des masses de liquidités dans le système, afin d’éviter le krach systémique, espérant ainsi faire disparaître la dette en la transférant sur les populations à travers l’inflation, qui n’est autre qu’une expropriation. C’est la phase « cannibale » du système.

Hyperinflation

Ainsi, l’augmentation de 15 à 30% des prix de l’énergie (gaz, électricité) qui accable en ce moment les foyers européens n’est que la partie visible de l’iceberg de l’augmentation sur les marchés spot, où le prix du gaz, par exemple, a augmenté de 280% en un an. Ce qui représente des taux s’approchant de la définition technique de « l’hyperinflation » estimée à 50% d’augmentation mensuelle.

Au Pays-Bas, la pénurie de charbon et de gaz a entraîné l’arrêt d’une partie des 25 000 hectares de serres chauffées, qui produisent des fruits et légumes destinés à être exportés dans d’autres pays. De son côté, l’Allemagne a été contrainte de fermer le week-end dernier la centrale électrique de Steag Berkamen-A. Le problème étant principalement dû aux difficultés d’acheminement du charbon par voie fluviale. « Nous sommes dans un double goulot d’étranglement, explique Daniel Muhlenfeld, le porte-parole de Steag. Il ne s’agit pas d’un problème spécifique à Steag, mais d’un problème commun à presque tous les propriétaires de centrales électriques basées sur la houille ».

Par ailleurs, les coûts du transport des conteneurs explosent, suivant une courbe exponentielle. Le transport de la Chine aux Etats-Unis est passé de 5500 dollars par conteneur en janvier 2021 à 10 800 dollars en juillet, soit une multiplication par deux en six mois, et à 20 585 dollars en septembre, soit une multiplication par deux en un mois ! Cette augmentation s’explique par les retards dans les transports maritimes et routiers, qui ont dépassé de trois semaines à quatre mois les délais normaux d’expédition, qui existaient avant la pandémie.

La théorie du « tireur solitaire » chinois et les vraies causes

Certes, l’un des principaux facteurs d’aggravation de cette logique hyperinflationniste est la réponse rapide et efficace de la Chine à la pandémie, suite au confinement de l’hiver 2020. Une réponse, soit dit en passant, qu’aucun pays de la région transatlantique n’a été capable d’apporter.

En 2021, l’utilisation des capacités industrielles chinoises est passée de 74% à 78%, et la production industrielle a atteint en août un taux croissance de 35% annuel. Ainsi, le commerce d’exportation total de la Chine vers le reste du monde est passé d’une moyenne approximative de 200 à 280 milliards de dollars par mois de juin à juillet, puis à 300 milliards en août. Ce qui provoque des ruptures dans les transports maritimes, fluviaux et routiers, et grippe la chaîne d’approvisionnement. Avec des conséquences en Chine-même, où l’augmentation de la production industrielle, combinée à la mise en œuvre de politiques « vertes » de limitation de la consommation de charbon, a provoqué des pannes massives d’électricité.

Toutefois, l’establishment néolibéral a beau jeu de pousser la théorie du « tireur solitaire », en faisant de la Chine la cause de l’inflation actuelle, alors que c’est son système lui-même qui est par nature hyperinflationniste. Cette théorie du tireur solitaire prétend également que les dieux du vent ont soufflé moins fort en mer du Nord, faisant ralentir les éoliennes, et que la hausse du prix du CO2 a rendu le charbon trop cher ; avec, en prime, le grand méchant Poutine qui s’amuse à couper l’approvisionnement en gaz à l’Europe…

Au-delà de l’échec des énergies renouvelables, le véritable facteur de l’hyperinflation est la spéculation qui règne sur les marchés des matières premières, de l’énergie et des denrées alimentaires, et aussi du CO2 – les prix étant déterminés par des paris financiers sur les prix futurs. Autrement dit, la demande en matière première est décuplée par les spéculateurs, qui créent une rareté artificielle et des hausses astronomiques des prix.

Comme l’a souligné Jacques Cheminade dans son « Eclairage » du 30 septembre, quelques minutes avant l’intervention télévisée de Jean Castex, les gouvernements occidentaux, pris dans la nasse idéologique du néolibéralisme, n’ont rien d’autre à offrir que des « pansements » pour adoucir temporairement la hausse des prix ; sans traiter le fond du problème, qui est que l’on produit moins de biens physiques, pendant que la masse d’argent en circulation augmente et que le pouvoir d’achat des ménages baisse.

Faisant « le pari qu’elle parviendra à imposer aux gens une baisse de leur pouvoir d’achat et de leurs salaires en les anesthésiant » et en « les détournant vers d’autres sujets », explique Cheminade, la classe dirigeante espère limiter les révoltes, et s’assurer que celles-ci ne prennent pas de forme politique rationnelle et juste.

Pour connaître les solutions, nous vous encourageons, cher lecteur, à regarder l’intégralité de l’Eclairage de Jacques Cheminade (ci-dessous).