Kazakhstan : une « révolution de couleur » pour saboter les négociations Russie-USA ?

vendredi 7 janvier 2022

Chronique stratégique du 7 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le 10 janvier doit débuter à Genève le dialogue stratégique entre les Etats-Unis et la Russie, autour des deux traités proposés par Moscou visant à empêcher l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et l’expansion de l’Alliance atlantique vers l’Est. Cette réunion, qui sera suivie le 12 janvier d’une rencontre Russie-Otan et le 13 janvier d’une réunion dans le cadre de l’OSCE, ouvre un processus crucial, au moment où se joue une nouvelle crise des missiles de Cuba inversée. En quoi cela peut-il être lié à ce qui vient de se déclencher au Kazakhstan, et qui ressemble à s’y méprendre à une révolution de couleur ?

Des négociations Russie-USA sous grande tension

Soulignons tout d’abord que lundi, le P5 du Conseil de sécurité des Nations unies, c’est-à-dire les cinq membres permanents, se sont mis d’accord pour réaffirmer la déclaration négociée entre Gorbatchev et le président Reagan à Reykjavik en octobre 1986, selon laquelle une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit donc jamais être menée. C’est la première fois que ces cinq puissances, toutes nucléaires, s’accordent sur une telle déclaration.

En soi, il s’agit d’une percée très importante ; un premier pas important dans la bonne direction. Mais évidemment, les paroles doivent être suivies d’actes, et cette déclaration, bien qu’extrêmement importante, ne suffit pas en elle-même à désamorcer la crise autour de l’Ukraine, ni la crise autour de Taiwan.

Les 10 et 11 janvier s’ouvrent donc à Genève les pourparlers sur la stabilité stratégique entre les États-Unis et la Russie, où doit être abordée la réponse des États-Unis à la demande faite par Poutine de signer les deux traités, où il exige que les États-Unis et l’OTAN apportent des garanties que 1/ l’Ukraine ne sera jamais intégrée à l’OTAN et 2/ l’OTAN ne s’étendra pas davantage à l’Est vers les frontières de la Russie. Poutine a tracé une ligne rouge claire, non négociable, et a fait comprendre que si la proposition était ignorée, la réponse russe serait dramatique, car la situation actuelle constitue une menace directe aux intérêts de sécurité vitaux et existentiels de la Russie.

Au lendemain de la réunion de Genève, le 12 janvier, doit avoir lieu le Conseil OTAN-Russie à Bruxelles. Tout à coup, une réunion préparatoire des ministres des affaires étrangères de l’OTAN a été organisée le 7 janvier. Le vice-ministre russe des affaires étrangères, M. Grushko, a immédiatement dit que c’était un mauvais signe, car d’expérience, ces réunions des ministres des affaires étrangères ne font que compliquer les choses, et cela pourrait rendre plus difficile ce sommet à Bruxelles. Enfin, le 13 janvier doit avoir lieu à Vienne la discussion de l’OSCE autour du même sujet.

Les symptômes d’une « révolution de couleur »

Cependant, ces réunions au sommet créent un cadre diplomatique dans le contexte duquel on peut s’attendre à certaines mesures, et dont on peut espérer certains progrès. C’est pourquoi les événements qui viennent de se déclencher au Kazakhstan sont très inquiétants, et nécessitent une enquête complète sur l’ensemble des éléments qui entrent en jeu.

Les troubles ont éclaté en deux jours, dans de nombreuses villes, de manière manifestement coordonnée, assez violente à Almaty, où le bâtiment du gouvernement a été occupé. Officiellement, le facteur déclencheur est la suppression des subventions gouvernementales pour les prix du gaz, qui ont doublé en conséquence, provoquant une forte réaction de la population, étant donné que le taux d’inflation au Kazakhstan était déjà très élevé.

Mais ensuite, en quelques heures, quelque chose d’autre s’est produit : Les manifestations contre le prix du gaz ont été renforcées par un grand nombre d’ONG, qui ont introduit des exigences typiques des révolutions de couleur, comme la « démocratie », les « droits de l’homme », la « liberté d’expression ».

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De plus, il apparaît que l’ancien ministre de l’énergie et de l’environnement, Mukhtar Ablyazov [1998-99], qui était en prison pour détournement de fonds au Kazakhstan et s’est ensuite exilé en France, est impliqué dans la coordination de ces manifestations depuis Kiev, via Facebook. Cet ancien banquier est également connu pour être le principal opposant de Nazarbayev, qui a démissionné de la présidence il y a deux ans ; et il semble qu’il tente de renverser le gouvernement actuel.

Nous sommes donc face à un mode opératoire typique dans lequel des protestations légitimes sont ensuite mélangées avec ces opérations de révolution de couleur, notamment via des ONG financées par l’Occident, qui sont nombreuses au Kazakhstan. Les similitudes avec les événements de Maidan à Kiev en 2014 ne peuvent être ignorés. Le mode opératoire est le même. Il peut inclure une composante Daech, car depuis quelque temps plusieurs anciens combattants de Daech ont été rapatriés avec leurs familles.

Il faut également s’intéresser de près au rôle de Tony Blair, qui entretient depuis longtemps des relations avec le gouvernement kazakh. Le simple fait que le nom de l’ancien Premier ministre britannique apparaisse dans cette histoire mérite l’attention ; car Blair est le père des guerres sans fin. C’est lui qui est à l’origine du concept de « la responsabilité de protéger » qui a servi de prétexte pour lancer les guerres criminelles en Irak, en Libye et en Syrie. Le fait qu’il ait été fait Chevalier par la Reine dans l’ordre le plus élevé de l’Empire britannique est révélateur des qualités que l’Empire britannique honore chez ses citoyens : il s’agit d’une longue liste de crimes dans lesquels il a été impliqué ; et il n’est donc pas étonnant qu’en l’espace de trois jours plus de 700 000 Britanniques aient signé une pétition s’opposant à sa nomination comme Chevalier.

Ce qui se passe au Kazakhstan est très dangereux, et c’est pourquoi il est essentiel de faire connaître à la population les éléments impliqués et les enjeux, qui dépassent évidemment le Kazakhstan. Car il pourrait bien s’avérer qu’il s’agit d’un effort de la part des milieux va-t-en-guerre à Washington et à Londres visant à faire dérailler les réunions diplomatiques entre les Etats-Unis et la Russie, alors que nous nous trouvons au bord d’une crise gravissime, comparable à celle des missiles de Cuba.

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